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La caricature: revue morale, judiciaire, littéraire, artistique, fashionable et scénique — 1832 (Nr. 62-112)

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Numéro 74 (29 Mars 1832)
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https://doi.org/10.11588/diglit.26416#0078

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IV, qui nous a valu une si belle ode de M. Musset ; il y a le point-d’ad-
miration : c’est celui des épiciers quand ils vont au bal de la cour; il
y a le point d’exclamation : c’est celui des poissardes entre elles, et
des hommes de police les jours de fêtes publiques : Vive un tel! vive
une telle! etc. Enfin, il y a le point d'interrogation, ce vilbrequin
des juges d’instruction : « —Monsieur, quel est le sens de votre article?

«_Monsieur, mon article n’a pas de sens. —Si fait, Monsieur, il en

« a un.il en a même deux, sinon trois.et c’est à cela que l’on

« reconnaît les écrits dangereux. Les écrivains du ministère ne met-
tent jamais deux sens dans ce quils écrivent..... au contraire..... et
« ce n’est pas de cette manière-là qu’ils cumulent. Votre article a deux
« sens bien clairs ; l’un évident, l’autre caché. C’est ce dernier que je
« vous prie de me faire connaître, afin que je puisse le déférer à la
« justice comme ayant porté le mépris du gouvernement jusque dans
« les basses classes de la société. — Mais, Monsieur, comment l’aurait-
« il fait, s’il existe, puisqu’il est si caché que vous-même... ? — Ce n’est
« pas une raison, Monsieur. Ah! Monsieur, vous êtes d’autant plus
« coupable, vous et vos pareils, que vous vous adressez au peuple, et
« que vous écrivez pour des gens qui, ne sachant pas lire, se trou-
<i vent ainsi sans défense contre vos pernicieuses doctrines. »

Ce même point sert encore à demander. C’est le point favori des sol-
liciteurs de coins de rue et des mendians de Tuileries.

Il y a enfin la ligne, l’alinéa, et même la page de points, trope
nouveau qui joue un si grand rôle dans la poésie et la typographie
contemporaines. Moi qui vous parle, j’en fais une effrayante con-
sommation de points, surtout quand j'ai à parler du gouvernement
actuel, parce qu’alors j’étouffe d’enthousiasme, je gonfle de dévoue-
ment, je me tuméfie d’admiration, et deviens incapable de trouver
des expressions qui soient au niveau de ma circonstance.Tout à l’heure
encore, j’ai fait un dithyrambe magnifique, je puis le dire, un dithy-
rambe de seize pages, tout en points, à l’exception du premier mot
et du dernier. La voici en raccourci :

Le duc d’Orléans,.

o

.. . . un héros!...

Mais revenons au point d’interrogation. Il n’en est pas dont la pré-
sence ou la disparition puisse dénaturer plus complètement une
phrase. Et pour preuve, c’est qu’à l’heure où je vous parle, un seul
point d’interrogation met en rumeur toute l’Allemagne. Hé! mon
Dieu, oui; la trop pacifique Allemagne, qui laisse échapper stupide-
ment tant de belles occasions de secouer le joug qui lui pèse, l’Alle-
magne est au moment, et ce serait le cas de dire sur le point, d’accom-
plir sa révolution, à propos d’un point d’interrogation, de ce point
biscornu, de ce Mayeux des points ? Figurez-vous que le journal de
Stuttgard soumit dernièrement à la censure préalable cetle phrase
toute anodine : « Les membres de la diète germanique sont tous d’hon-
« nêtes gens. » La censure, parbleu ! trouva cela très-bien, et donna
son visa. M. Guizot en eût fait tout autant. O fatale sécurité ! le len-
demain.... le lendemain, la phrase paraît dans le perfide journal,
accompagnée d’un point d’interrogation : « Les membres de la diète
« germanique sont tous d’honnêtes gens? » Sentez-vous la différence!
La diète l’a bien sentie. Elle vient de mander à sa barre le conseil de
censure, qui a mandé à la sienne le rédacteur séditieux : les choses
en sont là. Toute l’Allemagne est attentive à l’issue du procès. On ne
respire plus en Allemagne, on y retient son haleine, les esprits fer-
mentent, les armes se dérouillent, l’horison s’y couvre de nuages,
l’avenir y est gros d’événemens, et vraiment il y a de quoi. C’est ab-
solument comme si, en France, au lieu de dire, avec un point final :
« Le ministère ne trahit pas la France, » ; la Tribune imprimait, avec
un point d’interrogation : « Le ministère ne trahit pas la France? » ;
ponctuation qui, au lieu d’un sens positif et certain, exprimerait le
doute, l’incertitude, et pis encore.

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Ou bien si, à la fin de ces mots : « Le gouvernement actuel est des-
« tiné à une longue durée» , vous mettiez méchamment le même si-
gne. Il y aurait question sur la durée possible de l’état de choses
actuel, ce qui serait tout au moins inconvenant; on doute, ce qui
deviendrait subversif.

Je vous le dis, il n’ y a rien de provocateur comme ce satané point ?

Enfin, supposez qu’à la fin de cette phrase, qui est dans tous les
cœurs comme dans toutes les bouches, avec un point final : « Louis-
« Philippe est un grand homme. » ; vous ayez l’inadvertance de plan-
ter maladroitement un point d’interrogation ; adieu l’éloge , nous
retombons dans les théories du beau et du sublime ; au lieu d’un com-
pliment, vous avez l’air de dire, en mettant le poing sur la hanche :
« Louis-Philippe est un grand homme?... Oh! dites donc, vous au-
« très, v’ià-z-un monsieur qui dit comm’ ça que Louis-Philippe est un
« grand homme! Oh ! ce monsieur! as-tu vu ce monsieur ! Et Bonaparte
« alors, qu’est-ce donc que vous en f’rez! Louis-Philippe, un grand
« homme ! Le plus souvent que c’est un grand homme ! C’est un brave
« homme, c’est un digne homme, à la bonne heure ça; mais un
« grand homme! ni vu ni connu, je t’embrouille! enfoncé le grand
« homme ! » et autres propos.

On sent du reste qu’un pareil système orthographique serait intolé-
rable ; et je le dis, lame navrée, avec l’émeute, les commis-voya-
geurs et les points d’interrogation, il n’y a plus de gouvernement
possible.

L. Derville.

Charge*.

CIRCULAIRE MINISTERIELLE

ADRESSÉE AUX PREFETS EN LANGUE FRANÇAISE,

RELATIVEMENT AUX COMMIS-VOYAGEURS POUR UA RÉPUBLIQUE.

Monsieur le Préfet,

La république est une chimère. (Voir ma circulaire en date du 3
de ce mois.) Quand on croit la saisir d’une façon, crac, elle vous
glisse entre les doigts , comme de la fumée , et c’est à recommencer.
Cependant, nous viendrons à bout de l’arrêter tout-à-fait. Grâce à
notre prudente fermeté, nous l’avons abattue déjà sous la forme-
émeute. Voici treize mois que j’ai promis à la France de lui rendre le
bon ordre et la tranquillité : et chacun peut voir avec quelle fidélité
j’ai rempli ma promesse. Depuis l’émeute de Grenoble, celle de Car-
cassonne, celle de Tarascon , celle de votre chef-lieu, celles des au-
tres départemens , et cinq ou six nouvelles dont je reçois, à l’instant
même, l’annonce télégraphique, il n’y a pas eu le moindre petit
trouble en France. C’est très-bien, et j’espère continuer ainsi mon
grand œuvre de pacification. (Voir à ce sujet mes précédentes circu-
laires, et notamment celle du i3 mars i83i.)

Malheureusement, la république n’est encore qu’échinée, et non

LA CARICATURE.
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