I 20
L'ART.
décerne la plus envie'e des récompenses, bien due assurément
à l'un des précurseurs de notre glorieuse école moderne. »
— Le 24 octobre, a eu lieu, à Angers, l'inauguration de la
statue de David, œuvre du sculpteurLouis Noël. MM. Barthélémy
Saint-Hilaire, ministre des Affaires étrangères, Edmond Tur-
quet, sous-secrétaire d'État aux Beaux-Arts, et le général de
Galliffet, relevaient par leur présence l'éclat de cette solennité.
La place dont nous disposons ici ne nous permet pas, à
notre grand regret, de reproduire tout ce qui a été dit à cette
occasion, mais nous ne pouvons cependant résister au désir de
donner à nos lecteurs un ou deux des passages les plus saillants
du remarquable discours de M. Turquct qui, après avoir dit les
débuts pénibles de David et dépeint sa lutte courageuse contre
l'adversité, a caractérisé ainsi l'artiste :
« Il prend au passé ses enseignements, mais sa puissante
imagination transforme ce que son esprit s'assimile, et il rêve
pour la France un art nouveau dont il sera le créateur, et qui
deviendra notre grand art national!
« David, en effet, domine ses contemporains de toute la hau-
teur de son génie. La hardiesse de son œuvre n'a d'égale que
la simplicité de ses règles.
« L'étude de l'homme l'absorbe tout entier. Par elle, il em-
brasse d'un regard la société, la patrie. Avec elle, il glorifie tout
ce qu'il y a de vraiment noble : l'intelligence, le dévouement, le
courage, la vertu, le travail, le patriotisme, la liberté!
« Il grave l'homme tout entier en traits indélébiles.
« Grandissant tout ce qu'il touche, son ciseau vigoureux
fait revivre les noms les plus illustres; il immortalise leur sou-
venir en léguant leur image à l'admiration des générations.
« Condé, Corneille, Cuvier, Bichat, La Fayette, Gcethe,
Gutcnberg, ces gloires de la France et du monde, palpitent
encore sous le marbre taillé par lui....
« Sa vie tout entière est une. Une seule idée le domine,
qu'il caresse et qu'il chérit, celle de la patrie.
« Il garde son image toujours présente à ses yeux; qu'il
souffre, qu'il médite, qu'il enseigne, c'est le patriotisme qui
illumine ses pensées comme il rayonne à travers tous ses actes. »
M. Turquct a terminé en ces termes, examinant l'homme
après avoir apprécié l'artiste :
« Tel il se montre dans son art, tel il demeure devant ses
concitoyens. C'est la même fierté native, le même esprit d'indé-
pendance, rehaussé encore par cette bienveillance naturelle qui
le portait à être le protecteur de tous ceux qui souffrent.
« Génie vraiment démocratique, David aimait le peuple
auquel il voulait, dans son enthousiasme, que l'Assemblée cons-
tituante élevât une statue, et il travailla toujours pour son
enseignement.
« Il était bien le fils de cette Révolution pour laquelle son
père l'avait jadis conduit sur les champs de bataille, et s'il aima
dans ses œuvres en rappeler les étapes glorieuses, il ne permit
jamais au temps d'affaiblir les généreuses idées que sa jeunesse
y avait puisées.
« Né avec la liberté, il lui voua dès le premier jour un culte
qui ne se démentit jamais.
« Au milieu des incertitudes et des défaillances de son
siècle, il sut garder la foi de ses premiers ans. et jusqu'à la mort
il crut que la liberté était éternelle et qu'elle aurait le dernier
mot dans les luttes de la politique.
« Il avait raison, l'illustre patriote, d'avoir foi dans l'avenir
de son pays.
« Aujourd'hui, comme au jour de ses premières années, la
France est en possession de son indépendance.
« Mais le temps des guerres et des luttes civiles n'est plus.
Tout cela s'est évanoui comme un mauvais rêve, et il ne reste
du passé que les institutions qu'il a enfantées.
« La Révolution, un instant arrêtée dans son cours, a
repris sa marche en avant. Aujourd'hui comme alors, elle
poursuit son œuvre pacifique, le développement progressif de
nos libertés, l'affermissement de nos institutions républicaines.
« Il appartenait à notre époque, messieurs, il appartenait à
la France républicaine de rendre un suprême hommage à celui
qui n'a jamais désespéré du règne de la liberté.
« Déjà l'histoire a buriné son nom en lettres d'or sur le
livre des siècles.
« Le bronze de Louis Noël, que le maître n'eût pas désa-
voue, immortalisera ses traits, et David d'Angers restera la per-
sonnification la plus élevée de la puissance du génie, fécondé
par l'amour de la patrie. »
— Le 24 octobre, M. Cochery, ministre des Postes et Télé-
graphes, a présidé la cérémonie d'inauguration du buste de
l'amiral de Coligny à Châtillon-sur-Loing.
— M. Massenet travaille à la partition d'ua Werther en
quatre actes qui sera représenté à l'Opéra-Comique.
—. M. Eugène Diaz, dont la Coupe du roi de Thulé est restée
pendant quelque temps sur.l'affiche de l'Académie nationale de
Musique, grâce surtout à la façon magistrale dont M. Faure y
tenait un des rôles, M. Eugène Diaz a terminé la partition
d'un Benvenuto Cellini, grand opéra en cinq actes de M. Gaston
Hirsch, et s'occupe d'un opéra-comique en trois actes, paroles
du même auteur, en collaboration avec M. Georges Duval.
NÉCROLOGIE
— Un peintre de genre justement apprécié et qui avait
été décoré à la suite du Salon de 1861, M. Alexandre
Guillemin vient de mourir presque subitement, à l'âge de
soixante-deux ans, dans la retraite qu'il s'était choisie
depuis de longues années, sur la lisière de la forêt de Fon-
tainebleau, à Bois-le-Roi, dont il était un des conseillers
municipaux.
— Le peintre d'histoire Henri Schown vient de mou-
rir à Montigny-sur-Loing.
Schopin avait obtenu le prix de Rome en 1831 et, plus
tard, il justifia ses premiers succès par des œuvres qui lui
valurent la croix de la Légion d'honneur en 1854 et le
titre de membre de l'Académie impériale de Russie.
Parmi les principales toiles de Schopin, on cite :
Charles IX signant l'acte de la Saint-Barthélemy,
Jean-Baptiste prêchant dans le désert, Ruth et Booj, Moïse
sauvé des eaux,Virginie au bain, Don Quichotte et les filles
d'auberge, etc., etc.
Schopin était né à Lubeck, le 12 juin 1804, de parents
français.
Le Directeur-Gérant : EUGÈNE VÉRON.
L'ART.
décerne la plus envie'e des récompenses, bien due assurément
à l'un des précurseurs de notre glorieuse école moderne. »
— Le 24 octobre, a eu lieu, à Angers, l'inauguration de la
statue de David, œuvre du sculpteurLouis Noël. MM. Barthélémy
Saint-Hilaire, ministre des Affaires étrangères, Edmond Tur-
quet, sous-secrétaire d'État aux Beaux-Arts, et le général de
Galliffet, relevaient par leur présence l'éclat de cette solennité.
La place dont nous disposons ici ne nous permet pas, à
notre grand regret, de reproduire tout ce qui a été dit à cette
occasion, mais nous ne pouvons cependant résister au désir de
donner à nos lecteurs un ou deux des passages les plus saillants
du remarquable discours de M. Turquct qui, après avoir dit les
débuts pénibles de David et dépeint sa lutte courageuse contre
l'adversité, a caractérisé ainsi l'artiste :
« Il prend au passé ses enseignements, mais sa puissante
imagination transforme ce que son esprit s'assimile, et il rêve
pour la France un art nouveau dont il sera le créateur, et qui
deviendra notre grand art national!
« David, en effet, domine ses contemporains de toute la hau-
teur de son génie. La hardiesse de son œuvre n'a d'égale que
la simplicité de ses règles.
« L'étude de l'homme l'absorbe tout entier. Par elle, il em-
brasse d'un regard la société, la patrie. Avec elle, il glorifie tout
ce qu'il y a de vraiment noble : l'intelligence, le dévouement, le
courage, la vertu, le travail, le patriotisme, la liberté!
« Il grave l'homme tout entier en traits indélébiles.
« Grandissant tout ce qu'il touche, son ciseau vigoureux
fait revivre les noms les plus illustres; il immortalise leur sou-
venir en léguant leur image à l'admiration des générations.
« Condé, Corneille, Cuvier, Bichat, La Fayette, Gcethe,
Gutcnberg, ces gloires de la France et du monde, palpitent
encore sous le marbre taillé par lui....
« Sa vie tout entière est une. Une seule idée le domine,
qu'il caresse et qu'il chérit, celle de la patrie.
« Il garde son image toujours présente à ses yeux; qu'il
souffre, qu'il médite, qu'il enseigne, c'est le patriotisme qui
illumine ses pensées comme il rayonne à travers tous ses actes. »
M. Turquct a terminé en ces termes, examinant l'homme
après avoir apprécié l'artiste :
« Tel il se montre dans son art, tel il demeure devant ses
concitoyens. C'est la même fierté native, le même esprit d'indé-
pendance, rehaussé encore par cette bienveillance naturelle qui
le portait à être le protecteur de tous ceux qui souffrent.
« Génie vraiment démocratique, David aimait le peuple
auquel il voulait, dans son enthousiasme, que l'Assemblée cons-
tituante élevât une statue, et il travailla toujours pour son
enseignement.
« Il était bien le fils de cette Révolution pour laquelle son
père l'avait jadis conduit sur les champs de bataille, et s'il aima
dans ses œuvres en rappeler les étapes glorieuses, il ne permit
jamais au temps d'affaiblir les généreuses idées que sa jeunesse
y avait puisées.
« Né avec la liberté, il lui voua dès le premier jour un culte
qui ne se démentit jamais.
« Au milieu des incertitudes et des défaillances de son
siècle, il sut garder la foi de ses premiers ans. et jusqu'à la mort
il crut que la liberté était éternelle et qu'elle aurait le dernier
mot dans les luttes de la politique.
« Il avait raison, l'illustre patriote, d'avoir foi dans l'avenir
de son pays.
« Aujourd'hui, comme au jour de ses premières années, la
France est en possession de son indépendance.
« Mais le temps des guerres et des luttes civiles n'est plus.
Tout cela s'est évanoui comme un mauvais rêve, et il ne reste
du passé que les institutions qu'il a enfantées.
« La Révolution, un instant arrêtée dans son cours, a
repris sa marche en avant. Aujourd'hui comme alors, elle
poursuit son œuvre pacifique, le développement progressif de
nos libertés, l'affermissement de nos institutions républicaines.
« Il appartenait à notre époque, messieurs, il appartenait à
la France républicaine de rendre un suprême hommage à celui
qui n'a jamais désespéré du règne de la liberté.
« Déjà l'histoire a buriné son nom en lettres d'or sur le
livre des siècles.
« Le bronze de Louis Noël, que le maître n'eût pas désa-
voue, immortalisera ses traits, et David d'Angers restera la per-
sonnification la plus élevée de la puissance du génie, fécondé
par l'amour de la patrie. »
— Le 24 octobre, M. Cochery, ministre des Postes et Télé-
graphes, a présidé la cérémonie d'inauguration du buste de
l'amiral de Coligny à Châtillon-sur-Loing.
— M. Massenet travaille à la partition d'ua Werther en
quatre actes qui sera représenté à l'Opéra-Comique.
—. M. Eugène Diaz, dont la Coupe du roi de Thulé est restée
pendant quelque temps sur.l'affiche de l'Académie nationale de
Musique, grâce surtout à la façon magistrale dont M. Faure y
tenait un des rôles, M. Eugène Diaz a terminé la partition
d'un Benvenuto Cellini, grand opéra en cinq actes de M. Gaston
Hirsch, et s'occupe d'un opéra-comique en trois actes, paroles
du même auteur, en collaboration avec M. Georges Duval.
NÉCROLOGIE
— Un peintre de genre justement apprécié et qui avait
été décoré à la suite du Salon de 1861, M. Alexandre
Guillemin vient de mourir presque subitement, à l'âge de
soixante-deux ans, dans la retraite qu'il s'était choisie
depuis de longues années, sur la lisière de la forêt de Fon-
tainebleau, à Bois-le-Roi, dont il était un des conseillers
municipaux.
— Le peintre d'histoire Henri Schown vient de mou-
rir à Montigny-sur-Loing.
Schopin avait obtenu le prix de Rome en 1831 et, plus
tard, il justifia ses premiers succès par des œuvres qui lui
valurent la croix de la Légion d'honneur en 1854 et le
titre de membre de l'Académie impériale de Russie.
Parmi les principales toiles de Schopin, on cite :
Charles IX signant l'acte de la Saint-Barthélemy,
Jean-Baptiste prêchant dans le désert, Ruth et Booj, Moïse
sauvé des eaux,Virginie au bain, Don Quichotte et les filles
d'auberge, etc., etc.
Schopin était né à Lubeck, le 12 juin 1804, de parents
français.
Le Directeur-Gérant : EUGÈNE VÉRON.