CHRONIQ.UE
THÉÂTRALE
Académie Nationale de Musique. — Deux hommes d'es-
prit, MM. Philippe Gille et Arnold Mortier, ont eu l'heureuse
pense'e de japoniser l'Opéra. De là, le ballet de Yedda, légende
japonaise, ou, pour être plus exact, légende danoise, ce qui n'est
pas précisément la même chose, transplantée en plein Japon,
trois actes durant. L'ingénieux livret des deux auteurs était
digne d'un collaborateur chorégraphique moins routinier que
M. Louis Mérante, qui s'est contenté de ressasser correctement,
très-correctement, toutes les vieilleries mille fois dansées, là où il
eût fallu absolument être neuf.
M. Halanzier a plus que largement fait les choses; les cos-
tumes, dessinés par M. Eugène Lacoste, sont éblouissants, et
les trois décorations nouvelles dignes des plus grands éloges.
LEntrée d'un hameau japonais est d'une disposition char-
mante, pleine dégoût — auteur : M. Daran ; — au troisième
acte, fort beau le Palais du Mikado, par MM. Lavastre aîné et
Carpezat, mais pour les raffinés, pour les juges qui font réelle-
ment autorité, le grand, le très-grand succès de la soirée —
17 janvier — revient de droit à M. J. B. Lavastre, qui a peint
l'Arbre delà vie pour le deuxième acte. Il y a là quelque chose ,
Portrait df. M'"' Céline C h au.u ont.
Dessin de Charles Kreatzberger d'après le buste de Jules Dalou.
de plus que du talent; c'est d'un style superbe, d'une ampleur,
d'une tournure vraiment imposantes, magnifique inspiration
admirablement brossée.
La ballerine en titre de l'Opéra est allée aux nues dans le
rôle de la tresseuse de paille de riz, Yedda ; nous ne mettons
pas en doute ses mérites qui sont indiscutables, mais on nous
permettra de trouver que M1" Sangalli tient peut-être plus de la
gymnasiarque que de la danseuse : elle a des pointes d'acier, le
jarret infatigable et des tours de reins inattendus, qui font se
pâmer d'aise les amateurs de tours de force. Nous ne sommes pas
seuls à préférer, et de beaucoup, M,lc Mauri, qui comprend la
danse comme un art, un art essentiellement féminin, et qui s'est
montrée une incomparable enchanteresse dans Polyeute ; avec
elle tout le monde est sous le charme. — Le charme, ce n'est
pas précisément la qualité maîtresse de la Sangalli.
M"e Righetti est fort agréable dans le rôle de Sakourada, la
Reine des Esprits de la Nuit.
Nous n'avons point parlé de la musique et voudrions bien
ne pas être obligé d'en parler. Que dire de cette musiquette-là ?
M. Olivier Métra, qui l'a commise, est un excellent chef d'or-
chestre et un compositeur de musique de danse qui a la danse
mélancolique; c'est son originalité ; on lui doit de très-jolies
valses et une valse célèbre, la valse des Roses. Cela suffisait-ii
pour lui confier trois actes de ballet à l'Académie nationale de
Musique? L'expérience ne s'est que trop prononcée pour la
négative. Toute cette partition est d'un pâle, d'un vide et d'un
vulgaire désespérants; — revanche complète à prendre.
Comédie-Française. — La rentrée de M"c Reichemberg a
été chaleureusement fêtée ; jamais elle ne s'est montrée plus
charmante. L'Ami Fritf a été joué dans la perfection. Mais
pourquoi M"0 Reichemberg, qui a de fort beaux cheveux, les
a-t-elle si étrangement mis à la torture dans la Joie fait peur, où
on ne l'a pas revue avec moins de plaisir que dans l'œuvre de
MM. Erckmann-Chatrian ?
THÉÂTRALE
Académie Nationale de Musique. — Deux hommes d'es-
prit, MM. Philippe Gille et Arnold Mortier, ont eu l'heureuse
pense'e de japoniser l'Opéra. De là, le ballet de Yedda, légende
japonaise, ou, pour être plus exact, légende danoise, ce qui n'est
pas précisément la même chose, transplantée en plein Japon,
trois actes durant. L'ingénieux livret des deux auteurs était
digne d'un collaborateur chorégraphique moins routinier que
M. Louis Mérante, qui s'est contenté de ressasser correctement,
très-correctement, toutes les vieilleries mille fois dansées, là où il
eût fallu absolument être neuf.
M. Halanzier a plus que largement fait les choses; les cos-
tumes, dessinés par M. Eugène Lacoste, sont éblouissants, et
les trois décorations nouvelles dignes des plus grands éloges.
LEntrée d'un hameau japonais est d'une disposition char-
mante, pleine dégoût — auteur : M. Daran ; — au troisième
acte, fort beau le Palais du Mikado, par MM. Lavastre aîné et
Carpezat, mais pour les raffinés, pour les juges qui font réelle-
ment autorité, le grand, le très-grand succès de la soirée —
17 janvier — revient de droit à M. J. B. Lavastre, qui a peint
l'Arbre delà vie pour le deuxième acte. Il y a là quelque chose ,
Portrait df. M'"' Céline C h au.u ont.
Dessin de Charles Kreatzberger d'après le buste de Jules Dalou.
de plus que du talent; c'est d'un style superbe, d'une ampleur,
d'une tournure vraiment imposantes, magnifique inspiration
admirablement brossée.
La ballerine en titre de l'Opéra est allée aux nues dans le
rôle de la tresseuse de paille de riz, Yedda ; nous ne mettons
pas en doute ses mérites qui sont indiscutables, mais on nous
permettra de trouver que M1" Sangalli tient peut-être plus de la
gymnasiarque que de la danseuse : elle a des pointes d'acier, le
jarret infatigable et des tours de reins inattendus, qui font se
pâmer d'aise les amateurs de tours de force. Nous ne sommes pas
seuls à préférer, et de beaucoup, M,lc Mauri, qui comprend la
danse comme un art, un art essentiellement féminin, et qui s'est
montrée une incomparable enchanteresse dans Polyeute ; avec
elle tout le monde est sous le charme. — Le charme, ce n'est
pas précisément la qualité maîtresse de la Sangalli.
M"e Righetti est fort agréable dans le rôle de Sakourada, la
Reine des Esprits de la Nuit.
Nous n'avons point parlé de la musique et voudrions bien
ne pas être obligé d'en parler. Que dire de cette musiquette-là ?
M. Olivier Métra, qui l'a commise, est un excellent chef d'or-
chestre et un compositeur de musique de danse qui a la danse
mélancolique; c'est son originalité ; on lui doit de très-jolies
valses et une valse célèbre, la valse des Roses. Cela suffisait-ii
pour lui confier trois actes de ballet à l'Académie nationale de
Musique? L'expérience ne s'est que trop prononcée pour la
négative. Toute cette partition est d'un pâle, d'un vide et d'un
vulgaire désespérants; — revanche complète à prendre.
Comédie-Française. — La rentrée de M"c Reichemberg a
été chaleureusement fêtée ; jamais elle ne s'est montrée plus
charmante. L'Ami Fritf a été joué dans la perfection. Mais
pourquoi M"0 Reichemberg, qui a de fort beaux cheveux, les
a-t-elle si étrangement mis à la torture dans la Joie fait peur, où
on ne l'a pas revue avec moins de plaisir que dans l'œuvre de
MM. Erckmann-Chatrian ?