DEFENDENTE DE FERRARI"
DA CHIVASSO
(suite)
e second triptyque se trouve dans la quatrième chapelle du côté de
l'évangile, qui était dès 1430 sous le patronage des Provana de
Leyni et qui représente au centre la 'Nativité, c'est-à-dire la Madone
adorant l'enfant Jésus qui est nu et placé sur le bord de son vête-
ment2. Au panneau du milieu est joint un autre panneau qui repré-
sente VEcce homo en demi-grandeur. — Dans le compartiment de
gauche et dans la partie inférieure, Saint Sébastien, en cape d'hermine
et manteau rouge, tient de la main droite deux flèches, et de la gauche
une épée, symboles de son martyre. — Dans la partie supérieure, est
Saint François d'Assise avec le livre et la croix, et portant la bles-
Le,.re dessinée et gr^ée par jean Bouto,, sure ou stigmate au côté. — Dans le compartiment de droite, et
dans la partie inférieure se trouve l'image de saint Roch, et dans la
partie supérieure un moine avec un bonnet et un habit brun noirâtre et une ceinture. Il manque
à ce triptyque la base ou prédelle qui a été probablement enlevée en 1618, époque de sa
translation de l'église détruite des Humiliés à celle de Saint-Jean. Que ce triptyque, qui est
d'une rare beauté, dut avoir une base ou prédelle, cela résulte visiblement de sa dimension
disproportionnée de im,90 de haut sur 6 mètres de large.
Ce triptyque, sur lequel est répété dans des endroits divers le monogramme AR,A, est d'une
beauté supérieure, particulièrement à cause de son colons savoureux, à la vénitienne, et par
l'aspect charmant de son fond, égal en ce point au triptyque de Feletto dont nous parlerons plus
bas. 11 fait à première vue l'impression d'une peinture de l'école vénitienne du temps de Vivarini,
de Carpaccio ou de Bazaïti.
30 En entrant dans Saint-Jean, dans la première chapelle à droite on admire un panneau
unique de Defendente de Ferrari représentant sainte Ursule avec une bannière déployée, qui
porte une croix rouge sur un fond blanc ; la sainte est entourée de ses compagnes, vierges
et martyres, rassemblées et encloses dans un drap de soie soutenu aux extrémités par deux
anges. Tableau d'une très grande valeur par la beauté et l'expression angélique de toutes les
têtes des vierges et martyres groupées de la manière la plus gracieuse et la plus respectueuse3.
Elles ont quelque chose de si suave qu'elles touchent et ravissent le spectateur. Dans ce tableau,
1. Voir l'Art, 50 année, tome III, page 197; 40 année, tome Ier, page 174, et 6' année, tome II, page 182 ; tome III, page 7;.
2. L'enfant Jésus, nu, sur le bord du manteau ou de la robe de la Madone, est un des traits distinctifs de Defendente ; car il est répété sur
tous ceux de ses tableaux qui représentent la Nativité.
3. Je ne puis m'empécher d'exprimer l'étonnement que j'ai ressenti quand j'ai lu dans l'œuvre de M. Charles Blanc, Notes
au crayon de Paris à Venise, et, à propos de Carlo Crivelli, les paroles suivantes : « Il appartient à l'époque, encore barbare, où l'on
divisait un tableau en compartiments, faute de savoir le composer avec des groupes». Quelque respect que j'aie pour l'éminent auteur de la
Grammaire des arts du dessin, je ne puis faire moins que de tenir son opinion pour légère, en sa qualité de note fugitive au crayon ; car je me
souviens d'avoir admiré des triptyques vénitiens et allemands duxni» et du xivc siècle dans le panneau central duquel se trouvent des groupes
très agréablement disposés, et dans les prédelles desquelles, en particulier, sont représentées des actions composées et distribuées avec beaucoup
de grâce et de savoir. Qui peut nier le génie d'imagination et d'invention de Carpaccio dans sa légende de sainte Ursule.' de Mansueti, de
Lazzaro Sebastiani, de Cima da Conegliano, des frères Bellini, lesquels parfois, soit pour suivre leur goût et leur propre préférence, soit pour
obéir aux exigences de ceux qui faisaient la commande, restreignirent cependant et réduisirent leurs œuvres à la forme et aux proportions
archaïques du triptyque? On connaît les triptyques d'Enghelbrechtsen Cornelio, d'Orley Bernardo et de beaucoup de peintres du xive siècle,
de l'Ecole de Bologne, dans lesquels la composition, avec beaucoup de personnages et des fonds de perspective pleins de charme, est conduite
avec goût et avec un profond savoir. Mais, pour retourner à notre Defendente, il faut remarquer que lui aussi, par suite des exigences, du goût
et des convictions de ceux qui lui faisaient des commandes, dut se réduire souvent à renfermer ses saints et ses madones dans les compar-
timents d'un triptyque. Il montra cependant, par la composition de ses prédelles, combien son art était magistral dans la disposition de ses
personnages et qu'il ne fut pas étranger à la marche puissante de la renaissance italienne qui, à cette époque, émancipait entièrement l'art de
la subordination hiératique et en faisait en quelque sorte une seconde création.
DA CHIVASSO
(suite)
e second triptyque se trouve dans la quatrième chapelle du côté de
l'évangile, qui était dès 1430 sous le patronage des Provana de
Leyni et qui représente au centre la 'Nativité, c'est-à-dire la Madone
adorant l'enfant Jésus qui est nu et placé sur le bord de son vête-
ment2. Au panneau du milieu est joint un autre panneau qui repré-
sente VEcce homo en demi-grandeur. — Dans le compartiment de
gauche et dans la partie inférieure, Saint Sébastien, en cape d'hermine
et manteau rouge, tient de la main droite deux flèches, et de la gauche
une épée, symboles de son martyre. — Dans la partie supérieure, est
Saint François d'Assise avec le livre et la croix, et portant la bles-
Le,.re dessinée et gr^ée par jean Bouto,, sure ou stigmate au côté. — Dans le compartiment de droite, et
dans la partie inférieure se trouve l'image de saint Roch, et dans la
partie supérieure un moine avec un bonnet et un habit brun noirâtre et une ceinture. Il manque
à ce triptyque la base ou prédelle qui a été probablement enlevée en 1618, époque de sa
translation de l'église détruite des Humiliés à celle de Saint-Jean. Que ce triptyque, qui est
d'une rare beauté, dut avoir une base ou prédelle, cela résulte visiblement de sa dimension
disproportionnée de im,90 de haut sur 6 mètres de large.
Ce triptyque, sur lequel est répété dans des endroits divers le monogramme AR,A, est d'une
beauté supérieure, particulièrement à cause de son colons savoureux, à la vénitienne, et par
l'aspect charmant de son fond, égal en ce point au triptyque de Feletto dont nous parlerons plus
bas. 11 fait à première vue l'impression d'une peinture de l'école vénitienne du temps de Vivarini,
de Carpaccio ou de Bazaïti.
30 En entrant dans Saint-Jean, dans la première chapelle à droite on admire un panneau
unique de Defendente de Ferrari représentant sainte Ursule avec une bannière déployée, qui
porte une croix rouge sur un fond blanc ; la sainte est entourée de ses compagnes, vierges
et martyres, rassemblées et encloses dans un drap de soie soutenu aux extrémités par deux
anges. Tableau d'une très grande valeur par la beauté et l'expression angélique de toutes les
têtes des vierges et martyres groupées de la manière la plus gracieuse et la plus respectueuse3.
Elles ont quelque chose de si suave qu'elles touchent et ravissent le spectateur. Dans ce tableau,
1. Voir l'Art, 50 année, tome III, page 197; 40 année, tome Ier, page 174, et 6' année, tome II, page 182 ; tome III, page 7;.
2. L'enfant Jésus, nu, sur le bord du manteau ou de la robe de la Madone, est un des traits distinctifs de Defendente ; car il est répété sur
tous ceux de ses tableaux qui représentent la Nativité.
3. Je ne puis m'empécher d'exprimer l'étonnement que j'ai ressenti quand j'ai lu dans l'œuvre de M. Charles Blanc, Notes
au crayon de Paris à Venise, et, à propos de Carlo Crivelli, les paroles suivantes : « Il appartient à l'époque, encore barbare, où l'on
divisait un tableau en compartiments, faute de savoir le composer avec des groupes». Quelque respect que j'aie pour l'éminent auteur de la
Grammaire des arts du dessin, je ne puis faire moins que de tenir son opinion pour légère, en sa qualité de note fugitive au crayon ; car je me
souviens d'avoir admiré des triptyques vénitiens et allemands duxni» et du xivc siècle dans le panneau central duquel se trouvent des groupes
très agréablement disposés, et dans les prédelles desquelles, en particulier, sont représentées des actions composées et distribuées avec beaucoup
de grâce et de savoir. Qui peut nier le génie d'imagination et d'invention de Carpaccio dans sa légende de sainte Ursule.' de Mansueti, de
Lazzaro Sebastiani, de Cima da Conegliano, des frères Bellini, lesquels parfois, soit pour suivre leur goût et leur propre préférence, soit pour
obéir aux exigences de ceux qui faisaient la commande, restreignirent cependant et réduisirent leurs œuvres à la forme et aux proportions
archaïques du triptyque? On connaît les triptyques d'Enghelbrechtsen Cornelio, d'Orley Bernardo et de beaucoup de peintres du xive siècle,
de l'Ecole de Bologne, dans lesquels la composition, avec beaucoup de personnages et des fonds de perspective pleins de charme, est conduite
avec goût et avec un profond savoir. Mais, pour retourner à notre Defendente, il faut remarquer que lui aussi, par suite des exigences, du goût
et des convictions de ceux qui lui faisaient des commandes, dut se réduire souvent à renfermer ses saints et ses madones dans les compar-
timents d'un triptyque. Il montra cependant, par la composition de ses prédelles, combien son art était magistral dans la disposition de ses
personnages et qu'il ne fut pas étranger à la marche puissante de la renaissance italienne qui, à cette époque, émancipait entièrement l'art de
la subordination hiératique et en faisait en quelque sorte une seconde création.