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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 5.1879 (Teil 1)

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Exposition universelle de 1878: M. Elihu Vedder et "L'Art"
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https://doi.org/10.11588/diglit.17799#0326

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298 L'ART.

vous les reproduisiez tous les deux, et pourquoi? Pour leur
dénier, ou peu s'en faut, tout me'rite artistique. Et comme si ce
n'était pas assez de cette flagellation, le public est averti que
tout le mérite de vos reproductions doit être attribué à votre
dessinateur. C'est un piège que vous m'avez tendu; je proteste,
et je préviens mes confrères dans leur intérêt. Votre sincérité
n'est pas en question, mais je proteste contre le procédé. —

Nous croyons n'avoir pas atténué dans cette traduction abré-
gée la vigueur de la protestation de M. Elihu Vedder. Nous en
avons du reste donné intégralement le texte original. En revanche
nous croyons pouvoir nous dispenser de citer une lettre adressée
par M. Elihu Vedder à notre administrateur. Elle ferait double
emploi avec la protestation qui a été livrée à la publicité, et que
nous reproduisons. Nous n'en voulons retenir que les remercî-
ments de M. Elihu Vedder à M. Kreutzberger.

Maintenant qu'y a-t-il au fond de ce débat ?

Que nous ayons eu tort de reproduire les deux tableaux de
M. Elihu Vedder, alors que nous avions demandé seulement l'au-
torisation d'en faire photographier un, cela est possible. Notre
bonne foi n'est pas en question, et nous nous plaisons à penser
que M. Elihu Vedder ne la conteste pas. Mais il y a eu là un
oubli, un malentendu. Soit. Nous passons condamnation sur ce
point.

Mais ce que nous ne pouvons pas admettre, c'est que nous
soyons tenus de louer l'œuvre d'un artiste par cela seul que
nous lui demandons et obtenons de lui l'autorisation de la faire
graver pour en donner une idée à nos lecteurs.

Nous n'admettons pas davantage qu'il nous soit interdit de .
demander pareille autorisation, du moment que nous ne nous
proposons pas de faire l'éloge de l'œuvre.

Ce n'est pas la première fois que l'Art critique plus ou moins
vertement des œuvres dont il offre à ses lecteurs la reproduction
à titre de document.

Nous pourrions signaler à M. Elihu Vedder un assez bon
nombre d'artistes qui le valent bien et qui, sévèrement jugés par
tel de nos collaborateurs, bien que leurs peintures ou leurs statues
fussent dessinées ou gravées dans l'Art, non-seulement n'ont
pas réclamé mais sont revenus par la suite nous provoquer à
de nouvelles illustrations, préférant notre critique à notre silence,
et estimant qu'ils ont tout intérêt à nous fournir des documents
graphiques qui permettent à nos lecteurs de contrôler nos appré-
ciations. C'est en effet une façon d'en appeler du critique au
lecteur, et, comme la critique n'est pas infaillible, une chance
pour que l'abonné casse le jugement du journal.

Il est vrai que cette chance a perdu beaucoup de son prix
pour M. Elihu Vedder, puisque notre collaborateur,trouvant les
dessins de M. Kreutzberger très-supérieurs aux tableaux, a cru
devoir en avertir le lecteur. Nous concevons parfaitement que
cette remarque ait été peu agréable au peintre de la Sibylle de
(Aimes et du Jeune Marsyas; mais, avec un peu de sang-froid,—
et si nous avons laissé trois mois s'écouler avant de nous occuper
de cette affaire, c'est précisément afin de donner au sang-froid
de chacun le temps de prendre le dessus, nous disons cela non-
seulement pour M. Elihu Vedder mais pour nous-mêmes— donc
s'il veut bien y réfléchir en bonne logique, en faisant abstraction de
sa personnalité et en oubliant un premier mouvement d'irritation,
il reconnaîtra qu'il y avait là pour M.Tardieu d'abord l'exercice

d'un droit, et quelque chose de plus, à savoir une obligation,
pénible sans doute, mais stricte, et à laquelle notre collaborateur
ne pouvait pas se soustraire.

En effet, M. Tardieu, reprenant sous une autre forme une
observation de W. Biirger, émet l'avis que les peintres améri-
cains sont mille fois plus coupables que les artistes du Vieux
Monde quand ils s'empêtrent dans les liens d'une tradition qui
ne leur appartient pas, pour laquelle ils ne sont pas faits, et au
lieu de se traîner dans les sentiers battus de la mythologie clas-
sique il leur conseille d'étudier leur pays, ses mœurs, ses beautés
naturelles, et d'exprimer l'admirable poésie qui s'en dégage. Il
se trouve en présence de deux tableaux que pas un compte rendu
de l'Exposition universelle n'a signalés, pas un à notre connais-
sance, tant il est vrai que chacun y a trouvé ce que M. Vedder
appelle their utter lack of ail artistic merit, c'est-à-dire absence
complète de mérite artistique. Notre collaborateur estime qu'il
y a un enseignement à en tirer. Il les cite comme exemples
négatifs, il indique un écueil à éviter. Encore une fois c'est son
droit et son devoir, et son point de départ étant donné il ne
pouvait se dispenser de faire savoir aux lecteurs de l'Art que
comparées aux originaux de M. Elihu Vedder les copies de
M. Kreutzberger sont de « belles infidèles ».

Nous avons vu avec plaisir un journal américain, the Evening
Post de New-York, dans son numéro du 27 janvier dernier,
formuler à ce sujet des observations analogues aux nôtres. Sous
ce titre : « Mr. Vedder and l'Art », ce journal a publié une lettre
dont l'auteur, qui signe Pica, nous est inconnu. Nous ne la
reproduisons pas, pour deux raisons : elle est trop aimable pour
nous, trop sévère pour M. Elihu Vedder, si sévère qu'on a lieu de
s'étonner qu'un artiste aussi rudement traité par ses compatrio-
tes ait pu se formaliser de nos critiques. Mais cette lettre défend
trop nettement notre thèse pour que nous n'en résumions pas
l'esprit. Deux citations suffiront.

D'abord l'épigraphe :

« Art-criticism not an exchange of civilities, but an impar-
tial expression of truth » (La critique d'art n'est pas un échange
de politesses mais une expression impartiale de la vérité).

Puis la conclusion.

« Le problème est simple, net et clair. La critique d'art
doit-elle être partiale ou impartiale ? Toute la question est là.
Je ne puis concevoir un problème plus élémentaire, moins com-
plexe. II ne prête pas aux distinctions subtiles, aux artifices d'ar-
gumentation. C'est un appel au sens moral, non à la dialectique.
Quand l'Art a demandé à M. Vedder l'autorisation de faire des
dessins d'après ses tableaux, M. Vedder pouvait refuser s'il le
jugeait convenable. Il n'y aurait eu rien à redire à son refus.
Mais il y a beaucoup à redire à cette doctrine : que pareille
courtoisie de la part d'un artiste devrait influencer l'appréciation
de ses tableaux, et que la critique devrait être autre chose qu'ab-
solument impartiale, sincère et juste. »

Nous n'ajouterons plus qu'un mot. M. Elihu Vedder aurait
compris que ses tableaux fussent passés sous silence. Il semble
même résulter de sa lettre à notre administrateur qu'il eût
préféré cela. Eh bien, qu'il nous permette de le lui dire : C'est
de l'ingratitude, car la critique de notre collaborateur et les
discussions qu'elle a soulevées ont plus fait pour la notoriété
de M. Elihu Vedder que la Sibylle de Cumes et le Jeune Marsyas.

Cul-de-lampe composé pour l'Art par Léon Gaucherel.
 
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