Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 3.1877 (Teil 1)

DOI article:
Oberlin, Jacques: L' histoire de la peinture franҫaise: introduction
DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.16904#0029

DWork-Logo
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
L'HISTOIRE DE LA PEINTURE FRANÇAISE

INTRODUCTION.

M. Georges Berger, directeur des sections étrangères à l'Exposition universelle de 1S-8, professeur à l'École nationale des
Beaux-Arts, a ouvert, le mercredi 20 décembre i8j6, son cours d'esthétique et d'histoire de l'art. Ce cours sera consacré à l'histoire
de la peinture française. L'éminent professeur, suppléant de M. Taine, veut bien nous accorder la faveur de nous communiquer son
manuscrit. Nous nous proposons d'y faire de larges emprunts, en y ajoutant de nombreuses gravures, qui seront en quelque sorte les
preuves à l'appui des enseignements de l'historien et de l'esthéticien. En attendant, nous croyons devoir reproduire intégralement la
leçon inaugurale de M. Georges Berger, qui s'est exprimé en ces termes :

Je vous propose, Messieurs, d'ouvrir avec moi le livre des
grandes annales de l'Art, aux chapitres consacrés à la peinture
française. Nous y recueillerons, pour les analyser, les comparer
et les faire servir à d'instructives conclusions, les grands faits de
la naissance et du développement de notre école nationale. J'ai la
mission délicate et flatteuse de vous guider dans une recherche
qui doit aboutir à un enseignement à la fois historique et philo-
sophique. Permettez-moi de mettre une part de ma responsabi-
lité à l'abri, en confessant tout d'abord que j'arrive les mains
vides de théories inédites. Mes prétentions sont bornées. Je veux
être pour vous un cicérone prévoyant et scrupuleux, avare de
votre temps ainsi que de vos peines. Je vous arrêterai seulement

■ en face de personnalités caractérisées, devant des œuvres recon-
nues capables de provoquer les remarques utiles et . la médita-
tion féconde. J'aurai soin de vous rappeler ou de vous apprendre

' les circonstances diverses et les influences de tous ordres au
milieu desquelles les objets, de notre étude ont été formés. Mon
ambition sera satisfaite et ma récompense sera acquise après cela,
si, pour la partie dogmatique de mes leçons, je n'ai qu'à résumer
et à formuler les jugements que la logique la plus élémentaire
aura imposés à l'esprit de chacun de vous. J'estime en effet qu'un
cours de l'espèce de celui-ci peut être profitable par la revue mé-
thodique de faits ou d'exemples auxquels leur valeur et leur
authenticité donnent une éloquence victorieuse, plus que par l'ex-
posé d'une doctrine, si consciencieusement refléchie qu'elle puisse
être ; il faut surtout alors que les leçons soient composées d'après
des observations matériellement contrôlées ou contrôlables, que
les impressions personnelles du professeur n'apparaissent que
dans la stricte mesure voulue par la confiance, ou mieux par la
confidence qu'il doit à un auditoire curieux et intelligemment
libéral.

Le programme que j'aurais à vous exposer s'esquisse par des
traits chronologiques et biographiques trop connus, dans leur
généralité, pour qu'il soit utile que je vous en offre par avance le
moindre aperçu sommaire; ce n'est d'ailleurs qu'en les analysant
dans des détails qui échappent souvent à l'observation concrète
que je pourrai éclairer les points sur lesquels il me faudra parti-
culièrement fixer votre attention et votre étude.

En remontant jusqu'aux premiers vestiges apparents d'un
pinceau national, en redescendant ensuite le cours des époques
jusqu'au seuil du xix° siècle, je vous dirai les noms illustres des
peintres, des princes, des personnages qui, par leur science, leur
talent, leur génie, leur goût et leur protection, ont fondé, per-
fectionné, ennobli, caractérisé, encouragé et modifié la manière
française. Nous franchirons ensemble les Alpes, le Rhin et les
frontières du Nord ; nous rechercherons là-bas, dans chacune des
écoles anciennes de l'Italie, de l'Allemagne et des Flandres, les
sources des influences premières; nous y noterons les points de
ressemblance dont la connaissance est nécessaire pour l'histoire
des origines, les termes de la comparaison essentielle à faire pour
affirmer l'originalité et l'indépendance relative conquises par nos
maîtres. A propos de l'œuvre de chacun de ceux-ci, j'abrégerai
pour vous les énervements d'un examen trop prolongé, en déga-
geant les caractéristiques visibles de sa composition, de son dessin,
et de son coloris; après vous avoir appris à reconnaître l'indivi-
dualité d'un peintre et les allures d'un atelier ou d'une période
artistique, après vous avoir mis presque en mesure de formuler
des attributions dont l'exactitude dépendra toujours néanmoins
Tome VIII.

de l'habitude de voir, c'est-à-dire de l'expérience pratique plutôt
que des facultés appréciatives et du savoir, il me restera encore
à vous raconter la vie des principaux artistes, à vous faire l'histo-
rique de certains morceaux.

Est-ce là tout ce que je vous dois ? tout ce que je dois à
mon sujet? Certainement non. J'ai à vous parler de l'Art; ce
seul mot implique une recherche plus profonde ; il exige des
définitions que je rendrai aussi brèves et peu subtiles que possi-
ble : c'est, d'abord, j'en conviens, te terme général qui désigne
les procédés par lesquels l'activité intellectuelle produit les œu-
vres qui se rapprochent le plus de la perfection attribuable à
chacune d'elles; j'avoue que parler des procédés c'est rappeler
l'usage des sens, du bras, de l'outil ; j'admets que l'organisme
corporel désigne tous les hommes pour être, avant tout, des
artisans ; mais j'ajoute immédiatement que l'élévation de la capa-
cité morale classe certains d'entre eux au rang d'artistes. Ces deux
degrés dans la grande hiérarchie intellectuelle qui domine toutes
nos hiérarchies sociales ont, vous le voyez, des dénominations
peu différenciées : artisans —artistes ; c'est que notre langue est
souvent judicieuse au point de compléter la définition de ses
termes les plus généraux par les dérivés de ceux-ci ; il m'est
donc permis de dire, d'accord avec l'esprit de la langue française,
qu'en prononçant le mot Art je spécifie encore le principe uni-
versel qui préside à la conception, à la facture, ainsi qu'à la per-
ception ou compréhension des œuvres capables de saisir à la fois
les sens et l'âme. Ce principe lui-même est aussi peu définissa-
ble, à première analyse, que celui de l'organisation psychologique
de l'être humain. Je suis tenté de ranger l'Art, considéré sous ce
point de vue, au nombre des facultés intellectuelles, quand je
réfléchis à l'emploi que l'esprit humain en a toujours fait pour
dissimuler, sous les dehors réhabilitants de la forme idéale, le
réalisme abaissant des besoins physiques. Ainsi : la nécessité
d'abriter sa fragilité corporelle contraint l'homme à se bâtir une
demeure, mais son génie crée l'architecture, que les siècles les
plus reculés ont connue assez grande pour fournir des sanc-
tuaires à la Divinité. Les exigences matérielles de la vie commune
et le sentiment de l'insuffisance individuelle déterminent l'inven-
tion du langage artificiel : l'esprit humain accapare cet outil
organique, l'ennoblit en le mettant au service de l'éloquence et
de la poésie natives, et voilà les belles-lettres qui rivent un fleu-
ron au diadème de l'être pensant. Si j'envisage, parmi les beaux-
arts, ceux qui sont sans relation d'origine avec nos besoins
physiques, la sculpture et la peinture me révèlent immédiatement
la tendance de l'imagination humaine vers la production d'eeu-
vres qui, sous des formes ou des apparences empruntées à la
nature, interprètent les spectacles de celle-ci ; je vois dans cette
interprétation, préférée et substituée à une reproduction dont
le seul mérite consisterait dans l'illusion plus ou moins complète
imposée aux sens, l'éclatante manifestation d'une faculté de l'âme
nécessaire pour créer une œuvre d'art ou pour en jouir. Je suis
porté, dès lors, à regarder l'œuvre d'art comme une revendica-
tion de la partie intellectuelle et de la partie morale de l'homme
sur la nature physique, de l'idée sur la matière. Je comprends,
dès lors aussi, ce qu'il faut entendre par « l'idéal » : ce mot cesse
d'être un qualificatif énigmatique ; il s'érige comme la dénomi-
nation vraie de l'essence de l'Art. L'idéal se définit par les condi-
tions de sa manifestation ; celle-ci implique une activité de la
pensée capable d'atteindre au génie quand les idées qui naissent

5
 
Annotationen