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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 3.1877 (Teil 1)

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Genevay, Antoine: Carle Vernet, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16904#0098

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L'ART.

permettre de reproduire l'ébauche du portrait de cette infortunée. Il est certainement aussi beau
que celui de Mme Récamier que le Louvre possède. L'auteur des Sabines et de Léonidas, qui devait
si lâchement l'abandonner, a peint cette pâle et douce victime sur un fond rouge rutilant ; cette
couleur sanglante inspire une horreur involontaire et vous met comme en présence de l'exécrable
échafaud.

La mort de M'nc Chalgrin porta un coup terrible à Carie, il se fit petit, se tint caché, et ne
reparut qu'après la chute de Robespierre, tombant lorsqu'il voulait arrêter la machine qu'il avait
mise en branle, et devenu, pour nous servir de la brutale parole de Napoléon, « le pot de

chambre dans lequel on a jeté

il ■

toutes les ordures de la Révo-
i^ntE»! "IwMiill lution ». Quand nous retrouvons

Carie , en lui le patriote de 8y a
disparu pour faire place à un mus-
cadin, à un tapageur de cette
« jeunesse dorée », qui promenait
ses violences, ses ridicules toilet-
tes, son parler imbécile, dans les
rues, dans les théâtres de la
cité, et rêvait la restauration d'une
royauté impossible. Puis vinrent
les saturnales du Directoire, ces
incroyables, ces merveilleuses,
dont Vernet nous a laissé de si
charmants crayons. Comme il les
connaissait et comme il les ren-
dait, ces fous si maniérés, si bi-
zarrement attifés, et ces femmes
si légèrement vêtues, qu'elles n'a-
vaient plus rien à montrer à
leurs nombreux amants ! Regardez
ceux - ci avec leurs cadenettes,
leurs oreilles de chien, leurs
étranges chapeaux, leurs lorgnons,
leurs breloques à charivari, leurs
immenses cravates, leurs habits
qui voûtent leur dos, leurs bro-
dequins à becs de canard, leurs
bottes à la poulaine que leur

Le Gastronome sans argent, de Carie Vernet. fournit le célèbre Cordonnier La-

Fac-simile d'un dessin de Camille Gilbert, d'après la gravure de Commartieux.

serre, rue des Canettes. Voyez
celles-ci, avec leurs robes transparentes, sans jupes ni chemises, ceinturées sous les bras, le sein
nu, coiffées de mille façons avec des perruques de mille nuances, la jambe découverte, portant
des cothurnes qu'elles vont acheter chez le fameux Coppe, rue Jacob, et expliquez-nous, je vous
prie, comment le même peuple, la même génération, pouvait, à la même heure, produire ces
sottes figures, ces licencieuses poupées, et les purs et héroïques soldats du Rhin ?

Cette époque, de toutes façons fut heureuse pour Vernet; ce milieu bizarre, outre le plaisir
qu'il adorait, fournit matière à son spirituel talent, et mieux que de longues pages les caricatures de
Carie font connaître le Directoire et ses honteuses mœurs. Oh ! quelle souplesse dans son crayon !
Voyez plutôt ce Chiffonnier, malgré la décence de notre dessinateur, M. C. Gilbert, qui en
reproduisant l'œuvre de Carie a volontairement omis quelque chose, à son attitude, à sa pose,
vous reconnaîtrez aisément le soin impérieux qui occupe l'homme à la lanterne. De quelle main
 
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