Cartotche composé pour
l'Art « par John Watkins.
Le sculpteur Auguste Préault est mort à Paris le
samedi 11 janvier. Il s'est éteint à l'âge de soixante-dix ans,
à la suite d'une longue maladie pendant laquelle M. Isebcrt,
et M. Rend-Paul Huet, le fils du célèbre paysagiste
Paul Huet, dont Préault fut l'ami et le compagnon de
luttes au temps du romantisme, l'avaient entouré des soins
les plus dévoués. Ses funérailles ont été célébrées le
lundi 15 à midi, en l'église Notre-Dame-des-Cbamps, bou-
levard Montparnasse. L'inhumation a eu lieu au Père-
Lachaise.
Artiste originai, intelligence cultivée, homme d'infini-
ment d'esprit, sculpteur de « mots », — des mots incisifs,
très-parisiens, recueillis et popularisés parla chronique,—
Préault était une physionomie, une personnalité à laquelle
nous nous proposons de epnsacrer prochainement une
étude spéciale. Pour le moment, bornons-nous à rappeler
ses principales œuvres : la Famine, Gilbert mourant, la
Tuerie, bas-relief, le Christ de l'église Saint-Gervais,
un autre Christ à l'église des Ternes, le médaillon du
Silence, au cimetière israélite, l'Abbé de l'Épie, pour la
façade de l'Hôtel de ville, Clémence Isaure, au Luxem-
bourg, le général Marceau, à-Chartres, statue à laquelle
Théophile Gautier a consacré un article célèbre, le Cava-
lier gaulois du pont d'Iéna, le buste de Mm» Didier, le
tombeau de Kouvière, au cimetière Montmartre, la statue
monumentale de Jacques Cœur, pour la ville de Bourges.
Nous avons donné dans l'Art (iro année, tome II, p. 221)
un dessin de M. Léon Gauchercl d'après ce marbre
imposant exposé au Salon de 1875. Notre collaborateur
M. Paul Leroi l'appréciait en ces termes : « Le vétéran
des exposants, M. Auguste Préault, dont la vive et
puissante originalité a pendant si longtemps été tra-
vestie en un absurde épouvantail, est l'auteur de la statue
monumentale de l'illustre « argentier » Jacques Cœur
(n° 3 5 37)) qui va être érigée sur une des places publiques
de la ville de Bourges. Beaucoup de savoir et une grande
sagesse d'exécution recommandent cette œuvre impor-
tante, d'une noble simplicité, d'une mâle tournure. La
sobriété et l'intelligence des attributs ont droit à une men-
tion toute spéciale ; ils disent brièvement, mais avec élo-
quence, ce que fut et ce que fit pour sa patrie ce grand
citoyen qui prodigua son or pour réparer les maux terri-
bles engendrés par de longues guerres. » 11 y aura "bientôt
cinq ans que ces lignes sont écrites, et le marbre de
Préault attend encore, emballé dans une caisse, que la
ville de Bourges daigne faire les frais du piédestal. La mu-
nicipalité hésite à dépenser trois ou quatre mille francs
pour dresser sur une des places publiques de la ville la
statue du plus illustre de ses citoyens, l'œuvre peVit-ètrc
la plus pure de Preault. La mort de l'artiste mettra-t-elle
un terme à ses hésitations? Nous l'espérons, car il est
temps que ce scandale cesse.
Préault avait débuté dans l'atelier de David d'Angers.
Ses premiers ouvrages se produisirent en plein roman-
tisme ; ils portent la marque de cette période féconde et tour-
mentée. Depuis lors son tempérament s'était assoupli sans
rien perdre de ses qualités natives ; l'habileté de l'exécutant
avait fait de notables progrès, mais dans son ensemble
son œuvre brille surtout par l'originalité de la conception,
par l'idée plutôt que par la forme.
— M. de Saux, officier de la Légion d'honneur, mi-
nistre plénipotentiaire depuis plusieurs années après avoir
occupé à Londres les fonctions de premier secrétaire de
l'ambassade de France, est mort suintement le lundi
6 janvier en son hôtel de la rue Jean-Goujon, frappé par
une congestion cérébrale. 11 n'avait que cinquante-quatre
ans.
Ausssi distingué par son intelligence que recommandé
par ses longs et honorables services, du caractère le plus
aimable et du plus charmant commerce dans le monde où
il avait toujours vécu, M. Jules de Saux, — comme le dit
en excellents termes dans les Débats M. Cuvillier-Fleury,
— sera vivement regretté de tous ceux qui l'ont connu,
c'est-à-dire aimé.
M. Henry-Jules de Saux était le frère aîné du regretté
Georges Le Sourd, ministre de France à Tanger, mort il
y a deux ans. Il était le mari de l'émincnte artiste, fille du
comte de Bouteiller, connue sous le nom d'Henriette
Browne. Diplomate et homme du monde, M. de Saux
était un homme du meilleur goût. Il s'intéressait sérieu-
sement au développement des arts et au progrès des
industries artistiques en France. 11 fut l'un des premiers
fondateurs du Musée des arts décoratifs, et après avoir
puissamment contribué à mettre sur pied l'institution
nouvelle, dont son patriotisme autant que ses sentiments
d'amateur éclairé des arts lui avait démontré la nécessité, il
avait pris une part active aux travaux du Comité directeur
du Musée, qui fait en sa personne une perte sensible.
Le Directeur-Gérant, EUGÈNE VÉRON.
l'Art « par John Watkins.
Le sculpteur Auguste Préault est mort à Paris le
samedi 11 janvier. Il s'est éteint à l'âge de soixante-dix ans,
à la suite d'une longue maladie pendant laquelle M. Isebcrt,
et M. Rend-Paul Huet, le fils du célèbre paysagiste
Paul Huet, dont Préault fut l'ami et le compagnon de
luttes au temps du romantisme, l'avaient entouré des soins
les plus dévoués. Ses funérailles ont été célébrées le
lundi 15 à midi, en l'église Notre-Dame-des-Cbamps, bou-
levard Montparnasse. L'inhumation a eu lieu au Père-
Lachaise.
Artiste originai, intelligence cultivée, homme d'infini-
ment d'esprit, sculpteur de « mots », — des mots incisifs,
très-parisiens, recueillis et popularisés parla chronique,—
Préault était une physionomie, une personnalité à laquelle
nous nous proposons de epnsacrer prochainement une
étude spéciale. Pour le moment, bornons-nous à rappeler
ses principales œuvres : la Famine, Gilbert mourant, la
Tuerie, bas-relief, le Christ de l'église Saint-Gervais,
un autre Christ à l'église des Ternes, le médaillon du
Silence, au cimetière israélite, l'Abbé de l'Épie, pour la
façade de l'Hôtel de ville, Clémence Isaure, au Luxem-
bourg, le général Marceau, à-Chartres, statue à laquelle
Théophile Gautier a consacré un article célèbre, le Cava-
lier gaulois du pont d'Iéna, le buste de Mm» Didier, le
tombeau de Kouvière, au cimetière Montmartre, la statue
monumentale de Jacques Cœur, pour la ville de Bourges.
Nous avons donné dans l'Art (iro année, tome II, p. 221)
un dessin de M. Léon Gauchercl d'après ce marbre
imposant exposé au Salon de 1875. Notre collaborateur
M. Paul Leroi l'appréciait en ces termes : « Le vétéran
des exposants, M. Auguste Préault, dont la vive et
puissante originalité a pendant si longtemps été tra-
vestie en un absurde épouvantail, est l'auteur de la statue
monumentale de l'illustre « argentier » Jacques Cœur
(n° 3 5 37)) qui va être érigée sur une des places publiques
de la ville de Bourges. Beaucoup de savoir et une grande
sagesse d'exécution recommandent cette œuvre impor-
tante, d'une noble simplicité, d'une mâle tournure. La
sobriété et l'intelligence des attributs ont droit à une men-
tion toute spéciale ; ils disent brièvement, mais avec élo-
quence, ce que fut et ce que fit pour sa patrie ce grand
citoyen qui prodigua son or pour réparer les maux terri-
bles engendrés par de longues guerres. » 11 y aura "bientôt
cinq ans que ces lignes sont écrites, et le marbre de
Préault attend encore, emballé dans une caisse, que la
ville de Bourges daigne faire les frais du piédestal. La mu-
nicipalité hésite à dépenser trois ou quatre mille francs
pour dresser sur une des places publiques de la ville la
statue du plus illustre de ses citoyens, l'œuvre peVit-ètrc
la plus pure de Preault. La mort de l'artiste mettra-t-elle
un terme à ses hésitations? Nous l'espérons, car il est
temps que ce scandale cesse.
Préault avait débuté dans l'atelier de David d'Angers.
Ses premiers ouvrages se produisirent en plein roman-
tisme ; ils portent la marque de cette période féconde et tour-
mentée. Depuis lors son tempérament s'était assoupli sans
rien perdre de ses qualités natives ; l'habileté de l'exécutant
avait fait de notables progrès, mais dans son ensemble
son œuvre brille surtout par l'originalité de la conception,
par l'idée plutôt que par la forme.
— M. de Saux, officier de la Légion d'honneur, mi-
nistre plénipotentiaire depuis plusieurs années après avoir
occupé à Londres les fonctions de premier secrétaire de
l'ambassade de France, est mort suintement le lundi
6 janvier en son hôtel de la rue Jean-Goujon, frappé par
une congestion cérébrale. 11 n'avait que cinquante-quatre
ans.
Ausssi distingué par son intelligence que recommandé
par ses longs et honorables services, du caractère le plus
aimable et du plus charmant commerce dans le monde où
il avait toujours vécu, M. Jules de Saux, — comme le dit
en excellents termes dans les Débats M. Cuvillier-Fleury,
— sera vivement regretté de tous ceux qui l'ont connu,
c'est-à-dire aimé.
M. Henry-Jules de Saux était le frère aîné du regretté
Georges Le Sourd, ministre de France à Tanger, mort il
y a deux ans. Il était le mari de l'émincnte artiste, fille du
comte de Bouteiller, connue sous le nom d'Henriette
Browne. Diplomate et homme du monde, M. de Saux
était un homme du meilleur goût. Il s'intéressait sérieu-
sement au développement des arts et au progrès des
industries artistiques en France. 11 fut l'un des premiers
fondateurs du Musée des arts décoratifs, et après avoir
puissamment contribué à mettre sur pied l'institution
nouvelle, dont son patriotisme autant que ses sentiments
d'amateur éclairé des arts lui avait démontré la nécessité, il
avait pris une part active aux travaux du Comité directeur
du Musée, qui fait en sa personne une perte sensible.
Le Directeur-Gérant, EUGÈNE VÉRON.