82 L'A
La numismatique romaine a pour champions MM. Le-
maître, le vicomte de Ponton d'Amécourt et Charles Robert.
S'il fallait désigner par un titre court chacune de ces trois col-
lections, on pourrait les intituler ainsi : i° les monnaies primi-
tives de Rome et de l'Italie centrale, 2° les monnaies d'or
«omaines, 3° les médaillons contorniates.
M. Lemaître n'a pas cherché les éléments de son exposition
dans ce qui constitué d'ordinaire une collection numismatique.
Remontant aux origines du monnayage à Rome et dans l'Italie
centrale, il s'est appliqué h mettre en relief, sous une forme con-
cise, les phases principales de l'histoire de l'art monétaire depuis
la royauté romaine jusqu'à l'Empire. Partant de l'époque rudi-
mentaire où le métal brut commence à faire concurrence aux
bestiaux dans le mécanisme des transactions commerciales,
M. Lemaître nous montre que l'enfance du monnayage est loin
de correspondre à un état similaire dans la civilisation. Les
morceaux de cuivre informe qui constituent la période de l'ees
rude sont dépourvus de toute empreinte, mais leur poids corres-
pond aux divisions d'un système duodécimal parfaitement coor-
donné sur les bases de la livre et de l'once. Quand Servius
Tullius adopte le principe d'une empreinte officielle, les types
de cette empreinte n'offrent aucun trait caractéristique d'un état
barbare; ils accusent, au contraire, une éducation artistique re-
lativement avancée. Cette seconde phase est celle de l'ees grave
ou signatum. La République en régularise les types et fait de
l'as libral la base de son système monétaire. Le cuivre est l'éta-
lon officiel, les autres métaux s'échangent au poids. A la même
époque les cités italiques faisaient usage d'un système libral qui
ne différait du système romain que par quelques variations insi-
gnifiantes dans le poids de la livre. Chaque atelier monétaire
est représenté par un type particulier dans la vitrine de M. Le-
maître et quelques-uns de ces types reflètent, dans l'élégance du
dessin, l'influence évidente de l'art grec. A l'occasion des guerres
puniques, de nombreux changements se produisirent et bientôt
les nécessités de la guerre amenèrent de nouvelles mesures qui
aboutirent à une véritable altération des types primitifs. A l'é-
poque de la guerre civile la République n'existait plus que de
nom; les images de Sylla, de Pompée, de César, de Marc-An-
toine et d'Auguste se substituèrent à l'image des divinités sur
les monnaies. Là s'arrête l'exposition de M. Lemaître.
La suite de cette histoire monétaire de Rome se retrouve
dans la merveilleuse collection d'aurei romains de M. le
vicomte de Ponton d'Amécourt, qui comprend plus de 650 piè-
ces dont la plus ancienne est de Sylla. On est véritablement
ébloui en s'arrêtant devant cette vitrine qui ne renferme que des
joyaux numismatiques, dont la série se prolonge jusqu'aux der-
nières émissions d'or faites par les empereurs de Constantinople.
Il n'y a pas en Europe un seul cabinet d'Etat qui, au point de
vue de la conservation des pièces, présente une réunion pareille!
Toutes sont irréprochables : quelques-unes sont uniques, et la
valeur que leur donne cette rareté est encore augmentée par la
renommée qui s'attache à une collection composée de monu-
ments de premier ordre. On pourrait écrire l'histoire de plu-
sieurs de ces aurei dont la célébrité est européenne. Le
Gordien d'Afrique, par exemple, seul exemplaire connu, en or,
de ce prince, a été trouvé à Boulogne-sur-Mer, par un boueux,
qui s'empressa de le vendre 20 fr. à un orfèvre de la ville.
Celui-ci le céda bientôt pour mille francs à M. le président
Bigant, de Douai, qui le revendit lui-même cinq mille francs à
M. Wigan, de Londres. A la mort de ce dernier, M. d'Amécourt
le racheta cinq mille cinq cents francs, et lui fit heureusement
repasser la Manche. Etrange destinée d'une pièce frappée au
nom d'un empereur qui ne régna que quelques jours en Afrique!
Un autre usurpateur africain, Alexandre le Tyran, est repré-
senté par deux exemplaires, les seules pièces en or connues de
ce prince ; l'une d'elles, frappée à Carthage, appartenait au
colonel Leroux; elle est entrée, il y a quinze jours à peine, dans
la collection de M. d'Amécourt. Comment signaler toutes les
RT.
raretés d'un cabinet qui ne renferme que des merveilles ! Citons
cependant Vaureus de Brutus, avec la tète de Brutus l'ancien
au revers, l'Auguste dit à la vache, splendide monnaie d'or
gravée par un artiste grec, Vaureus au type de Mars ultor,
pièce républicaine frappée à Rome dans l'interrègne qui suivit
la mort de Néron, au moment où les Romains se crurent un ins-
tant délivrés de l'empire, mais Galba proclamé en Espagne
accourut et fut bientôt suivi d"Othon et de Vitellius.
Parmi les pièces du Haut-Empire il faut signaler encore
celles de Domitille, Julie fille de Titus, Pescennius Niger,
Albin, Didia Clara, Manlia Scantilla, les pièces uniques de Julia
Soœmias, Julia Mœsa, Uranius Antoninus, le Postume d'or au
revers d'Hercules Deusoniensis, frappé probablement à Duitz
où Postume était né, le Lélien qui porte au revers l'étendard de
la XXXe légion par laquelle il avait été proclamé empereur sur
les bords du Rhin, le Nigrinien, fils de Carin, et les pièces de
Carausius et d'Allectus, empereurs qui n'ont régné qu'en Bre-
tagne. Parmi les médaillons des empereurs flavienson en distingue
seize de grand module et à fleur de coin, parmi lesquels se trouve
le médaillon unique de sainte Hélène, mère de Constantin, celui
de Fausta et le fameux médaillon unique de la porta incïyta.
Ce dernier nous fait connaître une porte de Trêves, aujourd'hui
disparue, qui fermait la ville du côté de la Moselle. Mentionnons
enfin le sou d'or de Diaduménien, celui de Procope, un tiers de
sou d'Olybrius, des monnaies d'orde Vétranion, Glvcerius et de
l'impératrice Thecla.
M. Dutuita également exposé une série de monnaies romai-
nes où le bronze, l'argent et l'or se disputent la prééminence.
Parmi les pièces de ce dernier métal, il faut remarquer Agrippine
et Néron, une superbe Domitia, Plotine, Crispine, Pertinax, une
suite nombreuse des successeurs de Constantin et des empereurs
d'Orient depuis Arcadius jusqu'à la fin du v° siècle. Le même
carton renferme une belle Cornelia Supera en argent. Quant
aux monnaies de bronze elles sont toutes agréables d'aspect et
d'une conservation qui ne laisse rien à désirer : la plupart por-
tent des effigies d'impératrices qui, sous ce vêtement sombre et
sévère, savent encore trouver des admirateurs de haut goût. La
Manlia Scantilla est d'une beauté vraiment remarquable. On
distingue aussi un petit bronze de Probus revêtu d'une belle
patine.
Nous arrivons à la série des médaillons contorniates réunie
par M. Robert. On sait que ces pièces doivent leur nom au sillon
qui les contourne; elles sont pour la plupart relatives aux jeux
publics et ne doivant pas être confondues avec les monnaies cou-
rantes. Elles sont toutes postérieures à Constantin et quoique
portant les effigies des empereurs, protecteurs et fauteurs des
plaisirs du cirque, elles n'émanent d'aucune autorité publique.
On a émis la conjecture que ces pièces avaient été des billets
distribués pour donner entrée dans le cirque, mais il est beau-
coup plus probable, comme le croient aujourd'hui un grand
nombre de savants, qu'elles avaient un caractère talismanique
et que les partisans des différentes factions se munissaient de ces
médailles pour déjouer les sortilèges du parti adverse. C'était
quelque chose d'analogue aux fétiches que portent encore sur
eux les joueurs et les parieurs des courses. Les souhaits qui se
rencontrent dans les légendes de ces pièces donnent beaucoup de
vraisemblance à cette opinion. M. Robert les a accompagnées de
nombreuses annotations qui en font ressortir l'intérêt. Il les a
divisées en six séries : représentations de divinités, sujets fabu-
leux, sujets historiques, jeux du "cirque, combats de l'amphi-
théâtre, exercices et concours, types divers. Il est à remarquer
que tous ces médaillons ont été fabriqués en Occident ; on n'y
retrouve aucun des caractères de style de l'art byzantin. Au lieu
d'être frappés au marteau, ils sont coulés. Quelques exemplaires,
représentant des chevaux tenus en main et accompagnés de leurs
noms, sont incrustés d'argent.
C'est encore M. Ch. Robert qui a exposé une série de mon-
naies gauloises émises non-seulement par les peuples de la Gaule
La numismatique romaine a pour champions MM. Le-
maître, le vicomte de Ponton d'Amécourt et Charles Robert.
S'il fallait désigner par un titre court chacune de ces trois col-
lections, on pourrait les intituler ainsi : i° les monnaies primi-
tives de Rome et de l'Italie centrale, 2° les monnaies d'or
«omaines, 3° les médaillons contorniates.
M. Lemaître n'a pas cherché les éléments de son exposition
dans ce qui constitué d'ordinaire une collection numismatique.
Remontant aux origines du monnayage à Rome et dans l'Italie
centrale, il s'est appliqué h mettre en relief, sous une forme con-
cise, les phases principales de l'histoire de l'art monétaire depuis
la royauté romaine jusqu'à l'Empire. Partant de l'époque rudi-
mentaire où le métal brut commence à faire concurrence aux
bestiaux dans le mécanisme des transactions commerciales,
M. Lemaître nous montre que l'enfance du monnayage est loin
de correspondre à un état similaire dans la civilisation. Les
morceaux de cuivre informe qui constituent la période de l'ees
rude sont dépourvus de toute empreinte, mais leur poids corres-
pond aux divisions d'un système duodécimal parfaitement coor-
donné sur les bases de la livre et de l'once. Quand Servius
Tullius adopte le principe d'une empreinte officielle, les types
de cette empreinte n'offrent aucun trait caractéristique d'un état
barbare; ils accusent, au contraire, une éducation artistique re-
lativement avancée. Cette seconde phase est celle de l'ees grave
ou signatum. La République en régularise les types et fait de
l'as libral la base de son système monétaire. Le cuivre est l'éta-
lon officiel, les autres métaux s'échangent au poids. A la même
époque les cités italiques faisaient usage d'un système libral qui
ne différait du système romain que par quelques variations insi-
gnifiantes dans le poids de la livre. Chaque atelier monétaire
est représenté par un type particulier dans la vitrine de M. Le-
maître et quelques-uns de ces types reflètent, dans l'élégance du
dessin, l'influence évidente de l'art grec. A l'occasion des guerres
puniques, de nombreux changements se produisirent et bientôt
les nécessités de la guerre amenèrent de nouvelles mesures qui
aboutirent à une véritable altération des types primitifs. A l'é-
poque de la guerre civile la République n'existait plus que de
nom; les images de Sylla, de Pompée, de César, de Marc-An-
toine et d'Auguste se substituèrent à l'image des divinités sur
les monnaies. Là s'arrête l'exposition de M. Lemaître.
La suite de cette histoire monétaire de Rome se retrouve
dans la merveilleuse collection d'aurei romains de M. le
vicomte de Ponton d'Amécourt, qui comprend plus de 650 piè-
ces dont la plus ancienne est de Sylla. On est véritablement
ébloui en s'arrêtant devant cette vitrine qui ne renferme que des
joyaux numismatiques, dont la série se prolonge jusqu'aux der-
nières émissions d'or faites par les empereurs de Constantinople.
Il n'y a pas en Europe un seul cabinet d'Etat qui, au point de
vue de la conservation des pièces, présente une réunion pareille!
Toutes sont irréprochables : quelques-unes sont uniques, et la
valeur que leur donne cette rareté est encore augmentée par la
renommée qui s'attache à une collection composée de monu-
ments de premier ordre. On pourrait écrire l'histoire de plu-
sieurs de ces aurei dont la célébrité est européenne. Le
Gordien d'Afrique, par exemple, seul exemplaire connu, en or,
de ce prince, a été trouvé à Boulogne-sur-Mer, par un boueux,
qui s'empressa de le vendre 20 fr. à un orfèvre de la ville.
Celui-ci le céda bientôt pour mille francs à M. le président
Bigant, de Douai, qui le revendit lui-même cinq mille francs à
M. Wigan, de Londres. A la mort de ce dernier, M. d'Amécourt
le racheta cinq mille cinq cents francs, et lui fit heureusement
repasser la Manche. Etrange destinée d'une pièce frappée au
nom d'un empereur qui ne régna que quelques jours en Afrique!
Un autre usurpateur africain, Alexandre le Tyran, est repré-
senté par deux exemplaires, les seules pièces en or connues de
ce prince ; l'une d'elles, frappée à Carthage, appartenait au
colonel Leroux; elle est entrée, il y a quinze jours à peine, dans
la collection de M. d'Amécourt. Comment signaler toutes les
RT.
raretés d'un cabinet qui ne renferme que des merveilles ! Citons
cependant Vaureus de Brutus, avec la tète de Brutus l'ancien
au revers, l'Auguste dit à la vache, splendide monnaie d'or
gravée par un artiste grec, Vaureus au type de Mars ultor,
pièce républicaine frappée à Rome dans l'interrègne qui suivit
la mort de Néron, au moment où les Romains se crurent un ins-
tant délivrés de l'empire, mais Galba proclamé en Espagne
accourut et fut bientôt suivi d"Othon et de Vitellius.
Parmi les pièces du Haut-Empire il faut signaler encore
celles de Domitille, Julie fille de Titus, Pescennius Niger,
Albin, Didia Clara, Manlia Scantilla, les pièces uniques de Julia
Soœmias, Julia Mœsa, Uranius Antoninus, le Postume d'or au
revers d'Hercules Deusoniensis, frappé probablement à Duitz
où Postume était né, le Lélien qui porte au revers l'étendard de
la XXXe légion par laquelle il avait été proclamé empereur sur
les bords du Rhin, le Nigrinien, fils de Carin, et les pièces de
Carausius et d'Allectus, empereurs qui n'ont régné qu'en Bre-
tagne. Parmi les médaillons des empereurs flavienson en distingue
seize de grand module et à fleur de coin, parmi lesquels se trouve
le médaillon unique de sainte Hélène, mère de Constantin, celui
de Fausta et le fameux médaillon unique de la porta incïyta.
Ce dernier nous fait connaître une porte de Trêves, aujourd'hui
disparue, qui fermait la ville du côté de la Moselle. Mentionnons
enfin le sou d'or de Diaduménien, celui de Procope, un tiers de
sou d'Olybrius, des monnaies d'orde Vétranion, Glvcerius et de
l'impératrice Thecla.
M. Dutuita également exposé une série de monnaies romai-
nes où le bronze, l'argent et l'or se disputent la prééminence.
Parmi les pièces de ce dernier métal, il faut remarquer Agrippine
et Néron, une superbe Domitia, Plotine, Crispine, Pertinax, une
suite nombreuse des successeurs de Constantin et des empereurs
d'Orient depuis Arcadius jusqu'à la fin du v° siècle. Le même
carton renferme une belle Cornelia Supera en argent. Quant
aux monnaies de bronze elles sont toutes agréables d'aspect et
d'une conservation qui ne laisse rien à désirer : la plupart por-
tent des effigies d'impératrices qui, sous ce vêtement sombre et
sévère, savent encore trouver des admirateurs de haut goût. La
Manlia Scantilla est d'une beauté vraiment remarquable. On
distingue aussi un petit bronze de Probus revêtu d'une belle
patine.
Nous arrivons à la série des médaillons contorniates réunie
par M. Robert. On sait que ces pièces doivent leur nom au sillon
qui les contourne; elles sont pour la plupart relatives aux jeux
publics et ne doivant pas être confondues avec les monnaies cou-
rantes. Elles sont toutes postérieures à Constantin et quoique
portant les effigies des empereurs, protecteurs et fauteurs des
plaisirs du cirque, elles n'émanent d'aucune autorité publique.
On a émis la conjecture que ces pièces avaient été des billets
distribués pour donner entrée dans le cirque, mais il est beau-
coup plus probable, comme le croient aujourd'hui un grand
nombre de savants, qu'elles avaient un caractère talismanique
et que les partisans des différentes factions se munissaient de ces
médailles pour déjouer les sortilèges du parti adverse. C'était
quelque chose d'analogue aux fétiches que portent encore sur
eux les joueurs et les parieurs des courses. Les souhaits qui se
rencontrent dans les légendes de ces pièces donnent beaucoup de
vraisemblance à cette opinion. M. Robert les a accompagnées de
nombreuses annotations qui en font ressortir l'intérêt. Il les a
divisées en six séries : représentations de divinités, sujets fabu-
leux, sujets historiques, jeux du "cirque, combats de l'amphi-
théâtre, exercices et concours, types divers. Il est à remarquer
que tous ces médaillons ont été fabriqués en Occident ; on n'y
retrouve aucun des caractères de style de l'art byzantin. Au lieu
d'être frappés au marteau, ils sont coulés. Quelques exemplaires,
représentant des chevaux tenus en main et accompagnés de leurs
noms, sont incrustés d'argent.
C'est encore M. Ch. Robert qui a exposé une série de mon-
naies gauloises émises non-seulement par les peuples de la Gaule