FEUILLES AU VENT.
163
No g^ — Quatre Bourgeois, un vu de profil et trois par derrière. Ils sont
coiffés de chapeaux hauts de forme et à larges bords. Celui de ces hommes vu en
profil est enveloppé jusqu'aux yeux dans un ample manteau, les autres ont des
manteaux à manches qui leur descendent aux genoux.
Dessin ombré par un lavis au bistre. Hauteur, om,io2; largeur 0*115. Il
provient de la collection Santarelli, réunie par donation à l'ancien fonds des
dessins du musée des Offices, nn 59 du catalogue Santarelli. Il a été photographié
dans le recueil des Callot publié par M. Carlo Pini, sous le n° 212.
N" 68. — Deux enfants, l'un de quatorze ans, l'autre à côté plus petit. Ils
sont vus de face, ont la tête couverte de chapeaux à larges bords, ils sont en-
veloppés de manteaux qui descendent jusqu'aux mollets; dans le lointain, trois
gentilshommes vêtus de même; plus loin encore, trois autres petits personnages
dont un assis.
Dessin à la plume, ombré avec soin par un lavis au bistre. Hauteur, om,H7;
largeur, o"M74. Il provient de la collection Santarelli réunie par donation à
l'ancien fonds des dessins du musée des Offices, n° 69 du catalogue Santarelli.
Il a été photographié dans le recueil des Callot publié par M. Carlo Pini,
sous le n° 218.
N« 6q. — Un matelot vu de profil, il fume dans une pipe, il est coiffé d'une
calotte, porte une blouse à capuchon, serrée à la taille, et des hautes chausses
étroites nouées aux genoux; il croise les bras. Le fond est un paysage.
Dessin à la plume, ombré par des hachures et, en outre, par un lavis, le
FEUILLES
On reconnaît aujourd'hui tout l'intérêt et toute l'importance
qui s'attachent à la correspondance des grands artistes, aussi
bien au point de vue de l'histoire de l'art qu'à celui de l'intelli-
gence, des qualite's morales et des sympathies particulières de
chacun d'eux. Aussi recherche-t-on avec une véritable avidité,
un acharnement réel parfois, jusqu'aux fragments les plus insi-
gnifiants de cette correspondance.
Cependant, il faut le dire, l'insignifiance est rare lorsqu'une
fois on entre dans cet ordre d'idées, où tout, au contraire, de-
vient intéressant et digne d'attention. S'agit-il d'une lettre d'af-
faires? on découvre le secret d'une situation douloureuse, ou le
mobile souvent inconnu qui fait agir l'individu, et cela aug-
mente d'autant la somme d'informations relative à sa position de
fortune, à son état moral, à son caractère. Est-ce une lettre
adressée à un confrère, à un critique, à un élève? nous avons
alors une dissertation sur l'art, une sorte de discussion esthé-
tique dans laquelle les points restés obscurs de l'intelligence
artistique sont aussitôt mis en évidence et se dégagent d'une
façon lumineuse. Enfin, un billet familier tombe-t-il sous nos
yeux? il nous sert la plupart du temps de révélation en ce qui
concerne les particularités, les côtés intimes de la nature de
l'artiste.
D'ailleurs, « le style, c'est l'homme », a dit Buffon, et cela
est surtout vrai du style épistolaire de l'artiste, qui, n'ayant que
peu l'habitude d'écrire, le fait avec d'autant plus d'abandon
et se découvre avec plus de facilité. Aussi ne peut-on qu'applau-
dir au soin pieux avec lequel des amis dévoués, conscients du
service qu'ils rendent à une chère mémoire, recueillent les lettres
écrites jadis par un de ces esprits distingués et généralement
impressionnables et s'empressent de les publier. Ces intéres-
santes publications ne dussent-elles nous éclairer que sur la
valeur morale de celui qui fut un grand artiste, nous devrions
nous tenir pour très-satisfaits, aujourd'hui que l'on a reconnu,
avec beaucoup de raison, que l'étude de l'œuvre ne va pas sans
celle de l'homme.
Ces quelques réflexions n'étaient peut-être pas inutiles
comme entrée en matière, comme introduction aux lettres qui
vont suivre et qui sont livrées à la publicité. Me trouvant, il y a
quelques années, à Rouen, l'idée me vint — tout naturellement
— de visiter la magnifique bibliothèque de cette ville. M'adres-
sant à l'un des bibliothécaires, M. Lebreton —■ ancien membre
de la Constituante de 1848 — j'appris que la bibliothèque pos-
sédait une collection considérable d'autographes provenant d'un
tout au bistre. Hauteur, om,i 54; largeur, c^ooo. II provient de la collection San-
tarelli, réunie par donation à l'ancien fonds des dessins du musée des Offices,
0° Ç7 du catalogue Santarelli. Il a été photographié dans le recueil des Callot
publié par M. Carlo Pini, sous le n" 214.
N° 70. — Un mendiant. Il est vu de profil ou plutôt de dos; il est coiffé
d'un chapeau à larges bords rabattus; habillé d'une veste serrée a la taille, de
hautes chausses non nouées aux genoux; de la main gauche, il tient un long
bâton, et de la droite, une espèce de tirelire à aumônes.
Dessin à la plume et au lavis. Hauteur, om,u3 ; largeur, o'",i8o. Il provient
de la collection Santarelli, réunie par donation à l'ancien fonds des dessins du
musée des Offices, n° 56 du catalogue Santarelli. Il a été photographié dans le
recueil des Callot publié par M. Carlo Pini, sous le n° 213.
N" 71. — Promenade en barque. Une dizaine d'individus est entassée dans
une embarcation légère. L'un d'eux sonne de la trompette.
Dessin à la plume, ombré par un lavis au bistre. Hauteur, om,ioo; lar-
geur, om,i42. Provient de la collection Santarelli, réunie par donation à l'ancien
fonds des dessins de la galerie des Offices, n° 68 du catalogue Santarelli. 11 a été
photographié dans le recueil des Callot publié par M. Carlo Pini, sous
le n° 206.
FOUCQUES DE VaGNONVILLE.
(La suite prochainement.)
AU VENT
legs particulier qui lui avait été fait récemment. N'ayant que des
loisirs restreints, je demandai communication de la partie de
cette collection qui se rapportait aux artistes, et c'est là que je
pris copie des lettres que voici, qui m'ont semblé particulière-
ment dignes d'intérêt ou de curiosité.
Les noms de Prud'hon, de Dupaty (le statuaire), de Cheru-
bini, de Charlet, de Bocage, de Frédéric Bérat et de quelques
autres figurent dans cette série d'autographes jusqu'ici restés
ignorés. J'ose espérer que quelques personnes au moins me sau-
ront gré de leur avoir fait voir le grand jour.
Commençons par une lettre bien amère et bien découragée
de Prud'hon, lettre adressée, sous le coup d'une douleur pro-
fonde, à son amie Mmo la comtesse Le Groing de la Maison-
Neuve. La vie des grands artistes n'est point, sous le rapport
intime, plus heureuse ou plus favorisée que celle des autres
hommes; on verra par cette lettre à quel point ils peuvent
ployer sous le malheur.
« Paris, ce 15 août 1822.
« Ma chère amie, lorsque la Vérité quitte le vêtement men-
« songer de l'illusion et se présente nue, le plus beau de ses
« charmes disparoît, et l'on est surpris de trouver à peine une
« faible trace du plaisir qu'on s'étoit promis; c'est le cas où
« vous êtes dans ce moment : malgré le déchet que vous éprou-
« vés dans votre campagne, ma position de ville est bien autre-
« ment fâcheuse; le tems des illusions heureuses est passé pour
« moi ; toutes mes pensées sont portées à la mélancolie ; il ne
« me reste d'un bonheur anéanti qu'un vain rêve, un souvenir
« douloureux et des regrets amers : vous le dirai-je, bonne amie,
« je ne vis pas; la tristesse est au fond de mon cœur; elle se
« mêle à tous mes sentimens et empoisonne jusques aux dou-
« ceurs de l'amitié même : l'isolement me suit partout, et je
« n'ai de satisfaction qu'à être effectivement seul, parce qu'alors
« je me nourris sans empêchement de tout ce qui m'afflige.
« Mais, ma bonne amie, que vous dis-je donc là! Je ne
« pense pas que je trouble le peu de plaisir que vous goûtés, et
« pourtant j'ai besoin de dire que je ne suis pas heureux; mon
« cœur oppressé le demande : votre indulgente amitié voudra
« bien me pardonner ce tort, cette faiblesse, n'est-ce pas?... Je
« ne vous ai plus une fois par semaine ; bien des samdis se sont
« déjà passés dans la privation, ces samdis que votre douce
« affection me rend si chers, ils reviendront, bonne amie, j'es-
« père, et je ne serai pas tout à fait malheureux.
163
No g^ — Quatre Bourgeois, un vu de profil et trois par derrière. Ils sont
coiffés de chapeaux hauts de forme et à larges bords. Celui de ces hommes vu en
profil est enveloppé jusqu'aux yeux dans un ample manteau, les autres ont des
manteaux à manches qui leur descendent aux genoux.
Dessin ombré par un lavis au bistre. Hauteur, om,io2; largeur 0*115. Il
provient de la collection Santarelli, réunie par donation à l'ancien fonds des
dessins du musée des Offices, nn 59 du catalogue Santarelli. Il a été photographié
dans le recueil des Callot publié par M. Carlo Pini, sous le n° 212.
N" 68. — Deux enfants, l'un de quatorze ans, l'autre à côté plus petit. Ils
sont vus de face, ont la tête couverte de chapeaux à larges bords, ils sont en-
veloppés de manteaux qui descendent jusqu'aux mollets; dans le lointain, trois
gentilshommes vêtus de même; plus loin encore, trois autres petits personnages
dont un assis.
Dessin à la plume, ombré avec soin par un lavis au bistre. Hauteur, om,H7;
largeur, o"M74. Il provient de la collection Santarelli réunie par donation à
l'ancien fonds des dessins du musée des Offices, n° 69 du catalogue Santarelli.
Il a été photographié dans le recueil des Callot publié par M. Carlo Pini,
sous le n° 218.
N« 6q. — Un matelot vu de profil, il fume dans une pipe, il est coiffé d'une
calotte, porte une blouse à capuchon, serrée à la taille, et des hautes chausses
étroites nouées aux genoux; il croise les bras. Le fond est un paysage.
Dessin à la plume, ombré par des hachures et, en outre, par un lavis, le
FEUILLES
On reconnaît aujourd'hui tout l'intérêt et toute l'importance
qui s'attachent à la correspondance des grands artistes, aussi
bien au point de vue de l'histoire de l'art qu'à celui de l'intelli-
gence, des qualite's morales et des sympathies particulières de
chacun d'eux. Aussi recherche-t-on avec une véritable avidité,
un acharnement réel parfois, jusqu'aux fragments les plus insi-
gnifiants de cette correspondance.
Cependant, il faut le dire, l'insignifiance est rare lorsqu'une
fois on entre dans cet ordre d'idées, où tout, au contraire, de-
vient intéressant et digne d'attention. S'agit-il d'une lettre d'af-
faires? on découvre le secret d'une situation douloureuse, ou le
mobile souvent inconnu qui fait agir l'individu, et cela aug-
mente d'autant la somme d'informations relative à sa position de
fortune, à son état moral, à son caractère. Est-ce une lettre
adressée à un confrère, à un critique, à un élève? nous avons
alors une dissertation sur l'art, une sorte de discussion esthé-
tique dans laquelle les points restés obscurs de l'intelligence
artistique sont aussitôt mis en évidence et se dégagent d'une
façon lumineuse. Enfin, un billet familier tombe-t-il sous nos
yeux? il nous sert la plupart du temps de révélation en ce qui
concerne les particularités, les côtés intimes de la nature de
l'artiste.
D'ailleurs, « le style, c'est l'homme », a dit Buffon, et cela
est surtout vrai du style épistolaire de l'artiste, qui, n'ayant que
peu l'habitude d'écrire, le fait avec d'autant plus d'abandon
et se découvre avec plus de facilité. Aussi ne peut-on qu'applau-
dir au soin pieux avec lequel des amis dévoués, conscients du
service qu'ils rendent à une chère mémoire, recueillent les lettres
écrites jadis par un de ces esprits distingués et généralement
impressionnables et s'empressent de les publier. Ces intéres-
santes publications ne dussent-elles nous éclairer que sur la
valeur morale de celui qui fut un grand artiste, nous devrions
nous tenir pour très-satisfaits, aujourd'hui que l'on a reconnu,
avec beaucoup de raison, que l'étude de l'œuvre ne va pas sans
celle de l'homme.
Ces quelques réflexions n'étaient peut-être pas inutiles
comme entrée en matière, comme introduction aux lettres qui
vont suivre et qui sont livrées à la publicité. Me trouvant, il y a
quelques années, à Rouen, l'idée me vint — tout naturellement
— de visiter la magnifique bibliothèque de cette ville. M'adres-
sant à l'un des bibliothécaires, M. Lebreton —■ ancien membre
de la Constituante de 1848 — j'appris que la bibliothèque pos-
sédait une collection considérable d'autographes provenant d'un
tout au bistre. Hauteur, om,i 54; largeur, c^ooo. II provient de la collection San-
tarelli, réunie par donation à l'ancien fonds des dessins du musée des Offices,
0° Ç7 du catalogue Santarelli. Il a été photographié dans le recueil des Callot
publié par M. Carlo Pini, sous le n" 214.
N° 70. — Un mendiant. Il est vu de profil ou plutôt de dos; il est coiffé
d'un chapeau à larges bords rabattus; habillé d'une veste serrée a la taille, de
hautes chausses non nouées aux genoux; de la main gauche, il tient un long
bâton, et de la droite, une espèce de tirelire à aumônes.
Dessin à la plume et au lavis. Hauteur, om,u3 ; largeur, o'",i8o. Il provient
de la collection Santarelli, réunie par donation à l'ancien fonds des dessins du
musée des Offices, n° 56 du catalogue Santarelli. Il a été photographié dans le
recueil des Callot publié par M. Carlo Pini, sous le n° 213.
N" 71. — Promenade en barque. Une dizaine d'individus est entassée dans
une embarcation légère. L'un d'eux sonne de la trompette.
Dessin à la plume, ombré par un lavis au bistre. Hauteur, om,ioo; lar-
geur, om,i42. Provient de la collection Santarelli, réunie par donation à l'ancien
fonds des dessins de la galerie des Offices, n° 68 du catalogue Santarelli. 11 a été
photographié dans le recueil des Callot publié par M. Carlo Pini, sous
le n° 206.
FOUCQUES DE VaGNONVILLE.
(La suite prochainement.)
AU VENT
legs particulier qui lui avait été fait récemment. N'ayant que des
loisirs restreints, je demandai communication de la partie de
cette collection qui se rapportait aux artistes, et c'est là que je
pris copie des lettres que voici, qui m'ont semblé particulière-
ment dignes d'intérêt ou de curiosité.
Les noms de Prud'hon, de Dupaty (le statuaire), de Cheru-
bini, de Charlet, de Bocage, de Frédéric Bérat et de quelques
autres figurent dans cette série d'autographes jusqu'ici restés
ignorés. J'ose espérer que quelques personnes au moins me sau-
ront gré de leur avoir fait voir le grand jour.
Commençons par une lettre bien amère et bien découragée
de Prud'hon, lettre adressée, sous le coup d'une douleur pro-
fonde, à son amie Mmo la comtesse Le Groing de la Maison-
Neuve. La vie des grands artistes n'est point, sous le rapport
intime, plus heureuse ou plus favorisée que celle des autres
hommes; on verra par cette lettre à quel point ils peuvent
ployer sous le malheur.
« Paris, ce 15 août 1822.
« Ma chère amie, lorsque la Vérité quitte le vêtement men-
« songer de l'illusion et se présente nue, le plus beau de ses
« charmes disparoît, et l'on est surpris de trouver à peine une
« faible trace du plaisir qu'on s'étoit promis; c'est le cas où
« vous êtes dans ce moment : malgré le déchet que vous éprou-
« vés dans votre campagne, ma position de ville est bien autre-
« ment fâcheuse; le tems des illusions heureuses est passé pour
« moi ; toutes mes pensées sont portées à la mélancolie ; il ne
« me reste d'un bonheur anéanti qu'un vain rêve, un souvenir
« douloureux et des regrets amers : vous le dirai-je, bonne amie,
« je ne vis pas; la tristesse est au fond de mon cœur; elle se
« mêle à tous mes sentimens et empoisonne jusques aux dou-
« ceurs de l'amitié même : l'isolement me suit partout, et je
« n'ai de satisfaction qu'à être effectivement seul, parce qu'alors
« je me nourris sans empêchement de tout ce qui m'afflige.
« Mais, ma bonne amie, que vous dis-je donc là! Je ne
« pense pas que je trouble le peu de plaisir que vous goûtés, et
« pourtant j'ai besoin de dire que je ne suis pas heureux; mon
« cœur oppressé le demande : votre indulgente amitié voudra
« bien me pardonner ce tort, cette faiblesse, n'est-ce pas?... Je
« ne vous ai plus une fois par semaine ; bien des samdis se sont
« déjà passés dans la privation, ces samdis que votre douce
« affection me rend si chers, ils reviendront, bonne amie, j'es-
« père, et je ne serai pas tout à fait malheureux.