CHRONIQUE
THÉÂTRALE.
M. Coquclin cadet a été nommé sociétaire et M1IC Samary
également. La jeune artiste bénéficie de la résolution prise par
sa tante, Mmc Madeleine Brohan, qui abuse de l'esprit ; n'a-
t-elle pas celui de se retirer bien avant l'heure de la retraite ?
M. Talbot quitte aussi la Compagnie ; il va se consacrer
tout entier au professorat. Pour sa représentation de retraite,
on prépare une reprise de Ruy Blas.
Bouffes-Parisiens. — On ne rêve pas pièce plus inepte que
la Marocaine ; aussi est-on péniblement étonné en apprenant
qu'une aussi piètre rapsodie a pour auteur M. Paul Ferrier. La
musique vaut le libretto; M. Offenbach s'est décerné à lui-
même un enterrement de dernière classe.
Qu'un directeur fasse pour cette rapsodie mort-née les
énormes frais de mise en scène, prodigués par M. Comte, voilà
qui est inexplicable; ce qui se comprend moins encore, c'est qu'un
théâtre quelconque accepte un ours de la force de la Marocaine.
Variétés. — Le Grand Casimir, grosse bouffonnerie très-
médiocrement spirituelle, est fort lestement enlevé par
l'excellente troupe de l'endroit. Joués dans d'autres conditions,
ces trois actes tomberaient sous les sifflets. M"1" Céline
Chaumont dont M. Jules Dalou, l'éminent statuaire, a fait l'an
dernier à Londres un buste excellent, est à elle seule tout l'esprit
de la pièce. Il faut l'entendre chanter — est-ce bien chanter
qu'il faut dire i — la fable des Deux Pigeons mise en musique
discrète. La Fontaine a dû tressaillir d'aise dans sa tombe, si
l'écho de cette adorable diction est venu jusqu'à lui.
Vaudeville. — Il y a deux actes remarquables dans la pièce
que M. Auguste Maquet a découpée tant bien que mal dans
l'Aventure de Ladislas Bolski de M. Victor Cherbuliez, le sym-
pathique romancier Ces deux actes et la très-brillante exécution
Portrait de M"' Sarah Bernhardt.
Dessin de Charles E. Wilson d'après le médaillon de M"" Louise Abbema.
de la pièce permettent de présager une assez longue vie à ce
drame où M™ Pasca se montre très-grande artiste. Nous ne
comprenons pas qu'une actrice d'une telle supériorité de talent
ne soit pas depuis longtemps attachée à une scène plus élevée.
M"e Blanche Pierson est charmante dans le rôle difficile de
Mm» <je Liéwitz.
Ambigu. — L'Assommoir..... Passons. L'Art ne s'occupe ni
de vidange artistique ni de vidange littéraire.
Monte-Carlo. — L'inauguration du nouveau théâtre du
Casino de Monte-Carlo a eu lieu le 2 5 janvier avec le concours de
M. Capoul, de Mme Miolan-Carvalho et de M110 Sarah Bernhardt
qui a récité de sa plus belle voix et joué avec le talent qu'on lui
connaît, une scène en vers composée tout exprès pour cette
solennité par M. Jean Aicard. C'est un monologue de la Muse
qui, longtemps endormie, se réveille et se ranime pour saluer le
temple artistique qui vient de s'ouvrir et rendre hommage aux
artistes qui l'ont construit, décoré, embelli, et à ceux dont les
œuvres le feront vivre. Quand nous disons « la Muse », peut-être
faisons-nous erreur. La personnalité de cette apparition mytho-
logique est assez incertaine. Muse ou déesse, nymphe ou sirène,
on ne sait trop. Mais les vers qu'elle déclame n'en sont pas
moins agréables.
Réveille-toi, jeune immortelle !
Du fond des temps renais au jour!
Reparais souriante : telle
Vénus, fille de Praxitèle,
Mère éternelle de l'amour !...
Depuis qu'aux dieux l'homme est rebelle,
Dieux et déesses sur les monts,
Dans les bois, près des flots profonds,
Nous dormons au sein de Cybèle...
Mais qu'une œuvre divine et belle
Se fonde aux lieux où nous dormons,
Aussitôt, revivant en elle,
Nous l'habitons et nous l'aimons !
Ainsi parle une voix mystérieuse qui fait revivre la nymphe
de Monte-Carlo. Il y a là un sentiment très-fin de la poésie
THÉÂTRALE.
M. Coquclin cadet a été nommé sociétaire et M1IC Samary
également. La jeune artiste bénéficie de la résolution prise par
sa tante, Mmc Madeleine Brohan, qui abuse de l'esprit ; n'a-
t-elle pas celui de se retirer bien avant l'heure de la retraite ?
M. Talbot quitte aussi la Compagnie ; il va se consacrer
tout entier au professorat. Pour sa représentation de retraite,
on prépare une reprise de Ruy Blas.
Bouffes-Parisiens. — On ne rêve pas pièce plus inepte que
la Marocaine ; aussi est-on péniblement étonné en apprenant
qu'une aussi piètre rapsodie a pour auteur M. Paul Ferrier. La
musique vaut le libretto; M. Offenbach s'est décerné à lui-
même un enterrement de dernière classe.
Qu'un directeur fasse pour cette rapsodie mort-née les
énormes frais de mise en scène, prodigués par M. Comte, voilà
qui est inexplicable; ce qui se comprend moins encore, c'est qu'un
théâtre quelconque accepte un ours de la force de la Marocaine.
Variétés. — Le Grand Casimir, grosse bouffonnerie très-
médiocrement spirituelle, est fort lestement enlevé par
l'excellente troupe de l'endroit. Joués dans d'autres conditions,
ces trois actes tomberaient sous les sifflets. M"1" Céline
Chaumont dont M. Jules Dalou, l'éminent statuaire, a fait l'an
dernier à Londres un buste excellent, est à elle seule tout l'esprit
de la pièce. Il faut l'entendre chanter — est-ce bien chanter
qu'il faut dire i — la fable des Deux Pigeons mise en musique
discrète. La Fontaine a dû tressaillir d'aise dans sa tombe, si
l'écho de cette adorable diction est venu jusqu'à lui.
Vaudeville. — Il y a deux actes remarquables dans la pièce
que M. Auguste Maquet a découpée tant bien que mal dans
l'Aventure de Ladislas Bolski de M. Victor Cherbuliez, le sym-
pathique romancier Ces deux actes et la très-brillante exécution
Portrait de M"' Sarah Bernhardt.
Dessin de Charles E. Wilson d'après le médaillon de M"" Louise Abbema.
de la pièce permettent de présager une assez longue vie à ce
drame où M™ Pasca se montre très-grande artiste. Nous ne
comprenons pas qu'une actrice d'une telle supériorité de talent
ne soit pas depuis longtemps attachée à une scène plus élevée.
M"e Blanche Pierson est charmante dans le rôle difficile de
Mm» <je Liéwitz.
Ambigu. — L'Assommoir..... Passons. L'Art ne s'occupe ni
de vidange artistique ni de vidange littéraire.
Monte-Carlo. — L'inauguration du nouveau théâtre du
Casino de Monte-Carlo a eu lieu le 2 5 janvier avec le concours de
M. Capoul, de Mme Miolan-Carvalho et de M110 Sarah Bernhardt
qui a récité de sa plus belle voix et joué avec le talent qu'on lui
connaît, une scène en vers composée tout exprès pour cette
solennité par M. Jean Aicard. C'est un monologue de la Muse
qui, longtemps endormie, se réveille et se ranime pour saluer le
temple artistique qui vient de s'ouvrir et rendre hommage aux
artistes qui l'ont construit, décoré, embelli, et à ceux dont les
œuvres le feront vivre. Quand nous disons « la Muse », peut-être
faisons-nous erreur. La personnalité de cette apparition mytho-
logique est assez incertaine. Muse ou déesse, nymphe ou sirène,
on ne sait trop. Mais les vers qu'elle déclame n'en sont pas
moins agréables.
Réveille-toi, jeune immortelle !
Du fond des temps renais au jour!
Reparais souriante : telle
Vénus, fille de Praxitèle,
Mère éternelle de l'amour !...
Depuis qu'aux dieux l'homme est rebelle,
Dieux et déesses sur les monts,
Dans les bois, près des flots profonds,
Nous dormons au sein de Cybèle...
Mais qu'une œuvre divine et belle
Se fonde aux lieux où nous dormons,
Aussitôt, revivant en elle,
Nous l'habitons et nous l'aimons !
Ainsi parle une voix mystérieuse qui fait revivre la nymphe
de Monte-Carlo. Il y a là un sentiment très-fin de la poésie