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CHRONIQUE DES ARTS.
ble; une assez jolie toile de Cabanel, un
■ Daubigny, quelques nudités d’un haut goût
que le gouvernement envoie de temps à
autre, voilà tout. La bibliothèque ne présente
pas non plus de grandes richesses. A l’excep-
tion du manuscrit d’un roman dont il n’existe
que cet exemplaire et de quelques incunables
assez jolis, je n’ai rien vu qui eût grande
importance.
Mais Carcassonne possédera Cité «.C’était
à cause de ce bijou unique au monde quela
Société française d’archéologie s’était déci-
dée à tenir à Carcassonne sa 36e réunion. Or,
cette cité, le congrès ne l’a pas vue, et voici
pourquoi :
Parmi les étrangers venus pour assister au
congrès, se trouvait le docteur Cattois, qui,
dès le premier jour, s’empressa d’aller visi-
ter les monuments de Carcassonne et ren-
dit compte de la visite le soir même en
assemblée générale. Or, le docteur Cattois,
savant archéologue du reste, était revenu de
sa promenade de fort mauvaise humeur
contre M. Viollet-le-Duc, auteur, comme on
sait, de restaurations importantes qui se
poursuivent à la cité. M. Cattois accusait le
célèbre architecte de s’être livré à la fan-
taisie, et il appuyait son dire de quelques
preuves réelles, d’autres douteuses, d’autres
môme fausses. Mais ce n’est pas tout;
M. Cattois, de parti pris, condamne toutes
les reconstructions d’édifices anciens quand
il n’est pas Urgent de les utiliser, comme
les églises par exemple, et, dans ce cas, il
demande 'que l’on remette lès choses dans
leur état primitif sans céder à la tentation
de faire plus joli. Quant aux monuments
qui sont sans utilité possible, comme tous
ceux qui appartiennent à l’architecture mi-
litaire du moyen âge, M. Cattois veut qu’on
les empêche de tomber, mais qu’on ne les
relève pas. La ruine, selon lui, doit rester
un objet d’étude que l’on peut relever sur
le papier, mais qui, sur le terrain, doit res-
ter telle quelle pour l’instruction des ar-
chéologues.
Il est permis à chacun d’avoir son opinion
et de la soutenir ; mais il est imprudent de
le faire quand on touche à des questions
délicates. Les Carcassonnais sont moins fiers
de leur cité que des restaurations qu’on y a
faites. Pour eux, M. Viollet-le-Duc est moins
le reconstructeur que l’inventeur de la
vieille ville. Son nom est lié aux murailles de
la cité moyen âge ; toucher à M. Viollet-le-
Duc, c’est essayer de démolir la cité.
Je ne parle.pas des quelque 500,000 fr.
qui ont été déjà dépensés et de la somme à
peu près égale qu’il faudrait pour achever
ce grand ouvrage. Ces considérations n’ap-
paraissent pas dans une discussion artisti-
que, mais elles ont bien quelque poids dans
la balance. Bref, M. Cattois fit sa sortie;
beaucoup la trouvèrent de fort mauvais
goût, mais nul ne songea à la relever, à
l’exception de l’inspecteur des travaux, qui
manifesta l’intention derecourir à ses poings
plutôt qu’à son éloquence. On l’arrêta à
temps au grand profit de M. Cattois; mais il
ne devait pas borner sa vengeance à cette
manifestation un peu brutale.
En effet, faisant retomber 'sur tous les
membres du progrès sa colère excitée par
un seul, M. Cals, qui cependant avait pris
rendez-vous pour onze heures, se fit dès le
malin remettre toutes les clefs et même celle
de la chapelle de Saint-Radulphe, depuis
longtemps livrée au culte et confiée au sa-
cristain ; puis, se renfermant dans la partie
fortifiée de l’église, les mains dans les po-
ches, le cigare aux dents, il se donna le
plaisir, en arpentant les terrasses de la ca-
thédrale, de narguer du haut de son obser-
vatoire inabordable les membres du congrès
qui erraient désappointés.
Chacun peut avoir son opinion sur l’utilité
ou les inconvénients d’une reconstruction
d’édifices militaires ; quant à l’accusation
portée par M. Cattois contre M. Viollet-le-
Duc d’avoir sacrifié à la fantaisie, M. Cals*
par sa conduite inqualifiable, a mis bon
ordre à toute étude sérieuse sur ce sujet.
Que l’on me permette seulement de m’éton-
ner que l’action de M. Cals ait été possible.
Comprend-on que des travaux faits par l’É-
tat et à moitié terminés soient laissés à la
disposition plus ou moins arbitraire d’un
simple conducteur, et que cet employé
puisse, pour satisfaire une rancune person-
nelle, parfaitement injuste d’ailleurs, ren-
voyer insolemment une centaine d’étrangers
venus de tous les points de la France, alors
surtout qu’il n’y a pas de travaux en cours
d’exécution et pas un seul ouvrier dans les
chantiers ?
J’ignore si M. Cals a été grondé, mais voilà
les raisons pour lesquelles le congrès a dû se
séparer sans avoir vu Carcassonne.
Il serait trop long d’énumérer les travaux
et les impressions de la Société dans ses ex-
cursions à Perpignan, à Béziers et à Nar-
bonne. Qu’il me soit donné seulement de
payer un juste tribut d’éloges à cette der-
nière ville. Son musée est une fort jolie
chose où chacun a voulu apporter sa pierre.
C’est vraiment l’œuvre de tous, et l’on se
sent à l’aise en parcourant ces belles salles
de l’ancien archevêché, où l’on ne sait ce
qu’il faut admirer le plus ou des'clioses cu-
rieuses que l’on a sous les yeux, ou de l’art
plein de bon goût qui a présidé à leur ar-
rangement. Narbonne donne un exemple
que bien des villes plus considérables de-
vraient imiter. Faisons des vœux pour que
le culte du beau se répande , et faisons nos
efforts pour arriver à ce résultat.
(Le Globe.) Vle de Pégueiroles.
A PROPOS
DE PLUSIEURS SALLES DU LOUVRE.
Paris, 21 février 1869.
Monsieur le Directeur,
Vous avez eu, dans votre dernier numéro,
l’obligeance de reproduire, pour la plus
grande commodité des assidus du Louvre,
les divers renseignements que l’administra-
tion vient de faire afficher pour donner con-
naissance des jours d’ouverture des diffé-
rents musées. Permeltez-moi de me servir
de votre .estimable journal pour adresser à
qui de droit une réclamation dont l’efficacité
ne saurait être douteuse, grâce à la publicité
que vous voudrez bien lui donner.
Les affiches ne disent rien de spécial au
service des salles des dessins français, des
ivoires, bois sculptés et majoliques. On est
donc en droit de supposer que, sauf le lundi,
ces salles sont ouvertes comme les salons de
peinture. 11 n’en est rien. Chaque vendredi,
les quinze salles qui comprennent ces col-
lections et les pastels sont fermées au pu-
blic, au moins dans l’après-midi : je n’ai pas
vérifié le fait le matin. 11 n’est guère suppo-
sable que ce soit pour dresser l’inventaire ,
puisque celui des dessins est terminé et que
les catalogues des bois, ivoires et faïences
sont en vente. Ce ne peut être non plus faute
de gardiens. Nous savons tous que M. le sur-
intendant donne à chanter tous les vendre-
dis soir dans le salon des pastels : les sup-
ports des lampes, le lustre et le piano à
queue lui-même sont là pour en témoigner.
Serait-ce donc pour ces soirées musicales
que le service du public est interrompu dans
15 salles et pendant la journée ? Nous
pourrions le croire. Mais alors qu’on l’affi-
che. Rien de mieux que de chanter : nous
verrions même sans y trouver rien à redire
M. le surintendant danser.
Mais cela, c’est son affaire. La nôtre, c’est
de ne pas perdre notre temps à des visites
inutiles, et qu’une pancarte mise à propos
régulariserait.
Un de vos Abonnés.
Cette observation venant corroborer une
note du Figaro, nous la renvoyons à M. le
surintendant, qui l’accueillera, à coup sûr,
avec l’empressement qu’il n’a cessé de mettre
à toutes les réclamations qu’il a reçues de-
puis quelque temps, lorsqu’il se sera rendu
compte des entraves que la fermeture de
ces salles met à la circulation dans le Lou-
vre. Nous espérons même que ces galeries
l’esteront toujours ouvertes. Pour qui veut
se rendre des salles de dessin à la salle des
peintures du musée Napoléon 111, il ne faut
rien moins, si ces pièces sont closes, que
revenir sur ses pas et refaire le tour entier
du Louvre. F. del Tall.
CORRESPONDANCE D’ESPAGNE.
La Gazelle officielle de Madrid vient de
publier un décret de M. Zorilla, ministre du
Fomento, ordonnant de classer et d’inven-
torier les imprimés, manuscrits, documents
et objets d’art, dont l’État a pris possession
à Tolède, aux termes du décret du 1er jan-
vier et d’élaborer un plan d’organisation,
pour que ces objets soient mis le plus
promptement possible à la disposition du
public.
Il nous faut louer hautement M. Zorilla
de l’énergique initiative qu’il ne cesse de
déployer à l’occasion de cette sécularisation
des richesses artistiques enfouies dans les
cathédrales de l’Espagne, et nous ne croyons
être, en le faisant, que l’interprète des sen-
timents de quiconque aime l’Espagne, son
art et son histoire.
L’activité du ministre nous est le plus sûr
garant que Madrid comptera avant peu un
musée véritablement national, et où il sera
possible enfin d’étudier sur des monuments
certains l’histoire et la chronologie de ses
intéressantes écoles. Paul Lefort.
NOUVELLES.
Il est bien vrai que le pavillon Lesdi-
guière a été transformé en un pavillon-che-
minée. On a vu le campanile fumer! Es-
pérons qu’à l’avenir ce pavillon, si souvent
modifié dans ces dernières années, n’aura
plus aucune modification à' subir. Devenu
une des merveilles de Paris, les badauds se
rendront sur le pont des Saints-Pères pour
le voir fumer, comme on va au Palais-Royal
pour entendre à midi la détonation du ca-
non-solaire.
* *
Ait Louvre on a ouvert, à droite et à gau-
che du couloir qui conduit aux salles de la
sculpture de la Renaissance, deux salles ;
l’une contient .une mosaïque, quelques
tombes et bas-reliefs de l’art romain chré-
tien; l’autre, les moulages de la cheminée
de Bruges et les tombeaux des ducs de
Bourgogne. Ces salles sont ouvertes les mar-
dis et vendredis, de midi à quatre heures.
*
& &
M. Charles Blanc a été appelé à Genève
et à Lausanne pour faire, dans chacune de
ces villes, cinq conférences sur les arts. Ce
seront donc deux villes étrangères qui au-
ront eu l’initiative de confier à notre savant
et brillant esthéticien une chaire pour Ren-
seignement de l’art.
*
* *
On vient de rendre au public une travée
de la grande galerie du Louvre avec nombre
de chefs-d’œuvre de Rubens, de van Dyck ,
de Paul Pottef, de Téniers, d’Ostadc... que
tous les amateurs et les artistes seront heu-
reux de revoir après une si longue priva-
tion.
*
❖ *
Lundi 1er mars, à huit heures et demie
du soir, M. Grangedor fera sa troisième
conférence sur l’Art et les artistes contem-
porains, à la salle -du Boulevard des Capu-
cines , 39. Le professeur parlera sur Ingres
et Delacroix : de nouvelles reproductions
en peinture, gravure et photographie, d’a-
près les deux maîtres, seront exposées, ainsi
qu’un certain nombre de dessins originaux
empruntés pour cette soirée aux meilleures
collections d’amateurs.
*
* *
Quelques nouveaux renseignements sur
les œuvres qui figureront au prochain Sa-
lon. M. Fromentin enverra une Fantasia ;
M. Millet , l’Égorgement du cochon ;
M. Beaume, Bonaparte au siège de Tou-
lon ; M. Harpignies, Paris vu de la galerie
d’Apollon, au Louvre; M. Gaillard, deux
portraits ; M. Lefort, le Réfectoire ; M. Ser-
vit], un Intérieur de charcutier; M. Gustave
Doré, Rossini mort; Courbet, une Grande
Dame ; M. Mallet, les Ruines de Rache-
maure et une vue du Rhône en octobre ;
M. Corot, un Paysage et un homme
d’armes ; M. Michel, une vue de Bercy.
On parle aussi de deux cadres contenant
des dessins dus à nos artistes le plus en
renom, Gérome, Bida, LaIanne...pour illus-
trer un exemplaire des fables de La Fontaine
qui appartient à M. le baron de Boissieu.
*
Nous apprenons avec plaisir que les ré-
clamations de M. Manet ont été suivies de
succès. L’imprimeur Lemercier lui a donné
avis que sa pierre lithographique, représen-
tant l'Exécution de l’empereur Maximilien
ou, si l’on préfère rester dans le vague,
une Fusillade au Mexique, était tenue à sa
disposition.
*
* *
Nous apprenons que M. Châlons-d’Argé,
qui écrivait sur les Beaux-Arts et qui no-
tamment préparait un Dictionnaire très-
complet de tous les artistes français, vient
d’être frappé d’une terrible maladie, l’apha-
sie. C’est une forme de la paralysie qui, sans
altérer les fonctions du cerveau, prive le
malade de la mémoire de l’expression des
mots. De sorte qu’il entend et comprend
tout et ne peut rien répondre. C’est de cet
affreux supplice qu’est mort le poète Charles
Baudelaire.
^ »
* *
Sous ce titre : Decamps et son œuvre,
M. Adolphe Moreau, va faire prochainement
paraître 1 volume in-8, dont M. D. Joüaust
est à la fois l’imprimeur et l’éditeur. Il est
accompagné de sept planches reproduisant
en fac-similé des pièces rares dans l’œuvre
lithographié ou gravé de Decamps. Il con-
tient le catalogue raisonné de toutes les
œuvres de ce maître ; celui des planches
exécutées d’après lui par divers artistes, et
le relevé des prix atteints dans les ventes par
ses tableaux ou ses dessins. Sur la couver-
ture il y a un petit portrait de Decamps. Les •
fleurons sont dessinés par M. Olaudius Po-
pelin,
-—-
BÎBLÏOGRAPHIE.
JOURNAUX.
Le Public, h février. Peintures murales
exécutées dans la chapelle de Saint-Étienne-
du-Mùnt par M. Timbal, et dans la chapelle
de Notre-Dame par M. Maillet, par M. Oli-
vier Merson.
Le Constitutionnel, 16 février. Le coin do
feu d’un vieux peintre, extrait d’un manu-
scrit de Marie Philippe Coupin. — L’art, ja-
ponais, conférence faite à VUnion centrale,
le 19 février 1869, par M. Ernest Chesneau.
Journal des Débats, 21 février. Pierre
Puget, par M. Charles Clément.
Le Directeur : ÉMILE GAL1CHON.
CHRONIQUE DES ARTS.
ble; une assez jolie toile de Cabanel, un
■ Daubigny, quelques nudités d’un haut goût
que le gouvernement envoie de temps à
autre, voilà tout. La bibliothèque ne présente
pas non plus de grandes richesses. A l’excep-
tion du manuscrit d’un roman dont il n’existe
que cet exemplaire et de quelques incunables
assez jolis, je n’ai rien vu qui eût grande
importance.
Mais Carcassonne possédera Cité «.C’était
à cause de ce bijou unique au monde quela
Société française d’archéologie s’était déci-
dée à tenir à Carcassonne sa 36e réunion. Or,
cette cité, le congrès ne l’a pas vue, et voici
pourquoi :
Parmi les étrangers venus pour assister au
congrès, se trouvait le docteur Cattois, qui,
dès le premier jour, s’empressa d’aller visi-
ter les monuments de Carcassonne et ren-
dit compte de la visite le soir même en
assemblée générale. Or, le docteur Cattois,
savant archéologue du reste, était revenu de
sa promenade de fort mauvaise humeur
contre M. Viollet-le-Duc, auteur, comme on
sait, de restaurations importantes qui se
poursuivent à la cité. M. Cattois accusait le
célèbre architecte de s’être livré à la fan-
taisie, et il appuyait son dire de quelques
preuves réelles, d’autres douteuses, d’autres
môme fausses. Mais ce n’est pas tout;
M. Cattois, de parti pris, condamne toutes
les reconstructions d’édifices anciens quand
il n’est pas Urgent de les utiliser, comme
les églises par exemple, et, dans ce cas, il
demande 'que l’on remette lès choses dans
leur état primitif sans céder à la tentation
de faire plus joli. Quant aux monuments
qui sont sans utilité possible, comme tous
ceux qui appartiennent à l’architecture mi-
litaire du moyen âge, M. Cattois veut qu’on
les empêche de tomber, mais qu’on ne les
relève pas. La ruine, selon lui, doit rester
un objet d’étude que l’on peut relever sur
le papier, mais qui, sur le terrain, doit res-
ter telle quelle pour l’instruction des ar-
chéologues.
Il est permis à chacun d’avoir son opinion
et de la soutenir ; mais il est imprudent de
le faire quand on touche à des questions
délicates. Les Carcassonnais sont moins fiers
de leur cité que des restaurations qu’on y a
faites. Pour eux, M. Viollet-le-Duc est moins
le reconstructeur que l’inventeur de la
vieille ville. Son nom est lié aux murailles de
la cité moyen âge ; toucher à M. Viollet-le-
Duc, c’est essayer de démolir la cité.
Je ne parle.pas des quelque 500,000 fr.
qui ont été déjà dépensés et de la somme à
peu près égale qu’il faudrait pour achever
ce grand ouvrage. Ces considérations n’ap-
paraissent pas dans une discussion artisti-
que, mais elles ont bien quelque poids dans
la balance. Bref, M. Cattois fit sa sortie;
beaucoup la trouvèrent de fort mauvais
goût, mais nul ne songea à la relever, à
l’exception de l’inspecteur des travaux, qui
manifesta l’intention derecourir à ses poings
plutôt qu’à son éloquence. On l’arrêta à
temps au grand profit de M. Cattois; mais il
ne devait pas borner sa vengeance à cette
manifestation un peu brutale.
En effet, faisant retomber 'sur tous les
membres du progrès sa colère excitée par
un seul, M. Cals, qui cependant avait pris
rendez-vous pour onze heures, se fit dès le
malin remettre toutes les clefs et même celle
de la chapelle de Saint-Radulphe, depuis
longtemps livrée au culte et confiée au sa-
cristain ; puis, se renfermant dans la partie
fortifiée de l’église, les mains dans les po-
ches, le cigare aux dents, il se donna le
plaisir, en arpentant les terrasses de la ca-
thédrale, de narguer du haut de son obser-
vatoire inabordable les membres du congrès
qui erraient désappointés.
Chacun peut avoir son opinion sur l’utilité
ou les inconvénients d’une reconstruction
d’édifices militaires ; quant à l’accusation
portée par M. Cattois contre M. Viollet-le-
Duc d’avoir sacrifié à la fantaisie, M. Cals*
par sa conduite inqualifiable, a mis bon
ordre à toute étude sérieuse sur ce sujet.
Que l’on me permette seulement de m’éton-
ner que l’action de M. Cals ait été possible.
Comprend-on que des travaux faits par l’É-
tat et à moitié terminés soient laissés à la
disposition plus ou moins arbitraire d’un
simple conducteur, et que cet employé
puisse, pour satisfaire une rancune person-
nelle, parfaitement injuste d’ailleurs, ren-
voyer insolemment une centaine d’étrangers
venus de tous les points de la France, alors
surtout qu’il n’y a pas de travaux en cours
d’exécution et pas un seul ouvrier dans les
chantiers ?
J’ignore si M. Cals a été grondé, mais voilà
les raisons pour lesquelles le congrès a dû se
séparer sans avoir vu Carcassonne.
Il serait trop long d’énumérer les travaux
et les impressions de la Société dans ses ex-
cursions à Perpignan, à Béziers et à Nar-
bonne. Qu’il me soit donné seulement de
payer un juste tribut d’éloges à cette der-
nière ville. Son musée est une fort jolie
chose où chacun a voulu apporter sa pierre.
C’est vraiment l’œuvre de tous, et l’on se
sent à l’aise en parcourant ces belles salles
de l’ancien archevêché, où l’on ne sait ce
qu’il faut admirer le plus ou des'clioses cu-
rieuses que l’on a sous les yeux, ou de l’art
plein de bon goût qui a présidé à leur ar-
rangement. Narbonne donne un exemple
que bien des villes plus considérables de-
vraient imiter. Faisons des vœux pour que
le culte du beau se répande , et faisons nos
efforts pour arriver à ce résultat.
(Le Globe.) Vle de Pégueiroles.
A PROPOS
DE PLUSIEURS SALLES DU LOUVRE.
Paris, 21 février 1869.
Monsieur le Directeur,
Vous avez eu, dans votre dernier numéro,
l’obligeance de reproduire, pour la plus
grande commodité des assidus du Louvre,
les divers renseignements que l’administra-
tion vient de faire afficher pour donner con-
naissance des jours d’ouverture des diffé-
rents musées. Permeltez-moi de me servir
de votre .estimable journal pour adresser à
qui de droit une réclamation dont l’efficacité
ne saurait être douteuse, grâce à la publicité
que vous voudrez bien lui donner.
Les affiches ne disent rien de spécial au
service des salles des dessins français, des
ivoires, bois sculptés et majoliques. On est
donc en droit de supposer que, sauf le lundi,
ces salles sont ouvertes comme les salons de
peinture. 11 n’en est rien. Chaque vendredi,
les quinze salles qui comprennent ces col-
lections et les pastels sont fermées au pu-
blic, au moins dans l’après-midi : je n’ai pas
vérifié le fait le matin. 11 n’est guère suppo-
sable que ce soit pour dresser l’inventaire ,
puisque celui des dessins est terminé et que
les catalogues des bois, ivoires et faïences
sont en vente. Ce ne peut être non plus faute
de gardiens. Nous savons tous que M. le sur-
intendant donne à chanter tous les vendre-
dis soir dans le salon des pastels : les sup-
ports des lampes, le lustre et le piano à
queue lui-même sont là pour en témoigner.
Serait-ce donc pour ces soirées musicales
que le service du public est interrompu dans
15 salles et pendant la journée ? Nous
pourrions le croire. Mais alors qu’on l’affi-
che. Rien de mieux que de chanter : nous
verrions même sans y trouver rien à redire
M. le surintendant danser.
Mais cela, c’est son affaire. La nôtre, c’est
de ne pas perdre notre temps à des visites
inutiles, et qu’une pancarte mise à propos
régulariserait.
Un de vos Abonnés.
Cette observation venant corroborer une
note du Figaro, nous la renvoyons à M. le
surintendant, qui l’accueillera, à coup sûr,
avec l’empressement qu’il n’a cessé de mettre
à toutes les réclamations qu’il a reçues de-
puis quelque temps, lorsqu’il se sera rendu
compte des entraves que la fermeture de
ces salles met à la circulation dans le Lou-
vre. Nous espérons même que ces galeries
l’esteront toujours ouvertes. Pour qui veut
se rendre des salles de dessin à la salle des
peintures du musée Napoléon 111, il ne faut
rien moins, si ces pièces sont closes, que
revenir sur ses pas et refaire le tour entier
du Louvre. F. del Tall.
CORRESPONDANCE D’ESPAGNE.
La Gazelle officielle de Madrid vient de
publier un décret de M. Zorilla, ministre du
Fomento, ordonnant de classer et d’inven-
torier les imprimés, manuscrits, documents
et objets d’art, dont l’État a pris possession
à Tolède, aux termes du décret du 1er jan-
vier et d’élaborer un plan d’organisation,
pour que ces objets soient mis le plus
promptement possible à la disposition du
public.
Il nous faut louer hautement M. Zorilla
de l’énergique initiative qu’il ne cesse de
déployer à l’occasion de cette sécularisation
des richesses artistiques enfouies dans les
cathédrales de l’Espagne, et nous ne croyons
être, en le faisant, que l’interprète des sen-
timents de quiconque aime l’Espagne, son
art et son histoire.
L’activité du ministre nous est le plus sûr
garant que Madrid comptera avant peu un
musée véritablement national, et où il sera
possible enfin d’étudier sur des monuments
certains l’histoire et la chronologie de ses
intéressantes écoles. Paul Lefort.
NOUVELLES.
Il est bien vrai que le pavillon Lesdi-
guière a été transformé en un pavillon-che-
minée. On a vu le campanile fumer! Es-
pérons qu’à l’avenir ce pavillon, si souvent
modifié dans ces dernières années, n’aura
plus aucune modification à' subir. Devenu
une des merveilles de Paris, les badauds se
rendront sur le pont des Saints-Pères pour
le voir fumer, comme on va au Palais-Royal
pour entendre à midi la détonation du ca-
non-solaire.
* *
Ait Louvre on a ouvert, à droite et à gau-
che du couloir qui conduit aux salles de la
sculpture de la Renaissance, deux salles ;
l’une contient .une mosaïque, quelques
tombes et bas-reliefs de l’art romain chré-
tien; l’autre, les moulages de la cheminée
de Bruges et les tombeaux des ducs de
Bourgogne. Ces salles sont ouvertes les mar-
dis et vendredis, de midi à quatre heures.
*
& &
M. Charles Blanc a été appelé à Genève
et à Lausanne pour faire, dans chacune de
ces villes, cinq conférences sur les arts. Ce
seront donc deux villes étrangères qui au-
ront eu l’initiative de confier à notre savant
et brillant esthéticien une chaire pour Ren-
seignement de l’art.
*
* *
On vient de rendre au public une travée
de la grande galerie du Louvre avec nombre
de chefs-d’œuvre de Rubens, de van Dyck ,
de Paul Pottef, de Téniers, d’Ostadc... que
tous les amateurs et les artistes seront heu-
reux de revoir après une si longue priva-
tion.
*
❖ *
Lundi 1er mars, à huit heures et demie
du soir, M. Grangedor fera sa troisième
conférence sur l’Art et les artistes contem-
porains, à la salle -du Boulevard des Capu-
cines , 39. Le professeur parlera sur Ingres
et Delacroix : de nouvelles reproductions
en peinture, gravure et photographie, d’a-
près les deux maîtres, seront exposées, ainsi
qu’un certain nombre de dessins originaux
empruntés pour cette soirée aux meilleures
collections d’amateurs.
*
* *
Quelques nouveaux renseignements sur
les œuvres qui figureront au prochain Sa-
lon. M. Fromentin enverra une Fantasia ;
M. Millet , l’Égorgement du cochon ;
M. Beaume, Bonaparte au siège de Tou-
lon ; M. Harpignies, Paris vu de la galerie
d’Apollon, au Louvre; M. Gaillard, deux
portraits ; M. Lefort, le Réfectoire ; M. Ser-
vit], un Intérieur de charcutier; M. Gustave
Doré, Rossini mort; Courbet, une Grande
Dame ; M. Mallet, les Ruines de Rache-
maure et une vue du Rhône en octobre ;
M. Corot, un Paysage et un homme
d’armes ; M. Michel, une vue de Bercy.
On parle aussi de deux cadres contenant
des dessins dus à nos artistes le plus en
renom, Gérome, Bida, LaIanne...pour illus-
trer un exemplaire des fables de La Fontaine
qui appartient à M. le baron de Boissieu.
*
Nous apprenons avec plaisir que les ré-
clamations de M. Manet ont été suivies de
succès. L’imprimeur Lemercier lui a donné
avis que sa pierre lithographique, représen-
tant l'Exécution de l’empereur Maximilien
ou, si l’on préfère rester dans le vague,
une Fusillade au Mexique, était tenue à sa
disposition.
*
* *
Nous apprenons que M. Châlons-d’Argé,
qui écrivait sur les Beaux-Arts et qui no-
tamment préparait un Dictionnaire très-
complet de tous les artistes français, vient
d’être frappé d’une terrible maladie, l’apha-
sie. C’est une forme de la paralysie qui, sans
altérer les fonctions du cerveau, prive le
malade de la mémoire de l’expression des
mots. De sorte qu’il entend et comprend
tout et ne peut rien répondre. C’est de cet
affreux supplice qu’est mort le poète Charles
Baudelaire.
^ »
* *
Sous ce titre : Decamps et son œuvre,
M. Adolphe Moreau, va faire prochainement
paraître 1 volume in-8, dont M. D. Joüaust
est à la fois l’imprimeur et l’éditeur. Il est
accompagné de sept planches reproduisant
en fac-similé des pièces rares dans l’œuvre
lithographié ou gravé de Decamps. Il con-
tient le catalogue raisonné de toutes les
œuvres de ce maître ; celui des planches
exécutées d’après lui par divers artistes, et
le relevé des prix atteints dans les ventes par
ses tableaux ou ses dessins. Sur la couver-
ture il y a un petit portrait de Decamps. Les •
fleurons sont dessinés par M. Olaudius Po-
pelin,
-—-
BÎBLÏOGRAPHIE.
JOURNAUX.
Le Public, h février. Peintures murales
exécutées dans la chapelle de Saint-Étienne-
du-Mùnt par M. Timbal, et dans la chapelle
de Notre-Dame par M. Maillet, par M. Oli-
vier Merson.
Le Constitutionnel, 16 février. Le coin do
feu d’un vieux peintre, extrait d’un manu-
scrit de Marie Philippe Coupin. — L’art, ja-
ponais, conférence faite à VUnion centrale,
le 19 février 1869, par M. Ernest Chesneau.
Journal des Débats, 21 février. Pierre
Puget, par M. Charles Clément.
Le Directeur : ÉMILE GAL1CHON.