DOI Heft:
Numéro 65 (26 Janvier 1832)
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Numéro 65.
mmtmr
Tout ce qui concerne la rédaction doit être adressé, franco,
à M. A. Audibert, Rédacteur en chef de la Caricature,
rue Bergère, n. 19.
2 6 JANVIER 1852.
Les réclamations et envois d’argent doivent être adressés,
franco, au grand Magasin de Caricatures d’Accmit ,
tr»__ Tv.-a .
galerie Yéro-Dodat.
CA STIC AT RIDFJfDO MORES.
MORALE, RELIGIEUSE , LITTERAIRE ET SCENIQUE.
Caricaturer.
PORTRAIT PHYSIQUE DU JUSTE-MILIEU.
Avis à tous les gardes nationaux de la France et de l’Étranger.
U y en a qui n’aiment pas le Juste-Milieu. Moi, j’aime le Juste-
milieu. Je l’aime comme j’aime Odrv, comme j’aime Arnal, comme
toUt ce qui m’amuse.
Le Juste-milieu m’amuse.
Je l’aime comme phénomène, comme exception à la nature raison-
nable, comme monstruosité; je l’aime comme l’enfant bicéphale,
nomme le mouton à cinq pattes, la fille cyclope, le rat ponceau, le
singe voltigeur, le canari savant, la baleine fossile, l’éléphant de
Siam et la puce gi nlesque.
A moi, garde national, c’est un système respectable : — Garde à
n vous ! Présentez armes !
A moi, citoyen , c’est mon objet d’exécration !
A moi, badaud, c’est mon mouton, ma baleine, ma puce, mon
canari, mon Odry politique ; c’est mon loustick. Ce gaillard-là fait
mon bonheur.
Je ne le connaissais pas, que j’en riais déjà ; j’en riais par antici-
pation, sur sa seule renommée, comme on rit d’une farce qu’on va
faire, d’un calembourg qu’on va dire. Je m’étais fait d’avance un
Juste-Milieu à mon usage, un Juste-Milieu palpable ; système incarné,
cire fantastique et idéal, mais composé de chair et d’os , par le besoin
qu’éprouve l’imagination de se matérialiser les idées même les plus
abstraites. Le Juste-Milieu, pensais-je , doit être épais et lourd, grais-
seux et osseux ; il doit avoir un nez pyramidal et fortement bombé
comme le dos d'un dromadaire, et sa bouche doit être gracieuse
comme la fente d’un pain de quatre livres. Au total, ce doit être un
fort joli homme, n’ayant qu’un seul défaut, au physique, bien en-
fendu. Ses jambes sont beaucoup trop courtes, si même on peut
appeler jambes, deux excroissances de chair qui lui pendent au-des-
sous du tronc, et lui servent comme de pincettes* pour enfourcher
un cheval, ou se mouvoir à terre, d’un endroit à un autre. Quand
il marche, il me semble voir un phoque qui remue ses nageoires.
Voilà ce que je rêvassais. Et, si ce n’est pas cela, à coup sûr, ce
doit être autre chose; car enfin, le Juste-Miîieti fait homme, par
l’opération de mon esprit, ne peut pas ne ressembler à rien. C’est bien
assez diéjà qu’il ne ressemble à personne.
Que si vous êtes curieux d’en posséder l’esquisse, oll ! mon Dieu ,
rien n’est plus facile. C’est d’ailleurs un sentiment très-louable chez
un garde national. Mais rassurez-vous : il n’est pas nécessaire de faire
mouler ces suppositions par un homme de l’art, qui vous prendrait
fort cher. Voici une recette infaillible pour les modeler vous-même ,
en forme de buste. Vous n’avez qu’à parler, faites-vous servir.
Faites-vous servir un morceau de terre glaise. Vous prenez le
morceau de terre glaise , vous l’imbibez et pétrissez. Vous le placez
ensuite sur une surface plane , et, mettant par-dessus la paume de
votre main, Vous roulez, roulez , roulez, comme font les pâtissiers
pour figurer des gâteaux longs. Mais vous n’attendez pas que le gâteau
soit long. Dès que votre boulette est à-peu-près ovale, vous vous arrê-
tez , vous la prenez délicatement de la main gauche, vous saisissez un
couteau de la main droite, et vous faites à la boulette une toute petite
incision à la partie inférieure. Celte incision ce sont les jambes. Cela
fait, la boulette commence déjà à prendre une certaine tournure fort
agréable. Vous prévoyez dès-lors que c’est un chef de grande impor-
tance que vous engendrez. Mais ce n’est tout. Vous pincez la boulette
par deux côtés , aux trois quarts à-peu-près de sa hauteur, et les bras
sont faits ; ces bras puissans , qui manient avec tant d’agrément nos
seize cent millions de budget, et le parapluie de la popularité. Oh !
alors, il n’y a plus à en douter : ce sera bien la paix vivante que
vous aurez pétrie.
Toutefois , pour ôter jusqu’à l’ombre d’un doute , vous prenez un
petit morceau de bois de la grosseur de six cheveux : ce sera son épée,
vous crachez dessus , et vous la lui appliquez au côté, en commémo-
ration de ses victoires. Ce sera la paix assurée.
Passons au chef, à cette partie si essentielle au dire de tous les
statuaires , pour obtenir une ressemblance Je 11e saurais donc vous
recommander trop d’attention. Vous placez votre système de boue de-
bout , vous prenez bien exactement vos dimensions, vous levez le
mmtmr
Tout ce qui concerne la rédaction doit être adressé, franco,
à M. A. Audibert, Rédacteur en chef de la Caricature,
rue Bergère, n. 19.
2 6 JANVIER 1852.
Les réclamations et envois d’argent doivent être adressés,
franco, au grand Magasin de Caricatures d’Accmit ,
tr»__ Tv.-a .
galerie Yéro-Dodat.
CA STIC AT RIDFJfDO MORES.
MORALE, RELIGIEUSE , LITTERAIRE ET SCENIQUE.
Caricaturer.
PORTRAIT PHYSIQUE DU JUSTE-MILIEU.
Avis à tous les gardes nationaux de la France et de l’Étranger.
U y en a qui n’aiment pas le Juste-Milieu. Moi, j’aime le Juste-
milieu. Je l’aime comme j’aime Odrv, comme j’aime Arnal, comme
toUt ce qui m’amuse.
Le Juste-milieu m’amuse.
Je l’aime comme phénomène, comme exception à la nature raison-
nable, comme monstruosité; je l’aime comme l’enfant bicéphale,
nomme le mouton à cinq pattes, la fille cyclope, le rat ponceau, le
singe voltigeur, le canari savant, la baleine fossile, l’éléphant de
Siam et la puce gi nlesque.
A moi, garde national, c’est un système respectable : — Garde à
n vous ! Présentez armes !
A moi, citoyen , c’est mon objet d’exécration !
A moi, badaud, c’est mon mouton, ma baleine, ma puce, mon
canari, mon Odry politique ; c’est mon loustick. Ce gaillard-là fait
mon bonheur.
Je ne le connaissais pas, que j’en riais déjà ; j’en riais par antici-
pation, sur sa seule renommée, comme on rit d’une farce qu’on va
faire, d’un calembourg qu’on va dire. Je m’étais fait d’avance un
Juste-Milieu à mon usage, un Juste-Milieu palpable ; système incarné,
cire fantastique et idéal, mais composé de chair et d’os , par le besoin
qu’éprouve l’imagination de se matérialiser les idées même les plus
abstraites. Le Juste-Milieu, pensais-je , doit être épais et lourd, grais-
seux et osseux ; il doit avoir un nez pyramidal et fortement bombé
comme le dos d'un dromadaire, et sa bouche doit être gracieuse
comme la fente d’un pain de quatre livres. Au total, ce doit être un
fort joli homme, n’ayant qu’un seul défaut, au physique, bien en-
fendu. Ses jambes sont beaucoup trop courtes, si même on peut
appeler jambes, deux excroissances de chair qui lui pendent au-des-
sous du tronc, et lui servent comme de pincettes* pour enfourcher
un cheval, ou se mouvoir à terre, d’un endroit à un autre. Quand
il marche, il me semble voir un phoque qui remue ses nageoires.
Voilà ce que je rêvassais. Et, si ce n’est pas cela, à coup sûr, ce
doit être autre chose; car enfin, le Juste-Miîieti fait homme, par
l’opération de mon esprit, ne peut pas ne ressembler à rien. C’est bien
assez diéjà qu’il ne ressemble à personne.
Que si vous êtes curieux d’en posséder l’esquisse, oll ! mon Dieu ,
rien n’est plus facile. C’est d’ailleurs un sentiment très-louable chez
un garde national. Mais rassurez-vous : il n’est pas nécessaire de faire
mouler ces suppositions par un homme de l’art, qui vous prendrait
fort cher. Voici une recette infaillible pour les modeler vous-même ,
en forme de buste. Vous n’avez qu’à parler, faites-vous servir.
Faites-vous servir un morceau de terre glaise. Vous prenez le
morceau de terre glaise , vous l’imbibez et pétrissez. Vous le placez
ensuite sur une surface plane , et, mettant par-dessus la paume de
votre main, Vous roulez, roulez , roulez, comme font les pâtissiers
pour figurer des gâteaux longs. Mais vous n’attendez pas que le gâteau
soit long. Dès que votre boulette est à-peu-près ovale, vous vous arrê-
tez , vous la prenez délicatement de la main gauche, vous saisissez un
couteau de la main droite, et vous faites à la boulette une toute petite
incision à la partie inférieure. Celte incision ce sont les jambes. Cela
fait, la boulette commence déjà à prendre une certaine tournure fort
agréable. Vous prévoyez dès-lors que c’est un chef de grande impor-
tance que vous engendrez. Mais ce n’est tout. Vous pincez la boulette
par deux côtés , aux trois quarts à-peu-près de sa hauteur, et les bras
sont faits ; ces bras puissans , qui manient avec tant d’agrément nos
seize cent millions de budget, et le parapluie de la popularité. Oh !
alors, il n’y a plus à en douter : ce sera bien la paix vivante que
vous aurez pétrie.
Toutefois , pour ôter jusqu’à l’ombre d’un doute , vous prenez un
petit morceau de bois de la grosseur de six cheveux : ce sera son épée,
vous crachez dessus , et vous la lui appliquez au côté, en commémo-
ration de ses victoires. Ce sera la paix assurée.
Passons au chef, à cette partie si essentielle au dire de tous les
statuaires , pour obtenir une ressemblance Je 11e saurais donc vous
recommander trop d’attention. Vous placez votre système de boue de-
bout , vous prenez bien exactement vos dimensions, vous levez le