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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 5.1879 (Teil 1)

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Courrier des musées
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https://doi.org/10.11588/diglit.17799#0301

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COURRIER DES MUSÉES.

27Ï

ments publics, dont en somme elle a la responsabilité. Il se peut
faire sans doute que cette autorité se trouve au service d'idées
erronées; on l'a vu plus d'une fois et la chose peut se repro-
duire. Mais à cet inconvénient possible de la hiérarchie s'oppose
un danger non moins grave qui résulte trop souvent de l'absence
de contrôle, celui de l'inertie et de l'immobilité qui transforme
les fonctions en sinécures.

Il y a du reste une autre raison pour que nous applau-
dissions à cette reprise de possession des musées par l'ad-
ministration ministérielle, c'est que ce sera pour celle-ci, nous
l'espérons du moins, un motif pour combattre sérieusement dans
les Chambres le parti pris qu'elles manifestent trop évidemment
contre l'art. Pour les neuf dixièmes de nos législateurs l'art est
un superflu aimable que les particuliers ont grande raison de se
donner quand ils ont de quoi le payer, mais auquel l'État ne
doit sa protection qu'autant que cela ne lui coûte rien, à moins
qu'il ne finisse par se trouver quelques millions de trop, ce qui ne
s'est pas encore produit. On veut bien encore s'imposer quelques
sacrifices pour l'art musical, pour l'art dramatique, voire pour l'art
architectural. Mais la peinture,à quoi cela peut-il bien servir?

Et puis, d'ailleurs, ne dépense-t-on pas déjà suffisamment
d'argent pour l'entretien des écoles des beaux-arts, pour les
commandes en statues et en tableaux, pour les secours aux
artistes besoigneux ? Quel profit, je vous le demande, reviendra
à ceux qui payent l'impôt, que le Louvre ait une toile ou une
statue de plus ? N'y en a-t-il pas déjà plus qu'il n'en faut pour
servir de modèles à ceux qui voudront les étudier ?

C'est justement là qu'est l'erreur trop répandue. Mieux vau-
drait mille fois ne pas rendre l'accès si facile que tous puissent
entrer sans avoir môme à se demander s'ils ont pour l'art une
aptitude quelconque. Mieux vaudrait supprimer ces achats et
ces commandes qui trop souvent ne sont que des aumônes dégui-
sées, et qui transforment l'administration des beaux-arts en un
bureau de bienfaisance. L'argent qu'on jette ainsi par les fenê-
tres, sans autre effet que d'attirer ou de retenir dans une carrière
pour laquelle ils ne sont pas faits des jeunes gens qui pourraient,
ailleurs, être utiles à eux-mêmes et aux autres, ne vaudrait-il
pas mieux l'appliquer à l'achat des œuvres vraiment supérieures,
pour les ajouter au domaine de l'Etat? Ainsi on encouragerait,
on susciterait les talents sérieux, et l'on augmenterait sans cesse
le nombre des modèles dont la vue et l'étude peuvent servir à
éveiller des vocations nouvelles.

N'oublions pas, d'ailleurs, qu'il ne s'agit pas seulement d'é-
lever les esprits par la vue des belles choses. L'art, qui a en lui-
même sa raison d'être pour ceux qui l'aiment, peut se recom-
mander à ceux qui le comprennent le moins par des raisons
d'une solidité à toute épreuve. Ce que fait l'État pour la pein-
ture et la statuaire, l'art le rend au centuple par toutes les ap-
plications à l'industrie qu'il procure, par la supériorité du goût
qu'il répand parmi la population ouvrière. L'art et ses applica-
tions représentent une partie très-considérable des exportations
de la France, et c'est surtout dans ce champ que quelques mil-
lions intelligemment semés peuvent produire des milliards. Les
peuples voisins, les Autrichiens, les Belges et en particulier les
Anglais l'ont bien compris, et les économies de nos législateurs
utilitaires commencent dès maintenant à nous coûter fort cher.

Espérons que le ministre des beaux-arts, qui a compris la
'nécessité de reprendre l'administration directe des musées, com-
prendra celle d'insister énergiquement auprès des Chambres
pour qu'elles renoncent enfin à ces déplorables habitudes de
parcimonie, qui menacent d'un si triste contre-coup nos indus-
tries artistiques. Nous ignorons quelles sont les idées person-
nelles du ministre sur ce point. Mais tout le monde sait que le
sous-secrétaire d'État, M. Turquet, est un amateur déclaré de
tableaux. Le secrétaire général des beaux-arts, M. de Ronchaud,
dans son beau et savant livre sur Phidias, a étudié de trop près
les causes de la supériorité artistique d'Athènes pour ne pas voir
ce qui nous manque et ce qui pourrait être fait à cet égard.

Remis en de telles mains, les intérêts de l'art nous laissent
sans inquiétude et nous attendons la discussion du budget avec
confiance. Il importe à la dignité et à l'intérêt de la France que,
dans les ventes publiques, le Louvre ne soit pas obligé de battre
en retraite devant les simples particuliers, et de se contenter de
ce qu'ils veulent bien lui laisser.

Mais ce n'est pas seulement pour les achats que le budget
de nos musées nationaux est insuffisant. La lecture du décret
du ier mars 1879 est tristement instructive. L'administrateur
des musées nationaux a un traitement de 10,000 francs. Le
conservateur du musée du Louvre reçoit 7,000 francs, les con-
servateurs des musées de Versailles, du Luxembourg et de Saint-
Germain, 5,500; les conservateurs-adjoints, 4,500; les attachés,
de 2,500 à 4,000 francs. Voilà des fonctionnaires, il faut bien le
reconnaître, qui ne coûtent pas cher. Il n'y a pas d'administra-
tion particulière, de maison de nouveautés qui ne paye ses em-
ployés beaucoup mieux que l'État, quand il s'agit de l'art, c'est-
à-dire de ce qui, on aime à le répéter, fait surtout la gloire de la
France. C'est en tout cas de la gloire à bon marché. Je veux
bien que l'État compte sur le dévouement des savants qui lui
donnent à si bon compte leur temps et leurs services. Mais cette
méthode a ses dangers. On a remarqué que, aux États-Unis
d'Amérique, l'infériorité des appointements payés aux fonction-
naires publics a eu pour résultat de peupler les fonctions de
l'État de médiocrités peu estimables. Et en effet, pourquoi
voulez-vous qu'un homme de mérite et de talent, qui peut trou-
ver dans l'industrie ou dans le commerce des situations large-
ment rétribuées, aille se condamner, pour servir l'État, à une vie
de privations? Le décret du iCr mars interdit tout cumul. Il a
raison, mais encore faut-il pouvoir vivre avec les appointements
d'une seule place. M. Ferry l'a compris, et il annonce que, lors
de la discussion du budget de 1880, il proposera d'augmenter
les traitements.

M. Barbet de Jouy devient administrateur des musées natio-
naux, en remplacement de M. Reiset qui a donné sa démission.
Tout le monde applaudira à cette nomination. M. Barbet de Jouy,
depuis longtemps conservateur du Musée de sculpture moderne
et des objets d'art du moyen âge et de la Renaissance, est un
homme d'un savoir incontestable. Il a publié un grand nombre
d'ouvrages qui sont tous également remarquables par la sûreté
des renseignements et par la netteté de l'exposition. Nous cite-
rons entre autres comme les plus connus les Délia Robbia, les
Mosaïques chrétiennes des Églises et des basiliques de Rome, les
Fontes du Primatice, les Gemmes et Joyaux de la couronne, etc.
Mais à côté du savant il y a l'homme. Nous voudrions bien pou-
voir en dire ce que nous en pensons ; mais il serait capable de
ne pas nous le pardonner. Nous nous contenterons de rappeler
que, en 1871, cet homme modeste et doux a modestement et
doucement joué sa vie d'une façon continue pendant plusieurs
semaines. Il faudrait demander à MM. Hércau et Dalou ce qu'ils
pensent de cet ennemi. On peut être sûr, en le nommant pour
garder le Louvre, qu'il ne faillira pas à sa mission.

M. Saglio est connu de tous les érudits par son grand Dic-
tionnaire des Antiquités grecques et romaines. C'est un ouvrage
d'une haute valeur qui comblera, quand il sera achevé, une lacune
regrettable. Ce travail est loin d'être achevé, malgré les efforts
réunis des savants dont M. Saglio s'est assuré la collaboration,
mais par ce qui a paru, on peut facilement prévoir quelle sera
la valeur du reste.

M. Courajod, notre collaborateur, est aussi un érudit d'une
admirable conscience qui croirait faire injure au public en lui
présentant une affirmation qu'il n'aurait pas vérifiée sur les do-
cuments les plus authentiques. Le catalogue des objets d'art du
moyen âge et de la Renaissance sera une œuvre définitive s'il
parvient à le faire. Mais en admettant que toute une vie d'homme
n'y suffise pas, ce qu'il laissera à faire imposera une rude tâche à
celui qui sera, après lui, chargé d'achever c»t ouvrage. A ceux
qui se plaindraient de la lenteur du travail il n'y a qu'à répon-
 
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