Sahara. — Fac-similé d'un dessin d'Eugène Fromentin. (N° 160 de sa vente après décès.)
EUGÈNE FROMENTIN
(fin) 1
Fromentin avait trop d'esprit pour s'amuser
longtemps d'un tel jeu. Aussi le voyons-nous tout
à coup prendre son parti, quitter l'Orient et cher-
cher un nouveau filon. C'est alors qu'il s'essaye,
après Ziem, aux vues de Venise, et qu'il expose
la Vue du Grand Canal et du Môle. On eût dû
applaudir à sa tentative ; par malheur on n'y com-
prit rien. Les décors d'opéra et les outrances de la
peinture moderne ont si bien habitué les amateurs
à une Venise de convention, toujours ensoleillée,
toujours chatoyante et féerique, que la Venise dis-
crète et calme de Fromentin désorienta le public et
les amateurs. C'était pourtant là la vraie Venise,
celle qu'ont peinte les maîtres vénitiens, celle de
Canaletto, dont les doux et harmonieux portraits
sont à coup sûr plus fidèles et plus ressemblants
que les pyrotechnies de M. Ziem.
Fromentin commençait, hélas! à n'être plus
d'âge à lutter. Il n'essaya pas de convaincre les
j incrédules. Il vira de bord une seconde fois, essaya
..... . _,,„ , . d'un thème classique et exposa ses Centauresses.
frac-simile d un croquis d Eugène Fromentin. 1 1
Cette fois ce fut lui qui se trompa. Son talent
aimable et spirituel ignorait absolument le style épique que réclament de tels sujets. Des bustes
de grisettes parisiennes ajustés tant bien que mal sur des corps de chevaux pur sang, telles
i. Voir VArt, année, tome Ier, page ir.
Tome VIII. 4
EUGÈNE FROMENTIN
(fin) 1
Fromentin avait trop d'esprit pour s'amuser
longtemps d'un tel jeu. Aussi le voyons-nous tout
à coup prendre son parti, quitter l'Orient et cher-
cher un nouveau filon. C'est alors qu'il s'essaye,
après Ziem, aux vues de Venise, et qu'il expose
la Vue du Grand Canal et du Môle. On eût dû
applaudir à sa tentative ; par malheur on n'y com-
prit rien. Les décors d'opéra et les outrances de la
peinture moderne ont si bien habitué les amateurs
à une Venise de convention, toujours ensoleillée,
toujours chatoyante et féerique, que la Venise dis-
crète et calme de Fromentin désorienta le public et
les amateurs. C'était pourtant là la vraie Venise,
celle qu'ont peinte les maîtres vénitiens, celle de
Canaletto, dont les doux et harmonieux portraits
sont à coup sûr plus fidèles et plus ressemblants
que les pyrotechnies de M. Ziem.
Fromentin commençait, hélas! à n'être plus
d'âge à lutter. Il n'essaya pas de convaincre les
j incrédules. Il vira de bord une seconde fois, essaya
..... . _,,„ , . d'un thème classique et exposa ses Centauresses.
frac-simile d un croquis d Eugène Fromentin. 1 1
Cette fois ce fut lui qui se trompa. Son talent
aimable et spirituel ignorait absolument le style épique que réclament de tels sujets. Des bustes
de grisettes parisiennes ajustés tant bien que mal sur des corps de chevaux pur sang, telles
i. Voir VArt, année, tome Ier, page ir.
Tome VIII. 4