L'ART ET L'ETAT
es deux formes de gouvernement, de la monarchie ou de la
république, quelle est la plus favorable aux beaux-arts et aux
artistes ?
L'art peut-il se passer de la protection des pouvoirs publics,
et l'abstention complète de l'Etat, son abdication entre les mains
de l'initiative privée, n'est-elle pas préférable à son intervention
et à ses faveurs ?
Ces deux questions vieilles comme le monde, aussi vieilles du moins
que les sociétés policées et que l'art lui-même, sont de nouveau très-
controversées dans la presse, les discours prononcés à l'Académie française,
à l'occasion de la réception de M. Charles Blanc, leur ayant refait une
virginité .
La première ne nous tente guère; question brûlante, faite pour pas-
sionner les esprits, pour susciter d'éloquentes tirades et de brillants déve-
loppements, mais au fond question oiseuse, et nous nous méfions, à vrai
dire, des réponses péremptoires, des solutions décisives qu'amène, de
quelque côté qu'elles viennent, la discussion de ce problème de métaphy-
sique artistique et sociale. Que vous répondiez monarchie ou république,
ètes-vous bien sûr de ne pas céder aux entraînements de l'esprit de parti ?
C'est une conviction toute faite qui vous anime et vous dicte votre
réponse, une conviction légitime sans doute, mais antérieure, supérieure si
vous voulez, dans tous les cas étrangère au litige; et si nombreux, si
topiques même que soient vos arguments, avouez que vous les avez
recueillis et soigneusement triés sur le volet pour les besoins de la cause,
pour appuyer une thèse acceptée d'avance, loin de chercher à dégager des
enseignements de l'histoire et des observations de l'expérience une conclu-
sion désintéressée. La vérité est que l'histoire et l'expérience ne four-
nissent pas en cette matière de conclusion absolue. Elles disent tour à
tour noir et blanc, elles soufflent le froid et le chaud, elles nous montrent
des monarchies qui n'ont pas nui au progrès des beaux-arts et des répu-
bliques qui n'ont rien fait pour y aider; elles nous montrent aussi des
despotes épiciers et des républiques d'hommes de goût. Ajoutons qu'on a
vu des monarchies quasi républicaines et des républiques presque monar-
chiques, ce qui n'est pas précisément de nature à justifier les conclu-
sions dogmatiques, quelle qu'en soit l'étiquette. La vérité est qu'il y a
suppoht d horloge. ^es peupjes artistes [et des peuples qui ne le sont pas. Chez tel peuple
Compose par Piranesi. — rac-simue u une 11 ^ 1 L l r r I
ac ses gravures. part n'a qU1une saison, chez tel autre il dure aussi longtemps que la race
elle-même. Ici son histoire se confond avec celle de certain établissement religieux ou politique ;
là ses grandeurs et ses décadences sont indépendantes des révolutions de l'église et des institutions
de la cité. La vérité enfin est qu'en un pareil débat il faut se garer de tout a priori, tenir
compte des nuances et des exceptions qui ne confirment pas toujours la règle, en dépit du
es deux formes de gouvernement, de la monarchie ou de la
république, quelle est la plus favorable aux beaux-arts et aux
artistes ?
L'art peut-il se passer de la protection des pouvoirs publics,
et l'abstention complète de l'Etat, son abdication entre les mains
de l'initiative privée, n'est-elle pas préférable à son intervention
et à ses faveurs ?
Ces deux questions vieilles comme le monde, aussi vieilles du moins
que les sociétés policées et que l'art lui-même, sont de nouveau très-
controversées dans la presse, les discours prononcés à l'Académie française,
à l'occasion de la réception de M. Charles Blanc, leur ayant refait une
virginité .
La première ne nous tente guère; question brûlante, faite pour pas-
sionner les esprits, pour susciter d'éloquentes tirades et de brillants déve-
loppements, mais au fond question oiseuse, et nous nous méfions, à vrai
dire, des réponses péremptoires, des solutions décisives qu'amène, de
quelque côté qu'elles viennent, la discussion de ce problème de métaphy-
sique artistique et sociale. Que vous répondiez monarchie ou république,
ètes-vous bien sûr de ne pas céder aux entraînements de l'esprit de parti ?
C'est une conviction toute faite qui vous anime et vous dicte votre
réponse, une conviction légitime sans doute, mais antérieure, supérieure si
vous voulez, dans tous les cas étrangère au litige; et si nombreux, si
topiques même que soient vos arguments, avouez que vous les avez
recueillis et soigneusement triés sur le volet pour les besoins de la cause,
pour appuyer une thèse acceptée d'avance, loin de chercher à dégager des
enseignements de l'histoire et des observations de l'expérience une conclu-
sion désintéressée. La vérité est que l'histoire et l'expérience ne four-
nissent pas en cette matière de conclusion absolue. Elles disent tour à
tour noir et blanc, elles soufflent le froid et le chaud, elles nous montrent
des monarchies qui n'ont pas nui au progrès des beaux-arts et des répu-
bliques qui n'ont rien fait pour y aider; elles nous montrent aussi des
despotes épiciers et des républiques d'hommes de goût. Ajoutons qu'on a
vu des monarchies quasi républicaines et des républiques presque monar-
chiques, ce qui n'est pas précisément de nature à justifier les conclu-
sions dogmatiques, quelle qu'en soit l'étiquette. La vérité est qu'il y a
suppoht d horloge. ^es peupjes artistes [et des peuples qui ne le sont pas. Chez tel peuple
Compose par Piranesi. — rac-simue u une 11 ^ 1 L l r r I
ac ses gravures. part n'a qU1une saison, chez tel autre il dure aussi longtemps que la race
elle-même. Ici son histoire se confond avec celle de certain établissement religieux ou politique ;
là ses grandeurs et ses décadences sont indépendantes des révolutions de l'église et des institutions
de la cité. La vérité enfin est qu'en un pareil débat il faut se garer de tout a priori, tenir
compte des nuances et des exceptions qui ne confirment pas toujours la règle, en dépit du