LES FRÈRES LE NAIN. 309
dom Leleu, Mathieu se serait particulièrement adonné aux grands tableaux. S'agit-il seulement des
tableaux d'église, comme celui de la Nativité, conservé à Saint-Etienne du Mont, ou bien faut-il
placer dans cette catégorie la Tabagie, le Corps de garde, le Repas de paysans, généralement
attribués pour la meilleure part à Louis? Le doute se dresse incessamment devant quiconque
veut trancher ces questions. Et en ce moment même, je trouve sous ma main une affiche bien
vieille, donnant le nom des protecteurs, directeurs, recteurs, professeurs et membres de l'Académie
de peinture et de sculpture, où ne figurent que Louis et Mathieu Le Nain; Antoine y brille par
son absence. Avec ces trois peintres, on croit sans cesse être sur les traces de la vérité, quand
une autre clarté vous apparaît et la première est annihilée. C'est comme dans un des plus
surprenants phénomènes d'optique, où deux rayons de lumière se rencontrant dans de certaines
conditions engendrent de l'obscurité.
Donc, pour attribuer particulièrement et avec certitude telle ou telle toile à l'un ou à l'autre
des trois frères, on doit rechercher en tout pays, dans tout musée, comme s'y consacre, dit-on,
M. Clément de Ris, des dates authentiques, à côté des lettres majuscules A, ou L, ou M
précédant le nom de famille. Restera à savoir ensuite si les frères Le Nain n'y perdront rien de
leur auréole faite d'obscurité et de lumière. Ils sont trois et ne forment qu'un. Mystère de la
Trinité..... tout à fait attrayant et compréhensible.
Si vous le voulez, j'ouvrirai une seconde fois le registre du concierge Reynès, pour y chercher
des faits précis sur nos premiers peintres et sculpteurs académistes.
Agréez, mon cher directeur, etc.
Etienne Arago,
Conservateur du Musée national du Luxembourg.
1. Villot, 8« édition, 1877, n° 575. Vendu 1,008 livres à la vente du duc de Choiseul en 1772, et 2,460 livres à la vente du prince de Conti
en 1777.
dom Leleu, Mathieu se serait particulièrement adonné aux grands tableaux. S'agit-il seulement des
tableaux d'église, comme celui de la Nativité, conservé à Saint-Etienne du Mont, ou bien faut-il
placer dans cette catégorie la Tabagie, le Corps de garde, le Repas de paysans, généralement
attribués pour la meilleure part à Louis? Le doute se dresse incessamment devant quiconque
veut trancher ces questions. Et en ce moment même, je trouve sous ma main une affiche bien
vieille, donnant le nom des protecteurs, directeurs, recteurs, professeurs et membres de l'Académie
de peinture et de sculpture, où ne figurent que Louis et Mathieu Le Nain; Antoine y brille par
son absence. Avec ces trois peintres, on croit sans cesse être sur les traces de la vérité, quand
une autre clarté vous apparaît et la première est annihilée. C'est comme dans un des plus
surprenants phénomènes d'optique, où deux rayons de lumière se rencontrant dans de certaines
conditions engendrent de l'obscurité.
Donc, pour attribuer particulièrement et avec certitude telle ou telle toile à l'un ou à l'autre
des trois frères, on doit rechercher en tout pays, dans tout musée, comme s'y consacre, dit-on,
M. Clément de Ris, des dates authentiques, à côté des lettres majuscules A, ou L, ou M
précédant le nom de famille. Restera à savoir ensuite si les frères Le Nain n'y perdront rien de
leur auréole faite d'obscurité et de lumière. Ils sont trois et ne forment qu'un. Mystère de la
Trinité..... tout à fait attrayant et compréhensible.
Si vous le voulez, j'ouvrirai une seconde fois le registre du concierge Reynès, pour y chercher
des faits précis sur nos premiers peintres et sculpteurs académistes.
Agréez, mon cher directeur, etc.
Etienne Arago,
Conservateur du Musée national du Luxembourg.
1. Villot, 8« édition, 1877, n° 575. Vendu 1,008 livres à la vente du duc de Choiseul en 1772, et 2,460 livres à la vente du prince de Conti
en 1777.