EXPOSITION DE CLERMONT.
d'eux les fidèles de'sireux de recevoir leur enseignement. Ce qu'il
y a de sûr, c'est que ces clochettes, devenues par la suite des
objets ve'ne're's, ont e'té fréquemment enchâssées dans de riches
montures d'orfèvrerie, d'un style tout à fait spécial et dont
l'équivalent ne se trouve guère dans les autres pays. Des entre-
lacs très ingénieusement combinés, comme ceux qu'on retrouve
sur les manuscrits de la même époque, constituent l'ornementa-
tion de ces reliquaires, dont la forme suit toujours assez exacte-
ment celle des clochettes sur lesquels ils sont adaptés. Le Britis'i
Muséum possède plusieurs de ces joyaux religieux, qui se ren-
contrent également dans plusieurs autres collections anglaises,
mais on n'en trouve guère dans celles du continent.
Plusieurs abbayes, notamment celle de Saint-Alban, près de
Londres, avaient des ateliers dans lesquels les moines faisaient
de l'orfèvrerie religieuse. On sait que l'orfèvrerie anglaise, du
xii° au xv° siècle, ne le cédait à celle d'aucun pays d'Europe à la
même époque, mais la révolution religieuse qui a transformé ce
pays a été tellement radicale dans ses principes et tellement vio-
lente dans ses actes, qu'il n'est presque rien resté des immenses
travaux accomplis par les moines. On le voit à la rareté des pro-
duits anglais se rattachant à cette période, rareté qu'il est facile
de constater, non seulement dans les expositions rétrospectives
qui se font en Europe, mais même dans celles qui ont eu lieu en
Angleterre. C'est presque uniquement à l'aide des descriptions'
écrites, que l'on peut présumer ce qu'était au moyen âge l'orfè-
vrerie religieuse des Anglais, et il ne semble pas, en mettant à
part les pièces irlandaises dont nous avons parlé, qu'elle ait
dû être bien différente de celle qui se fabriquait sur le continent.
René Ménaud.
[I.a S'tite prochainement.)
EXPOSITION DE CLERMONT
ART ANTIQUE
Une exposition d'Art antique devait offrir, dans la vieille
province d'Auvergne, d'incalculables trésors. Bien des civilisa-
tions se sont succédé sur son sol ; bien des luttes ont été enga-
gées, bien des dépouilles laissées par les vainqueurs et les vaincus !
Que l'épaisseur du sol en ait recouvert les vestiges, ou que la
main des survivants les ait recueillis pour les transmettre aux
descendants inconnus, ils n'ont point abandonné le pays. Autels
gaulois et temples romains, sépultures païennes et tombeaux
chrétiens, camps de Vercingétorix et sanctuaire de Mercure
Domien, basiliques primitives aux lambris de bois, chapelles
romaines aux murs de mosaïque, églises gothiques étayées par
cette foi qui faisait des miracles plus que par leurs colonnes
sveltes, châteaux forts du xmc siècle, Murols, Tournoé'l, Mau-
zum, hôtels seigneuriaux du xv° siècle, dont les porches larges
et surbaissés s'ouvrent encore dans les rues étroites de Clermont,
maisons d'échevins, de consuls ou de conseillers nu présidial,
dressant comme une aigrette sur leurs tètes massives un pignon
à colonnettes, cachaient dans leurs flancs des richesses variées.
Notre siècle se prit à aimer toutes ces choses, que le siècle pré-
cédent appelait « vieilleries », et dont il eût dit volontiers comme
le président de Brosses des fresques du Campo Santo de Pise,
qu'elles étaient « fort bizarres, fort ridicules et parfaitement
mauvaises », et les amateurs devinrent nombreux. Ils se firent
des musées où l'antiquité gauloise coudoyait le moyen âge, où
les statuettes païennes se heurtaient aux reliquaires chrétiens.
Epées et bracelets de l'âge de fer, cratères en poterie samienne,
bagues gallo-romaines, monnaies gauloises au cheval, inscrip-
tions et chapiteaux du i01' siècle , évangéliaires carolingiens à
reliures d'ivoire, châsses émaillées du xiii0 siècle, faïences de
vieux Clermont, de vieux Moutiers, de vieux Lczoux, arches
de mariage en cuir gaufré, bahuts gothiques aux portes finement
découpées, étendards et armes de huguenots et de ligueurs,
tapisseries d'or et de soie richement peintes, mille reliques que
j'oublie, composèrent les collections particulières.
Comme â l'exposition d'art antique de Turin, cette année
même, ce sont ces collections particulières qu'on nous conviait
à voir réunies dans les salles spacieuses de la Halle au blé de
Clermont.
Dans la première, appelée je ne sais pourquoi Salle romaine,
car on y rencontre des cailloux et des armes préhistoriques, des
objets étrusques et gaulois, des faïences françaises du xvic siècle,
je signale particulièrement aux artistes, aux lecteurs de l'Art,
les collections de MM. Compagnon, Fabre, Plicque et Cohendy.
— Dans la vitrine du premier, de très beaux vases de terre
rouge vernie, à pâte fine, à cassures arrêtées, qu'on fabriquait
en Auvergne aux abords de l'ère chrétienne, et que les savant ;
connaissent sous le nom de poterie samienne. Je remarque sur
un vase funéraire une lutte de belluaires contre des animaux
sauvages, détachée en relief sur le fond monochrome, très finie
de détails, très nette de modelé, rappelant la décoration des
urnes archaïques qu'on trouve à Fiesole et près d'Arezzo. — J'ai
peine à croire que les séduisantes figurines de terre cuite qu'ex-
pose M. Fabre, ces danseuses, ces femmes debout et pensives
comme Thalie, en chitôn ou en pallium, cette Vénus anadyomène
surtout, naissant d'une coquille entr'ouverte, viennent de fouilles
locales; elles offrent une ressemblance trop étroite avec les sta-
tuettes d'Asie Mineure qui sont au Louvre, exécutées à l'imita-
tion des statuettes de Tanagrn. — Les fragments d'une « ceinture
mérovingienne en fer et en bronze argentés » méritent une
attention toute particulière; l'exposition d'art antique de Turin
en présentait de fort semblables, découverts dans la nécro-
pole d'une peuplade d'origine franque, près de Testona. L'em-
barras était grand entre les savants pour déterminer à quel'e
nation, Sarmates, Francs, Lombards, et à quel siècle il fallait
les attribuer. Suivant l'avis du plus grand nombre, leur fabii-
cation devait se placer entre le iv° et le vin0 siècle, et la
peuplade était lombarde. N'écrivant point un mémoire pour
l'Académie des Inscriptions, je signale la ressemblance, sans pré-
tendre en tirer des conséquences.
Passons devant les statuettes et les attributs de Mercure qui
forment la meilleure partie des envois de M. Jusserand, la sépul-
ture gallo-romaine de M. Oranger, les fioles irisées, monnaies
romaines superbement patinées, bracelets et agrafes de M. Co-
hendy, les armoires à faïences où, avec une fantaisie un peu
choquante pour le connaisseur, mais chatoyante et gaie pour
l'artiste, l'hispano-moresquc est heurté par le Nevers polychrome,
et le carreau de M1"0 de Montespan par un pot de phar-
macie, — et gagnons la salle du Moyen Age.
Ici surtout la collection de M. Compagnon a pris le haut du
pavé. C'est à lui qu'appartient cette tète de Christ, en bois, de
grandeur naturelle, fragment d'un crucifix du xin° siècle, œuvre
excellente et rare de l'école française; nous ne voyons guère en
Italie que la tète fameuse du Christ de Chioggia qui puisse lui
être opposée. A lui cette bannière du xve siècle qui provient du
château de Granson et a appartenu, dit-on, â Charles le Témé-
raire ; cet équipement d'archer appliqué contre la muraille,
comme une sentinelle pour garder le drapeau voisin ; ces deux
casques Henri II gravés, ciselés et dorés, faits pour abriter de
puissantes tètes. A lui, enfin, le coffret de mariage du xvn° siècle,
gaufré, frappé, damasquiné, avec des encoignures de cuivre
doré. Peut-être a-t-il contenu, cadeau nuptial, ces larges
d'eux les fidèles de'sireux de recevoir leur enseignement. Ce qu'il
y a de sûr, c'est que ces clochettes, devenues par la suite des
objets ve'ne're's, ont e'té fréquemment enchâssées dans de riches
montures d'orfèvrerie, d'un style tout à fait spécial et dont
l'équivalent ne se trouve guère dans les autres pays. Des entre-
lacs très ingénieusement combinés, comme ceux qu'on retrouve
sur les manuscrits de la même époque, constituent l'ornementa-
tion de ces reliquaires, dont la forme suit toujours assez exacte-
ment celle des clochettes sur lesquels ils sont adaptés. Le Britis'i
Muséum possède plusieurs de ces joyaux religieux, qui se ren-
contrent également dans plusieurs autres collections anglaises,
mais on n'en trouve guère dans celles du continent.
Plusieurs abbayes, notamment celle de Saint-Alban, près de
Londres, avaient des ateliers dans lesquels les moines faisaient
de l'orfèvrerie religieuse. On sait que l'orfèvrerie anglaise, du
xii° au xv° siècle, ne le cédait à celle d'aucun pays d'Europe à la
même époque, mais la révolution religieuse qui a transformé ce
pays a été tellement radicale dans ses principes et tellement vio-
lente dans ses actes, qu'il n'est presque rien resté des immenses
travaux accomplis par les moines. On le voit à la rareté des pro-
duits anglais se rattachant à cette période, rareté qu'il est facile
de constater, non seulement dans les expositions rétrospectives
qui se font en Europe, mais même dans celles qui ont eu lieu en
Angleterre. C'est presque uniquement à l'aide des descriptions'
écrites, que l'on peut présumer ce qu'était au moyen âge l'orfè-
vrerie religieuse des Anglais, et il ne semble pas, en mettant à
part les pièces irlandaises dont nous avons parlé, qu'elle ait
dû être bien différente de celle qui se fabriquait sur le continent.
René Ménaud.
[I.a S'tite prochainement.)
EXPOSITION DE CLERMONT
ART ANTIQUE
Une exposition d'Art antique devait offrir, dans la vieille
province d'Auvergne, d'incalculables trésors. Bien des civilisa-
tions se sont succédé sur son sol ; bien des luttes ont été enga-
gées, bien des dépouilles laissées par les vainqueurs et les vaincus !
Que l'épaisseur du sol en ait recouvert les vestiges, ou que la
main des survivants les ait recueillis pour les transmettre aux
descendants inconnus, ils n'ont point abandonné le pays. Autels
gaulois et temples romains, sépultures païennes et tombeaux
chrétiens, camps de Vercingétorix et sanctuaire de Mercure
Domien, basiliques primitives aux lambris de bois, chapelles
romaines aux murs de mosaïque, églises gothiques étayées par
cette foi qui faisait des miracles plus que par leurs colonnes
sveltes, châteaux forts du xmc siècle, Murols, Tournoé'l, Mau-
zum, hôtels seigneuriaux du xv° siècle, dont les porches larges
et surbaissés s'ouvrent encore dans les rues étroites de Clermont,
maisons d'échevins, de consuls ou de conseillers nu présidial,
dressant comme une aigrette sur leurs tètes massives un pignon
à colonnettes, cachaient dans leurs flancs des richesses variées.
Notre siècle se prit à aimer toutes ces choses, que le siècle pré-
cédent appelait « vieilleries », et dont il eût dit volontiers comme
le président de Brosses des fresques du Campo Santo de Pise,
qu'elles étaient « fort bizarres, fort ridicules et parfaitement
mauvaises », et les amateurs devinrent nombreux. Ils se firent
des musées où l'antiquité gauloise coudoyait le moyen âge, où
les statuettes païennes se heurtaient aux reliquaires chrétiens.
Epées et bracelets de l'âge de fer, cratères en poterie samienne,
bagues gallo-romaines, monnaies gauloises au cheval, inscrip-
tions et chapiteaux du i01' siècle , évangéliaires carolingiens à
reliures d'ivoire, châsses émaillées du xiii0 siècle, faïences de
vieux Clermont, de vieux Moutiers, de vieux Lczoux, arches
de mariage en cuir gaufré, bahuts gothiques aux portes finement
découpées, étendards et armes de huguenots et de ligueurs,
tapisseries d'or et de soie richement peintes, mille reliques que
j'oublie, composèrent les collections particulières.
Comme â l'exposition d'art antique de Turin, cette année
même, ce sont ces collections particulières qu'on nous conviait
à voir réunies dans les salles spacieuses de la Halle au blé de
Clermont.
Dans la première, appelée je ne sais pourquoi Salle romaine,
car on y rencontre des cailloux et des armes préhistoriques, des
objets étrusques et gaulois, des faïences françaises du xvic siècle,
je signale particulièrement aux artistes, aux lecteurs de l'Art,
les collections de MM. Compagnon, Fabre, Plicque et Cohendy.
— Dans la vitrine du premier, de très beaux vases de terre
rouge vernie, à pâte fine, à cassures arrêtées, qu'on fabriquait
en Auvergne aux abords de l'ère chrétienne, et que les savant ;
connaissent sous le nom de poterie samienne. Je remarque sur
un vase funéraire une lutte de belluaires contre des animaux
sauvages, détachée en relief sur le fond monochrome, très finie
de détails, très nette de modelé, rappelant la décoration des
urnes archaïques qu'on trouve à Fiesole et près d'Arezzo. — J'ai
peine à croire que les séduisantes figurines de terre cuite qu'ex-
pose M. Fabre, ces danseuses, ces femmes debout et pensives
comme Thalie, en chitôn ou en pallium, cette Vénus anadyomène
surtout, naissant d'une coquille entr'ouverte, viennent de fouilles
locales; elles offrent une ressemblance trop étroite avec les sta-
tuettes d'Asie Mineure qui sont au Louvre, exécutées à l'imita-
tion des statuettes de Tanagrn. — Les fragments d'une « ceinture
mérovingienne en fer et en bronze argentés » méritent une
attention toute particulière; l'exposition d'art antique de Turin
en présentait de fort semblables, découverts dans la nécro-
pole d'une peuplade d'origine franque, près de Testona. L'em-
barras était grand entre les savants pour déterminer à quel'e
nation, Sarmates, Francs, Lombards, et à quel siècle il fallait
les attribuer. Suivant l'avis du plus grand nombre, leur fabii-
cation devait se placer entre le iv° et le vin0 siècle, et la
peuplade était lombarde. N'écrivant point un mémoire pour
l'Académie des Inscriptions, je signale la ressemblance, sans pré-
tendre en tirer des conséquences.
Passons devant les statuettes et les attributs de Mercure qui
forment la meilleure partie des envois de M. Jusserand, la sépul-
ture gallo-romaine de M. Oranger, les fioles irisées, monnaies
romaines superbement patinées, bracelets et agrafes de M. Co-
hendy, les armoires à faïences où, avec une fantaisie un peu
choquante pour le connaisseur, mais chatoyante et gaie pour
l'artiste, l'hispano-moresquc est heurté par le Nevers polychrome,
et le carreau de M1"0 de Montespan par un pot de phar-
macie, — et gagnons la salle du Moyen Age.
Ici surtout la collection de M. Compagnon a pris le haut du
pavé. C'est à lui qu'appartient cette tète de Christ, en bois, de
grandeur naturelle, fragment d'un crucifix du xin° siècle, œuvre
excellente et rare de l'école française; nous ne voyons guère en
Italie que la tète fameuse du Christ de Chioggia qui puisse lui
être opposée. A lui cette bannière du xve siècle qui provient du
château de Granson et a appartenu, dit-on, â Charles le Témé-
raire ; cet équipement d'archer appliqué contre la muraille,
comme une sentinelle pour garder le drapeau voisin ; ces deux
casques Henri II gravés, ciselés et dorés, faits pour abriter de
puissantes tètes. A lui, enfin, le coffret de mariage du xvn° siècle,
gaufré, frappé, damasquiné, avec des encoignures de cuivre
doré. Peut-être a-t-il contenu, cadeau nuptial, ces larges