DOI Heft:
Numéro 83 (31 Mai 1832)
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» Numéro 85.
39£$S&-
Tout ce qui concerne la re'daction doit être adressé, franco,
à M. Louis Desn. (Derville) , Rédacteur en chef de la
Caricature, galerie Yéro-Dodat.
E.SÎIG.T RIDEMDO MORES.
Les réclamations, abonnemens et envois d’argent doivent
être adressés, franco, chez M. Aubert, au grand Ma-
gasin de Caricatures, galerie Véro-Dodat.
MORALE , RELIGIEUSE , LITTERAIRE ET SCÉNIQUE,
AVIS.
La direction générale des postes nous ayant promis d’agir trèsf chè-
rement envers les employés de son administration qui se rendraient
coupables d’infidélité, nous engageons ceux de nos souscripteurs dont
l’abonnement ne serait pas fini, et qui ne recevraient pas leur journal,
à faire constater, au bureau meme de la poste, l'absence du numéro
manquant, et à nous envoyer cette attestation. La meme invitation
s'adresse aux abonnés qui recevraient la Caricature froissée ou salie.
Ceux dont la souscription expire à la fin de mai, sont invités à la
renouveler sans retard, pour éviter toute interruption.
POÉSIE CHARIVARIQUE.
Voilà qui va bien vous surprendre. M. Viennet a eu une idée l’autre
jour. M. Viennet s’est dit : « J’ai une idée ! » et sa gouvernante a dit
au portier : « Monsieur Viennet a une idée! » et le portier a dit aux
voisins : « M. Viennet a une idée! »
Cela a causé une bien grande rumeur dans tout le quartier,
« Le peuple, a continué M. Viennet, ou plutôt la canaille ( car
« tout ce qui n’est pas fonctionnaire, marchand de tabac et garde-
« champêtre, tout ce qui travaille pour faire vivre les autres, tout
« cela, c’est de la canaille ; les autres, c’est la bonne société : elle se
« compose du roi, des académiciens, des députés du centre, du
« Journal de Paris et des sergens de ville) -, la canaille donc ne fait
« pas de vers-, elle n’en lit pas non plus, surtout quand c’est la bonne
« société qui les fait -, avec ça quelle ne sait pas lire. Mais la canaille,
« qui ne fait ni ne lit de vers, fait en 'revanche du charivari ; c’est
« l’unique manière que la bonne société n’ait pu lui enlever de pu-
« blier sa pensée ; c’est même son espèce de poésie. Chaudron rime
« avec poêlon, marmite avec lèchefrite, et tôle avec casserolle, aussi
« bien que Valmy avec ennemi, Jemmape avec attrape et Philippe
« avec grippe. Or, il est urgent que, pour rétablir l’harmonie en
« France, les amis, par excellence, delà tranquillité publique, op-
« posent charivari à charivari. Donnons donc un charivari aux dé-
« putés patriotes. »
Quand M. Viennet eut dit cela, il but un verre d’eau sucrée, et il
y avait de quoi -, puis il se mit à donner un charivari, lui tout seul,
a tous ses collègues de la gauche.
C’est donc pour vous dire que M. Viennet fit une épître en vers.
Car c’est sa manière à lui de donner un charivari. Ce fut alors une
cacophonie étrange, un brouhaha de démoniaque, de Hottentot, de
Topinamboux, à faire danser les chèvres, à faire grincer des dents de
-
loup-cervier, à faire avorter la cavale du diable; ce fut un charivari
enfin , le roi des charivaris , un charivarissime , une épître de
M. Viennet, où la périphrase sonore fit l’office de pincette ; le mot pré-
tentieux , celui de pelle : l’épithète criarde, celui de chaudron, de
poêlon, de marmite, de lèchefrite. Ce jour-là les chiens hurlèrent, les
chats miaulèrent, les dindons gloussèrent, les ânes hrayèrent, les
grenouilles croassèrent ; il y eut un dérangement, un mal-être, un aga-
cement nerveux dans toute la nature animale; les amans se mordi-
rent, les chevaux se donnèrent des ruades, et trois femmes accouchè-
rent , qui n’étaient pas enceintes.
Car, je vous l’ai dit, M. Viennet avait fait des vers.
Car M. Viennet fait des vers.
Car les vers de M. Viennet sont d’un style à râper les oreilles d’un
mulet.
Car M. Viennet est le créateur d’une nouvelle école poétique :
l’école abracadabrante. Gare de dessous !
Or, je vous le disais bien, qu’aux yeux de M. Viennet, le peuple
était de la canaille. C’est même une grande concession qu’il fait en
cela à la modération qui doit distinguer le Juste-Milieu. Les chariva-
ristes, dit-il, ce sont des vagabonds, des Phrynés de guinguette, des
libertins, des mutins, des ihtrigans, d'effrontés délateurs, des solli-
citeurs, des voleurs de chaudrons, des enfonceurs déportés, et même
des enfans aux pieds nus ; enfin , comme qui dirait, des hommes
sans emplois.
M. Viennet paraît en vduloir particulièrement aux enfans qui ont
les pieds nus. Mais il a tort. A qui la faute, s’il est encore en France
de pauvres enfans aux pieds nus? Hélas! aux souliers de M. Dupin,
à ces galoches monarchiques, qui, le 3o juillet, ont sauvé la France
des horreurs du bonheur. A qui la faute, si ce n’est à tous ces ventri-
goulus qui, d’abord, ont sucé la canaille comme un bâton de réglisse,
et la rejettent avec dédain, maintenant quelle n’a plus de sucs? Ah!
Messieurs les fashionables, si, avant de voter la liste civile, vous vous
étiez dit : Il est en France de pauvres enfans qui ont les pieds nus;
peut-être vous n’eussiez pas eu l’inconvenance de gorger de millions
votre royauté déjà si riche. Je vous le dis, une royauté qui coûte
des millions par douzaines, en présence de pauvres enfans qui ont les
pieds nus, c’est un sarcasme de diable, un contraste nauséabond!
Mais non, vous le saviez alors, aussi bien qu’aujourd’hui, et cepen-
dant vous avez passé outre! Messieurs, vous êtes tous des...... mais
revenons.
M. Viennet est d’autant moins fondé à dépriser les enfans aux pieds
nus, que la nudité des pieds ne prouve qu’une chose : c’est que la
misère et le Juste-Milieu ont passé par là. On peut avoir les pieds nus,
et être un parfait honnête homme ; tandis qu’on peut être chaussé par
Sakoski, et être un va-nu-pieds. M. Viennet devrait bien le savoir,
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Tout ce qui concerne la re'daction doit être adressé, franco,
à M. Louis Desn. (Derville) , Rédacteur en chef de la
Caricature, galerie Yéro-Dodat.
E.SÎIG.T RIDEMDO MORES.
Les réclamations, abonnemens et envois d’argent doivent
être adressés, franco, chez M. Aubert, au grand Ma-
gasin de Caricatures, galerie Véro-Dodat.
MORALE , RELIGIEUSE , LITTERAIRE ET SCÉNIQUE,
AVIS.
La direction générale des postes nous ayant promis d’agir trèsf chè-
rement envers les employés de son administration qui se rendraient
coupables d’infidélité, nous engageons ceux de nos souscripteurs dont
l’abonnement ne serait pas fini, et qui ne recevraient pas leur journal,
à faire constater, au bureau meme de la poste, l'absence du numéro
manquant, et à nous envoyer cette attestation. La meme invitation
s'adresse aux abonnés qui recevraient la Caricature froissée ou salie.
Ceux dont la souscription expire à la fin de mai, sont invités à la
renouveler sans retard, pour éviter toute interruption.
POÉSIE CHARIVARIQUE.
Voilà qui va bien vous surprendre. M. Viennet a eu une idée l’autre
jour. M. Viennet s’est dit : « J’ai une idée ! » et sa gouvernante a dit
au portier : « Monsieur Viennet a une idée! » et le portier a dit aux
voisins : « M. Viennet a une idée! »
Cela a causé une bien grande rumeur dans tout le quartier,
« Le peuple, a continué M. Viennet, ou plutôt la canaille ( car
« tout ce qui n’est pas fonctionnaire, marchand de tabac et garde-
« champêtre, tout ce qui travaille pour faire vivre les autres, tout
« cela, c’est de la canaille ; les autres, c’est la bonne société : elle se
« compose du roi, des académiciens, des députés du centre, du
« Journal de Paris et des sergens de ville) -, la canaille donc ne fait
« pas de vers-, elle n’en lit pas non plus, surtout quand c’est la bonne
« société qui les fait -, avec ça quelle ne sait pas lire. Mais la canaille,
« qui ne fait ni ne lit de vers, fait en 'revanche du charivari ; c’est
« l’unique manière que la bonne société n’ait pu lui enlever de pu-
« blier sa pensée ; c’est même son espèce de poésie. Chaudron rime
« avec poêlon, marmite avec lèchefrite, et tôle avec casserolle, aussi
« bien que Valmy avec ennemi, Jemmape avec attrape et Philippe
« avec grippe. Or, il est urgent que, pour rétablir l’harmonie en
« France, les amis, par excellence, delà tranquillité publique, op-
« posent charivari à charivari. Donnons donc un charivari aux dé-
« putés patriotes. »
Quand M. Viennet eut dit cela, il but un verre d’eau sucrée, et il
y avait de quoi -, puis il se mit à donner un charivari, lui tout seul,
a tous ses collègues de la gauche.
C’est donc pour vous dire que M. Viennet fit une épître en vers.
Car c’est sa manière à lui de donner un charivari. Ce fut alors une
cacophonie étrange, un brouhaha de démoniaque, de Hottentot, de
Topinamboux, à faire danser les chèvres, à faire grincer des dents de
-
loup-cervier, à faire avorter la cavale du diable; ce fut un charivari
enfin , le roi des charivaris , un charivarissime , une épître de
M. Viennet, où la périphrase sonore fit l’office de pincette ; le mot pré-
tentieux , celui de pelle : l’épithète criarde, celui de chaudron, de
poêlon, de marmite, de lèchefrite. Ce jour-là les chiens hurlèrent, les
chats miaulèrent, les dindons gloussèrent, les ânes hrayèrent, les
grenouilles croassèrent ; il y eut un dérangement, un mal-être, un aga-
cement nerveux dans toute la nature animale; les amans se mordi-
rent, les chevaux se donnèrent des ruades, et trois femmes accouchè-
rent , qui n’étaient pas enceintes.
Car, je vous l’ai dit, M. Viennet avait fait des vers.
Car M. Viennet fait des vers.
Car les vers de M. Viennet sont d’un style à râper les oreilles d’un
mulet.
Car M. Viennet est le créateur d’une nouvelle école poétique :
l’école abracadabrante. Gare de dessous !
Or, je vous le disais bien, qu’aux yeux de M. Viennet, le peuple
était de la canaille. C’est même une grande concession qu’il fait en
cela à la modération qui doit distinguer le Juste-Milieu. Les chariva-
ristes, dit-il, ce sont des vagabonds, des Phrynés de guinguette, des
libertins, des mutins, des ihtrigans, d'effrontés délateurs, des solli-
citeurs, des voleurs de chaudrons, des enfonceurs déportés, et même
des enfans aux pieds nus ; enfin , comme qui dirait, des hommes
sans emplois.
M. Viennet paraît en vduloir particulièrement aux enfans qui ont
les pieds nus. Mais il a tort. A qui la faute, s’il est encore en France
de pauvres enfans aux pieds nus? Hélas! aux souliers de M. Dupin,
à ces galoches monarchiques, qui, le 3o juillet, ont sauvé la France
des horreurs du bonheur. A qui la faute, si ce n’est à tous ces ventri-
goulus qui, d’abord, ont sucé la canaille comme un bâton de réglisse,
et la rejettent avec dédain, maintenant quelle n’a plus de sucs? Ah!
Messieurs les fashionables, si, avant de voter la liste civile, vous vous
étiez dit : Il est en France de pauvres enfans qui ont les pieds nus;
peut-être vous n’eussiez pas eu l’inconvenance de gorger de millions
votre royauté déjà si riche. Je vous le dis, une royauté qui coûte
des millions par douzaines, en présence de pauvres enfans qui ont les
pieds nus, c’est un sarcasme de diable, un contraste nauséabond!
Mais non, vous le saviez alors, aussi bien qu’aujourd’hui, et cepen-
dant vous avez passé outre! Messieurs, vous êtes tous des...... mais
revenons.
M. Viennet est d’autant moins fondé à dépriser les enfans aux pieds
nus, que la nudité des pieds ne prouve qu’une chose : c’est que la
misère et le Juste-Milieu ont passé par là. On peut avoir les pieds nus,
et être un parfait honnête homme ; tandis qu’on peut être chaussé par
Sakoski, et être un va-nu-pieds. M. Viennet devrait bien le savoir,