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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 4)

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Soldi, Émile: De la technique dans l'art
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https://doi.org/10.11588/diglit.18610#0202

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DE LA TECHNIQUE DANS L'ART

terre ou en plâtre des figurations que l'on peut couper et multi-
plier, amène les Arabes aux mille combinaisons de leurs entrelacs.

En même temps que la nature fournit les matériaux, ceux-ci,
par la différence de leurs qualités, modifient complètement l'idée
et la forme dans tous les arts plastiques.

Si primitivement le bois permettait au sculpteur de fouiller,
de détailler les figurations, le marbre lui offre les modelés, les
nuances délicates; la terre, la cire, l'invention du moulage sur
nature l'amènent à une facture minutieuse et au réalisme.

La mosaïque impose des contours affirmés et la franchise
des tons, la fresque révèle la clarté et la (inesse des valeurs,
l'huile les profondeurs du clair-obscur. Avec chaque matière
nouvelle, tapisserie, verrerie, broderie, émaux, apparaît une
qualité, un effet, un art nouveau. L'influence des procédés est
aussi absolue.

Par ia fonte, le métal le plus dur se transforme en figurine
légère, svelle, aérienne, impossible à reproduire dans une autre-
substance.

Par le tourà graver, les pierres fines ou les pierres précieuses
font resplendir les pétales d'une fleur artificielle, les ailes d'un
oiseau inconnu, des mille feux de l'émeraude, des rubis ou des
diamants.

Ne devons-nous pas à l'industrie les splendeurs harmoniques,
la combinaison des timbres, de la musique moderne ?

Chacun de ces arts, avant d'avoir atteint par l'amélioration
des procédés l'expression qui lui est propre, passe de la période
des tentatives et des tâtonnements à celle de l'apogée. Puis, grâce
à l'exagération de ces mêmes procédés, elle arrive par l'amplifica-
tion ou la minutie à la période de la décadence.

Ces diverses phases composent l'histoire de l'art,
gypseux du centre de l'Asie. Mais c'est seulement en étudiant en détail ces divers faits que

Il a fallu des siècles, il a fallu toute une humanité de souf- ! l'on peut comprendre le rôle infiniment varié, curieux, imprévu,
frances, de dévouement, de superstition ou d'esclavage, pour qu'ils ont joué partout et toujours. Même aujourd'hui, au degré
lever, pousser, rouler tel bloc erratique; parfois, malgré l'effort j supérieur de l'art, le sentiment et la matière sont encore intime-
d'un peuple entier on l'a abandonné; il a fallu des armées I ment liés. N'est-il pas vrai que chaque effet de la matière a eu
d'ouvriers pour éclater ics silex qui devaient servir à l'équarrir, , lui-même sa poésie ? La corde vibre, la couleur chante, le métal
des années pour ie polir, des migrations de race pour fournir le j étincelle. L'artiste est celui qui, par force et travail, en modi-
fer, l'outil qui permettra enfin h un seul homme de dompter la j fiant, éteignant, opposant, réunissant plusieurs degrés de ces
matière et lui donner la vie. j effets les fait valoir et apprécier.

D'abord dans le principe chaque pays cherche à créer un j Souvent l'artiste n'est sensible qu'à l'effet même de la matière,
ai t issu de sa flore et de ses matériaux. Le sujet de son tableau, la forme de sa statue, la mélodie de sa

A Monsieur Véron, directeur du journal l'Art.
Monsieur,

Quelques personnes, m'avez-vous dit, me reprochent de
trop m'étendre, dans plusieurs sujets que j'ai traités, sur des
détails parfois secondaires de ia technique dans l'art.

Cela prouve, comme vous me le disiez, que généralement
on ne se doute pas de l'importance des procédés, du rôle qu'ils
jouent dans la formation des esthétiques.

Veuillez encore une fois me prêter une page de votre Revue
et me permettre d'y exprimer en deux mots mes idées à ce-
sujet.

La puissance des arts plastiques est liée aux procédés
techniques et aux qualités diverses des matières employées,
je m'explique.

Les procédés nous rendent plus ou moins maîtres des
matériaux.

Les procédés varient avec les outils.

Les outils varient suivant la civilisation ancienne ou
moderne de chaque contrée.

Tel art existe dans tel pays, il y a été inventé, parce que ce-
pays possédait une carrière, une forêt, une mine.

Changez la qualité des matériaux de la carrière, l'essence de
la forêt, les produits de la mine, et vous changez l'art.

La perfection plus ou moins grande de la forme dans la
statuaire grecque résulte en partie de l'exploitation des marbres
de ce pays.

La raideur de la statuaire égyptienne s'explique par l'adop-
tion des granits travaillés à l'aide de silex appointés; l'incisif de
la statuaire assyrienne par l'emploi des calcaires, des albâtres

Plus tard les échanges, les voyages, lui révèlent un art
étranger qu'il imite avec les moyens techniques qu'il possède.
Ces moyens insuffisants pendant longtemps le forcent à se con-
tenter de l'apparence du modèle jusqu'au moment où son
outillage est perfectionné.

Le besoin de constructions durables oblige l'architecte de
l'Egypte, de l'Inde, de la Chine, de l'Amérique, de la Grèce, à
substituer au bois de l'abri primitif des matières éternelles.

C'est le moment où le peuple nomade, après s'être fixé au
sol, après avoir abandonné la tente pour la cabane, quitte la
forêt pour la carrière, le bois pour la pierre. Alors le tronc
d'arbre devient la colonne, les branches le chapiteau, la traverse
la frise; de la tente était née la pagode, la cabane forme le
temple.

L'art est créé.

Partout l'ornement dérive de l'imitation des produits natu-
rels de la contrée. Exemple : le lotus en Egypte, le chèvrefeuille
et l'acanthe en Grèce, le chardon en Allemagne.

La superposition des briques par les architectes primitifs
produit les méandres, les zigzags, les bâtons rompus, etc.

La facilité que donne l'emploi du moule pour reproduire en

symphonie ne sont que des prétextes, pour un Rembrandt de faire
éclater un jaune dans un ensemble obscur, pour un Michel-Ange
de développer une courbe, d'allonger une ligne, pour un Beethoven
de faire triompher un accord.

Le son unique d'un métal, la qualité ou l'intensité d'une
seule couleur, l'expression d'un ovale, pour l'artiste qui sait voir,
sentir, entendre, suffisent pour l'enthousiasmer. Sa tâche est de
nous faire participer à son émotion, de nous faire admirer les
effets qu'il n'a pas inventés, qu'il a su seulement présenter.

De là l'importance apportée par Van Eyck à la préparation
des couleurs, par Delacroix à la composition de sa palette, par
Berlioz au choix des instruments.

De là, la dette de l'Art à la Science, et les efforts immenses
que fait l'humanité pour tirer du sein de la terre, et manier
suivant ses désirs, les matériaux qui peuvent lui permettre de
varier les notes, les couleurs, les courbes, nécessaires à la mani-
festation et au développement de ses arts.

Certes l'esprit humain, la philosophie, la religion, la race
ont la plus grande influence sur le choix des sujets, le symbole
adopté, la manière de l'exécuter.

Mais le public et les critiques prêtent trop souvent aux
 
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