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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 5.1879 (Teil 1)

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Vimenal, Charles: Chronique musicale
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https://doi.org/10.11588/diglit.17799#0118

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Fleuron composé pour « l'Aut » par

M a r i u s (Michel) 111. s.

CHRONIQUE MUSICALE

vant de nous quitter, l'année 1878 a
donné la volée à tout un essaim de
nouveautés dont nous tenons à nous
occuper.

D'abord les Amants de Vérone.
La partition de M. le marquis d'Ivry,
dédiée à S. A. R. le Prince de
Galles, a eu les honneurs des der-

nières soirées du Théâtre-Lyrique,
elle a fourni à l'histoire de la salle Ventadour sa dernière page
musicale, et le succès qu'elle a obtenu était loin d'être épuisé
quand il a été interrompu. Abandonnée par M. Escudier, galva-
nisée par l'initiative entreprenante de M. Capoul, cette institution
du Théâtre-Lyrique, quia jeté un si vif éclat, qui a si puissamment
contribué à l'éclosion de la moderne école musicale française,
la voilà maintenant condamnée , et cela au moment où elle
semblait appelée à de nouvelles destinées, au moment où il
suilisait d'un peu de bonne volonté pour lui rendre la vie.
Quant à l'édifice qui fut son dernier abri, on le dit voué à une
transformation financière qui équivaut à une destruction com-
plète. Ce sont là deux traits de vandalisme qui ne font pas
précisément l'éloge de notre temps. Une banque au Théâtre-
Italien! On racontait dernièrement qu'un généreux étranger,
ému, indigné de cette nouvelle bien faite pour révolter ses sen-
timents d'artiste, avait résolu de racheter l'immeuble et d'en
faire hommage à la France, qui a déjà contracté plus d'une dette
envers lui. Chacun a reconnu Sir Richard Wallace. La leçon
eût été rude. Pourtant nous ne voyons pas qu'on s'en inquiète
outre mesure, et tout ce que nous savons de la salle Ventadour,
c'est qu'avant de la livrer à la finance on y organise une repré-
sentation extraordinaire au bénéfice des petits employés du
théâtre. Après quoi tout sera dit, et cette salle, qui fut pendant
de longues années le vrai Conservatoire de l'art du chant, cette
salle, la meilleure de Paris sous le rapport de l'acoustique après
le théâtre de la Gaîté, ne résonnera plus qu'au bruit des écus
tombant sur les comptoirs. Souhaitons-lui du moins de faire
recette dans ces conditions. Le Théâtre-Lyrique est condamné,
avons-nous dit. Pas tout à fait, mais il s'en faut de bien peu. La
commission des théâtres se réunit, la sous-commission délibère.
Le gouvernement consulte la Ville de Paris. Des avis sont
donnés, des lettres échangées, des négociations entamées, des
rapports longuement discutés. On dresse des plans « fort beaux
sur le papier ». Il est question d'un Opéra populaire qui aurait
le droit de jouer, dans les prix doux, le répertoire de l'Académie
nationale de musique. Ce serait une sorte d'Odéon du drame
lyrique. Soit, mais on parait compter sur le concours des artistes
de l'Opéra. Est-ce assez invraisemblable ? Que l'Opéra reste sous
le régime de la subvention ou qu'il soit placé sous le régime de
Tom* X\ 1.

la régie absolue, mixte ou provisoire, — tous ces systèmes sont
en discussion depuis quelque temps,— le directeur, administra-
teur ou régisseur ne se souciera guère de prêter régulièrement
ses artistes à un théâtre rival, qui aura sur le sien l'avantage du
bon marché. Et puis, est-il bien nécessaire de vulgariser le
répertoire de l'Opéra? Ce n'est pourtant pas la vulgarité qui lui
manque. On cherche midi à quatorze heures, mais, ou nous
nous trompons fort, ou il ne sortira pas grand'chose de pratique
des combinaisons qui sont en ce moment soumises à l'examen
des « hommes compétents ».

Revenons aux Amants de Vérone. M. le marquis d'Ivrv,
auteur du livret et de la partition, est un amateur plutôt qu'un
artiste, et c'est grand dommage, car s'il était né dans la plèbe
musicale, s'il lui avait fallu faire de son art un gagne-pain et
passer par ces cruelles épreuves du métier qui anéantissent
l'impuissance, mais assouplissent le talent, nous croyons qu'il
n'eût pas tardé à conquérir une des premières places parmi les
compositeurs contemporains. Il a du moins connu les impa-
tiences et les ennuis de l'attente, mais enfin il a réalisé son réve.
Son œuvre a inspiré confiance à un artiste qui exerce une
incontestable autorité sur le public. Elle méritait cette bonne
fortune. Tout n'y est pas d'égale valeur, mais tout est à sa place,
et plusieurs morceaux sont vraiment remarquables, notamment
au second acte la cavatine du moine Lorenzo parfaitement
chantée par M. Taskin, au troisième acte le chœur des bour-
geois de Vérone et le grand ensemble du duel, au quatrième
acte l'air de la coupe. Poème et musique sont habilement
adaptés aux exigences de la scène. M. le marquis d'Ivry a l'ins-
tjnet du théâtre. L'amateur se trahit surtout dans l'orchestration
qui manque de finesse et de distinction.

Une distribution intelligente, une mise en scène admirable-
ment réglée, ont aidé au' succès de l'ouvrage. M. Capoul, une
voix qui tombe mais une ardeur qui ne s'éteint pas, qualité
essentielle pour un Roméo ; M11" Heilbronn, une vraie Juliette :
M. Taskin, un moine doué d'une superbe voix de basse, tels
étaient les principaux interprètes des Amants de Vérone, mais
pour être juste il faudrait citer tout le monde, car les moindres
rôles de Capulets ou de Montaigus étaient très-convenablement
tenus. La scène du duel, une des bonnes pages de l'œuvre, doit
une partie du grand effet qu'elle a produit à la vivacité du combat
qui semblait réglé par un Gàtechair... ou un Legouvé. Cette
campagne directoriale de quelques semaines a révélé chez
M. Capoul, chanteur insinuant, acteur passionné, de sérieuses
aptitudes de metteur en scène et de directeur.

On se rappelle le concours quinquennal institué en 1877 par
la Ville de Paris. Le prix, — dix mille francs — a été décerné en
partage à M. Théodore Dubois, organiste de la Madeleine, et à
M. Benjamin Godard, jeune artiste de vingt-huit ans, élève de

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