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La caricature: revue morale, judiciaire, littéraire, artistique, fashionable et scénique — 1832 (Nr. 62-112)

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Numéro 99 (27 Septembre 1832)
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https://doi.org/10.11588/diglit.26416#0224

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LA CARICATURE.

730

—--789

LA LIBERTÉ EïV COUR D’ASSISES (1).

DEUXIÈME DESSIN DE L ASSOCIATION POUR LA LIBERTÉ DE LA PRESSE.

Ceux de nos abonnés qui ont souscrit à l’Association destinée à payer
les frais et les amendes de nos procès, recevront avant la fin de ce
mois, la deuxième planche de cette souscription. Pour jeter de la va-
riété dans une collection que nos efforts tendent à rendre précieuse,
nous avons exécuté ce deuxième dessin à la plume. Il a pour titre des
paroles que nous avons entendu deux fois prononcer contre nous, pour
quelques croquis cent fois moins médians que ceux qu’on fait impu-
nément par milliers en Angleterre :

sur mon honneur et sur ma conscience ,

DEVANT DIEU ET DEVANT LES HOMMES ,

LA RÉPONSE DU JURY EST :
oui, l’accusée EST COUPABLE !

Le troisième numéro , qui paraîtra à la fin d’octobre, sera exécuté
au crayon par MM. Grandville et Raffet, auteurs du premier dessin.

Jeudi prochain , nous donnerons l’explication de la Liberté en Cour
d’Assises.

GRANDE CHASSE A LA LIBERTE»

Dans le courant du mois prochain , la Caricature publiera un
dessin capital de MM. Grandville et Forcst. Cet ouvrage sera fait dans
le genre de la marche du Budget, et il occupera deux feuilles doubles
du journal , c’est-à-dire deux numéros. C’est un heureux mélange
de ia charge bizarre à la manière des Anglais , et du genre précis et
correct qu’on aime en France. Ce croquis de la Grande Chasse est
déjà arrêté , et nous promettons aux persécuteurs de la Caricature
bonne et franche guerre. Nous voulons que le temps de la captivité
qui reste à notre gérant, soit marqué par les plus poignantes satires
que puisse fournir notre crayon vengeur.

DES DIFFÉRENTES MANIÈRES D’AVOIR DU GÉNIE,

DE M. CHOSE QUI N’EN A GUÉ UES,

ET DE M. KÉRAT1VY QUI N’EN A PAS DU TOUT.

M. de Kératry est un homme excessivement spirituel, mais poussif.
Il fait des livres en marchant, et des hoquets aussi. C’est même un
des caractères particuliers de son talent, que de ne pouvoir composer
autrement que debout et en pleine ambulation.

Ces bizarreries, du reste, sont fort communes chez les gens de
lettres. Le public qui pleure à la lecture de tel ouvrage, rirait de bien
bon cœur s’il savait dans quelle burlesque altitude, ou à quelles con-
ditions d’état physique, ces sublimes pages ont été écrites.

Les uns, par exemple, ne peuvent composer qu’à jeun; les autres,
au contraire, ne le peuvent qu’après dîner. A ceux-ci du champagne,
à ceux-là du café, à cet autre du bouillon de veau, du thé, du
rhum, de l’anisette, du ratafia, que sais-je? de la rhubarbe et du
séné. Je connais un grand homme qui ne peut parvenir à assembler
deux mots, s’il n’a mangé au préalable douze douzaines d’huîtres; et
un très-haut, très-puissant et très-excellent prince qui n’est jamais
plus sémillant en conversation, que lorsqu’il a bu du vinaigre je-,
quatre voleurs. Supprimez lui le vinaigre, le voit; bête dominé uoe
oie ! Adieu les improvisations, les discours d’apparat, et les mots his-
toriques. Adieu tout!

Enfin, pour ce qui est des attitudes, vous saurez que les uns, et
je parle des plus grands génies, 11e peuvent composer qu’au lit, les
autres qu’assis, les autres que debout, ceux-ci qu’en pantoufles, en
robes de chambre et en bonnet de nuit; ceux-là qu’en pantalon col-
lant, en bottes à l’écuyère, en cravatle blanche, frisés, pommadés,
rasés; tels autres qu’à moitié couchés sur un canapé; tels autres que
la tête entre leurs mains; tels enfin que placés horizontalement, la
tète plus basse que les pieds. Je suis du nombre de ces derniers. J’ai
besoin, pour écrire, même une adresse de lettre, que mes jambes,

(1) Voyez les conditions de l’Association à !a dernière page du journal.

posées sur le dossier d’une chaise, sc trouvent dépasser de beaucoup
le niveau de ma tête. C’est qu’au fait, dans cette attitude, les idées des-
cendent bien plus facilement et affluent au cerveau. Enfin, il est des

Eoètes dont le trépied sacré doit être, sous peine d’impuissance, une
ergère, un tabouret, un fauteuil, un escabeau, et même, qui le
croirait? une chaise percée. M. Viennct, M. Fonfrède, M. Croûte
de Tourlaville, M. de Troufignac, et en général, tous les poètes du
Juste-Milieu sont partisans de ce dernier genre d’inspiration.

Je sais bien qu’il est de ces esprits ingrats, de ces imaginations
landeuses que rien ne saurait féconder. Vous aurez beau faire boire
du thé, de l’anisette on du vinaigre des quatre voleurs, à M. Maliul
par exemple, à M. Dupin Charles, à M. Ganneron, à M. Jaubert, à
M. Delessert, à M. Tourneton ; vous aurez beau les mettre en tilbury,
en canapé, en fauteuil ou en chaise percée; vous aurez beau gorger
d’huîtres Fan fan, mettre M. Vatout tête en bas, pieds en l’air, clys-
tériser M. de Lobau, et bourrer de tabac, ou même de poivre, le vaste
nez de M. D’Argout; vous aurez beau tout faire, que vous n’obtien-
drez d’eux, rien qui ressemble à une idée. Je ne connais guère que le
général Athalin qui rempoi’te tous les jours sa petite victoire, sans
boire de vinaigre; et le fameux conquérant de Grenoble qui puisse
prendre d’assaut des villes ouvertes, le jour, la nuit, en toute saison,
en toute situation, debout, en temps de guerre ou de paix, assis et
même au lit, pourvu toutefois, ah! oui, pourvu qu’il ait mangé de
la rémoulade.

Mais, en revanche, placez M. Barthélemy ou M. Th_ en face

de billets de banque ou de monceaux d’or, et vous allez voir comme
l’inspiration va leur venir sublime, comme l’un coulera des vers et
l’autre de la prose !

Placez M. Persil en face d’une tête de journaliste, et vous allez
voir comme quoi son œil s’animera, ses doigts se crisperont, ses che-
veux se dresseront, ses veines se gonfleront, ses joues se tuméfieront,
ses narines s’élargiront, son gosier se desséchera, ses dents grin-
ceront, et sa voix hurlera le plus bruyant réquisitoire qui soit sorti
d’une bouche humaine depuis ceux des Bellart.

Enfin, mettez à M. Chose, qui ne brille certes point par sa hauteur
d’intelligence, mettez lui un cheval entre les jambes, et vous allez
voir tout de suite comme ses idées s’élèveront.

Donc.... mais pardon, je ne sais plus que dire.... Attendez un mo-
ment, que je lève un peu plus haut les jambes,.... Bien, bien, voilà
que cela vient.... J’y suis.

Donc, pour en revenir à M. Kératry, ce n’est qu’à la course qu’il
est l’homme le plus spirituel des quatre-vingt-six départemens. Il en
est de lui comme d’une toupie; lancez la toupie, c’est un être animé ,
qui produit du retentissement; mais qu’elle s’arrête, plus rien; ce
n’est plus qu’un morceau de bois. Voilà pourquoi M. de Kératry est
si nul, dès qu’il est à la tribune.

Or, cette nécessité de marcher pour penser, vient de lui attirer une
aventure fort lucrative. M. de Kératry était allé composer un cha-
pitre de roman au jardin des Tuileries; jamais il ne s’était trouvé si
dispos du jarret, et conséquemment aussi spirituel. Il n’avait pas fait
moins de trois cent soixante-cinq tours de jardin, ce qui équivaut
à peu près à trois cent soixante-cinq idées. Celait une de de ses plus
belles verves. El bref, il eut tant d’esprit ce jour-là, qu’il sentit le
besoin de se reposer le mollet. Il reprit donc le chemin de son par-
nasse, où l’attendait l’ambroisie accoutumée, c’est-à-dire, la soupe
et le bouilli. Chemin fesant, il composa encore; il opéra sur le Pont-
Royal la reconnaissance obligée ; il acheva, rue du Bac, la réconciliation
des parens; et il touchait au dénouement, lorsque n'en pouvant plus,
de contention de jarret et d’esprit, il se vit forcé de faire une petite
halte. Il s’a k donc sur une borne, devant l’église de Saint-Thomas-
d’Aquin; haleta, se découvrit, plaça machinalement son chapeau entre
ses genoux . prit son mouchoir, s’estampa le front, et continua néan-
moins, à chercher ia fin de son dénouement, sauf h chercher ensuite
le dénouement de cette du. Mais ce fut vainement, attendu que ses
tibias étaient harassés.

Par malheur, c’était à ia sortie des vêpres, à la suite d’un fort
beau sermon, sur la charité chrétienne. Une jeune dame fort chari-
table , encore tout émue des belles choses qu’elle venait d’entendre,
remarqua en passant, la pénible attitude de l’homme le plus spirituel
de France ; elle vit sa tête nue, et pleura presque de la piteuse figure
qu’il faisait alors. Elle eut pitié de lui, s’approcha discrètement, et de
sa blanche main laissa tomber dans le chapeau qu’il avait entre ses
jambes, une pièce de deux sous, puis disparut.

Elle s’était trompée. Son erreur provenait de la singulière expres-
sion de mécontentement que l’impuissance de trouver le dénouement
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