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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 3.1877 (Teil 1)

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Nécrologie
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72 L'ART.

NECROLOGIE

M. François Buloz, fondateur et directeur de la Revue des
Deux Mondes, est mort le 12 janvier à Paris, après une longue
maladie, âgé de soixante-quatorze ans. M. Buloz e'tait origi-
naire de la Savoie. Il avait eu des commencements modestes.
D'abord compositeur, puis correcteur d'imprimerie, traduc-
teur de plusieurs ouvrages anglais, c'est en 1831 qu'il fonde la
Revue des Deux Mondes, le recueil pe'riodique le plus im-
portant qu'il y ait non-seulement en France, mais en Eu-
rope, et dans les « deux mondes », une publication qui
assurément doit une large part de son prestige et de son
autorité aux écrivains de talent dont elle a réuni et popu-
larisé les œuvres, mais qui — il serait souverainement
injuste de l'oublier — doit à l'initiative de son fondateur
d'avoir pu naître, à sa persévérance, à sa confiance en elle,
à son intelligence et à son travail, d'avoir pu se maintenir
et prospérer. Car les commencements de la. Revue ne furent
pas aussi brillants que pourrait le faire supposer aujour-
d'hui près d'un demi-siècle de succès. Et pourtant elle appa-
raissait à une époque de grande vitalité littéraire, au plus
beau moment de la période romantique, et les plus illus-
tres écrivains de ce temps lui apportaient leur concours.
Elle avait à ses débuts plus d'auteurs que de lecteurs. Il a
fallu vingt ans pour lui assurer la vogue qu'elle méritait
dès le principe. Le second empire, en imposant à la presse
quotidienne des entraves qu'un recueil bi-mensuel avait .
moins de peine à secouer sans qu'il y parût, et en donnant
à son opposition académique le charme et les bénéfices du
fruit défendu, a été pour quelque chose dans le développe-
ment qu'elle a pr;s ; mais l'activité et l'habileté de la direc-
tion n'y sont pas non plus étrangères. Après la guerre elle
a passé par une sorte d'éclipsé, mais elle n'a pas tardé à se
refaire, et à retrouver son crédit. Cette Revue, qui avait
commencé par se modeler sur certains périodiques anglais,
est devenue à son tour un modèle que l'étranger s'efforce
d'imiter. L'Allemagne elle-même, qui parfois prétend pou-
voir se passer des exemples du dehors et dédaigne surtout
ceux de la France, a voulu avoir aussi sa Revue des Deux
Mondes, et c'est à l'imitation du recueil fondé par M. Buloz
que M. le D1' Julius Rodenberg a lancé il y a deux ans la
Deutsche Rundschau, qui ne paraît que tous les mois. Avoir
créé une telle œuvre, en avoir fait une sorte d'institution
européenne, n'est certes pas le fait d'un homme ordinaire,
et il importe peu qu'il ne laisse aucun écrit de sa main
celui qui a eu le mérite d'établir cette institution sur des
bases solides, et l'honneur d'y attacher son nom pendant
quarante-cinq ans. M. Buloz a eu des ennemis, ce qui après
tout n'est pas donné à tout le monde. Peut-être même la
mort n'a-t-elle pas apaisé certaines inimitiés parmi les refusés
de la Revue des Deux Mondes, et la liste en est longue ; mais

— Le sculpteur Vincenzo Luccardi est mort à Genaz-
zano, province de Rome, le 14 novembre. Né à Gemona,
dans le Frioul, le 22 février 1811, il fit ses études à Venise
et s'établit à Rome en 1836. Parmi ses œuvres nom-
breuses, nous rappellerons comme les plus remarquables :
le Caïn, qui lui valut la médaille à Florence et à Vienne ;
le groupe du Déluge universel, pour lequel il obtint, à
l'Exposition de Paris en 1867, la médaille d'or et la croix
de la Légion d'honneur. Parmi ses [œuvres les plus ré-
centes, on cite : Raffaello e la Fornarina; Agar ed Is-
maele: Cleovatra et Aida.

non moins longue et non moins brillante sans doute, est celle
des élus de cette Revue qui en somme, en dépit des lacunes
qu'on pourrait signaler, et bien qu'elle ait eu des hauts et
des bas, n'en a pas moins été la représentation noblement
fidèle sinon minutieusement exacte de la France littéraire.
La Revue des Deux Mondes avait sa phvsionomie bien ca-
ractérisée, ses allures propres, et l'on a pu dire qu'elle
subissait par trop l'empreinte de la personnalité de son
directeur, qui avait <t l'œil du maître » et surveillait tout
de très-près, les grandes lignes comme les moindres détails.
Elle avait ses traditions qui parfoisfrisaient le parti pris. line
faudrait pourtant rien èxagérer, ni accuser d'exclusivisme et
d'intolérance un recueil qui a donné à seslecteuis la primeur
de quelques-unes des Fleurs du mal de Baudelaire ; voilà
pour la poésie ; — qui, sévère pour Berlioz vivant se montre
plus humain pour Berlioz enterré ; qui, s'il « exécute » svsté-
matiquement la musique de Richard Wagner, sans parler
de celle de Gounod, s'est ouvert un jour à un article de
M. Edouard Schuré sur le Drame lyrique, admirable ana-
lyse des Maîtres chanteurs de Nuremberg, voilà pour la cri-
tique musicale: — qui enfin publie les salons de M. Victor
Cherbuliez, pour se faire pardonner ceux de Gustave
Planche; voilà pour la critique d'art. — Ces faits, et nous
en pourrions citer d'autres, témoignent tout au moins d'une
impartialité relative qui doit être comptée à la Revue des
Deux Mondes et à son directeur. En résumé, M. Buloz a
élevé un monument qu'on pourra restaurer, transformer,
mais qui, fùt-il renouvelé de fond en comble, n'en serait
pas moins son œuvre, et cette œuvre suffit et amplement à
lui faire un nom. Nous négligeons les quelques années de
son passage à la Comédie-Française, où il fut successivement
commissaire royal puis administrateur. C'est par la Revue
des Deux-Mondes que M. Buloz existe et que son souvenir
restera. Ceux qui ont connu l'homme savent qu'il avait,
selon les expressions de George Sand, « une grande finesse

sous sa rude écorcc..... » et « des moments de sincérité et

de véritable sensibilité comme tous les bourrus ». Nous
irons plus loin et nous ne dirons que la vérité en consta-
tant que M. Buloz était foncièrement bon. Un bourru,
soit, mais un bourru bienfaisant; un paysan du Danube, si
vous voulez, mais un homme de cœur, qui ne se laissait
pas toujours deviner, qui se défendait, et qui avait cent fois
raison, car nous l'eussions bien défié de diriger la Revue
des Deux Mondes s'il n'eût été qu'un vulgaire « bon
garçon ». Les obsèques de M. Buloz ont été célébrées le
15 janvier à Saint-Germain-des-Prés. La Revue du 15 a
paru encadrée de noir avec une notice de M. Charles de
Mazade, un des plus anciens collaborateurs de ce recueil.
M. de Mazade annonce une étude complète sur M. Buloz.

— On annonce la mort d'un des meilleurs peintres de
la Russie, Timoléon-Charles de Neff.

Il était né en 1805 à Korkulla, en Esthonie. Après
avoir fait ses études artistiques à Dresde d'abord, et ensuite
à Rome, il alla en 1826 à Saint-Pétersbourg, où ses œu-
vres ne tardèrent pas à être remarquées ; ses portraits de
plusieurs membres de la famille impériale notamment, lui
acquirent promptement la notoriété ; ils lui valurent en
1832, l'emploi de peintre delà cour, deux ans plus tard
une pension viagère, et en 1839, le titre de membre de
l'Académie des beaux-arts.

Le Directeur-Gérant, EUGÈNE VÉRON.
 
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