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Birambar avec de l'infanterie, de la cavalerie, et de l'artillerie ; et nous,
avec la vingt-unième légère, nous allâmes occuper le passage de Nagadi :
on eut l'imprudence de négliger Réclisi, ou bien l'on craignit de trop se
disséminer, Si la gorge de Réclisi avoit pu être occupée, tous les beys de
la rivé droite étoient obligés de se rendre ; il ne restoit plus que Mourat-
bey à poursuivre, et plus de diversion à craindre.
L'espérance de voir Thebes en marchant de ce côté me fit encore avec
joie tourner le dos au Caire ; mon destin étoit de marcher avec ceux qui
remontoient le plus haut ; je suivis donc le général Belliard ; je devois
rejoindre bientôt Desaix ; nous avions fait la veille mille projets pour
l'avenir : nos adieux furent cependant mélancoliques ; cette fois, notre
séparation me parut plus douloureuse : devois-je penser que, si jeune,
ce seroit lui qui me laisseroit dans la carrière, que ce seroit moi qui le
regretterais ? nous nous séparâmes, et je ne l'ai plus revu. J'étois déjà
à une lieue, lorsque je fus rejoint au galop par le brave Latournerie ; il
étoit revenu pour me dire adieu ; nous nous aimions beaucoup ; touché
de ce témoignage de tendresse, je fus cependant frappé de son émotion :
nous versâmes quelques larmes en nous embrassant. Le métier de la
guerre peut endurcir les êtres froids, mais ses horreurs ne flétrissent point
la sensibilité des âmes tendres ; les liaisons formées au milieu des peines et
des dangers d'une expédition de la nature de celle d'Egypte deviennent
inaltérables ; c'est une espèce de confraternité ; et lorsque des rapports
de caractère viennent encore resserrer ces liens, le sort ne peut les briser
sans troubler le reste de la vie.
Antiquités
Birambar avec de l'infanterie, de la cavalerie, et de l'artillerie ; et nous,
avec la vingt-unième légère, nous allâmes occuper le passage de Nagadi :
on eut l'imprudence de négliger Réclisi, ou bien l'on craignit de trop se
disséminer, Si la gorge de Réclisi avoit pu être occupée, tous les beys de
la rivé droite étoient obligés de se rendre ; il ne restoit plus que Mourat-
bey à poursuivre, et plus de diversion à craindre.
L'espérance de voir Thebes en marchant de ce côté me fit encore avec
joie tourner le dos au Caire ; mon destin étoit de marcher avec ceux qui
remontoient le plus haut ; je suivis donc le général Belliard ; je devois
rejoindre bientôt Desaix ; nous avions fait la veille mille projets pour
l'avenir : nos adieux furent cependant mélancoliques ; cette fois, notre
séparation me parut plus douloureuse : devois-je penser que, si jeune,
ce seroit lui qui me laisseroit dans la carrière, que ce seroit moi qui le
regretterais ? nous nous séparâmes, et je ne l'ai plus revu. J'étois déjà
à une lieue, lorsque je fus rejoint au galop par le brave Latournerie ; il
étoit revenu pour me dire adieu ; nous nous aimions beaucoup ; touché
de ce témoignage de tendresse, je fus cependant frappé de son émotion :
nous versâmes quelques larmes en nous embrassant. Le métier de la
guerre peut endurcir les êtres froids, mais ses horreurs ne flétrissent point
la sensibilité des âmes tendres ; les liaisons formées au milieu des peines et
des dangers d'une expédition de la nature de celle d'Egypte deviennent
inaltérables ; c'est une espèce de confraternité ; et lorsque des rapports
de caractère viennent encore resserrer ces liens, le sort ne peut les briser
sans troubler le reste de la vie.
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