Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 4)

DOI article:
Yriarte, Charles: Florence
DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.18610#0198

DWork-Logo
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
182

L'ART.

C'est la seconde période, fortunée entre toutes, celle qui verra réunis sous les mêmes ombrages,
autour de Cosme Père de la Patrie et de Laurent le Magnifique, des savants comme Marcile Ficin,
Politien, Pic de la Mirandole, Cristoforo Landino, Baccio Ugolini, Rinuccini, les deux Acciajuoli;
et des artistes comme Brunelleschi, Michelozzo Michelozzi, Donatello, Léon Batista Alberti ; des
hommes de génie, des secrétaires de la République comme Leonardo Bruni Aretino, Machiavel
et Carlo Marsuppini.

Au moment du siège de Florence (i53o), l'épanouissement est complet; mais, à part Galilée
qui trouvera plus tard des vérités nouvelles, tous les grands novateurs sont déjà couchés dans la
tombe. Michel-Ange sur son bastion, fortifiant Florence et défendant San Miniato, symbolise le
génie florentin luttant pour son indépendance et sa liberté contre Charles-Quint. Lorsque la ville
ouvre ses portes, c'en est fait de la République, et les grands jours sont passés.

Le xvie siècle est fécond encore ; il est tumultueux, vivant, abondant, excessif, plus mouvementé
et plus inquiet que le xvc; toujours avide de savoir et d'apprendre, il produit sans compter, et
il enfante des œuvres sans en supputer le nombre ; mais il a perdu l'admirable conscience et la
foi ardente, le recueillement, la profondeur infinie et l'abnégation sans prix du siècle qui l'a
précédé. Jean de Bologne à la fièfe tournure, Bcnvenuto lui-même, tapageur, élégant, cavalier
d'allure, bretteur raffiné au ciseau exquis, condottière égaré dans la carrière de l'art, partisan
bavard et éloquent, plein cle feu, plein de vie, plein de générosité et de forfanterie, artiste
jusqu'au crime, bizarre assemblage enfin de toutes les qualités et les défauts de son temps, ne
nous fera jamais oublier le doux Desiderio, le tendre Mino, et le Donatello, étrange parfois mais
toujours grand, toujours nouveau, savoureux et fort; ayant le don de la vie sans tumulte et sans
exagération, grave et grandiose à ses heures avec le Saint Georges, aimable et vivant dans les
bas-reliefs du Pulpito, terriblement dramatique à Padoue, épique lorsqu'il veut l'être ; suave et
charmant enfin lorsque, dans un recueillement plein d'extase, il fait s'accouder un ange sur
quelque mausolée de marbre.

C'est cette première période, du xm° siècle à la chute de la République, qui a été ici l'objet
de notre prédilection ; personne ne s'en étonnera. D'ailleurs, depuis une vingtaine d'années, on
semble avoir compris qu'à part deux ou trois grandes figures qui sont la synthèse du génie
humain, et qui s'épanouissent à l'entrée du xvie siècle, en Italie,, l'humanité dit presque tous ses
secrets depuis le Dante jusqu'à la mort de Michel-Ange et de Léonard. Mais si les chroniqueurs
contemporains nous ont tout dit sur les grandes personnalités littéraires et philosophiques,
l'histoire cle l'art est à son aurore; c'est à peine si on vient de découvrir Benozzo Gozzoli, Lippi,
Memmi, Pollaiolo, Pierro délia Francesca, Botticelli, Baccio Balclini, Pisanello, Finiguerra,
Benecletto da Maïano, Michelozzo, Desiderio et leurs contemporains; et les œuvres elles-mêmes
sont encore inédites aux lieux qui les ont vu naître.

La période qui commence au premier grand-duc de Toscane Cosme F'', pour finir à Jean
Gaston, n'a pas été sans gloire pour Florence. Si les personnalités sont moindres et si on a vu,
à un Médicis comme Laurent le Magnifique, succéder un prince chargé de forfaits, comme Cosme,
il y a cependant une force d'impulsion acquise, une tradition d'illustration, un mouvement de sève
qui se continue et qui produit des fleurs et des fruits. Jusque clans le dernier des hommes de
cette race, il y a encore une lueur d'illustration intellectuelle, un appétit de savoir, une étincelle
de feu sacré, et une certaine conscience de la responsabilité vis-à-vis de la postérité, qui le porte
à léguer à sa patrie des trésors d'art, preuves évidentes de sa magnificence, cle son savoir ou
cle son goût. Enfin, parfois aussi, même au déclin, on voit un de ces éclairs du génie florentin
jaillir soudainement du foyer prêt à s'éteindre. Dans une fête ou dans des funérailles, on
retrouvera la manifestation de ce génie abondant et facile des littérateurs et des artistes, et la
décadence de Florence avec l'académie du Cimento pourrait tenir lieu d'une renaissance à certains
peuples déshérités.

Les Médicis ont incarné en eux le génie de Florence ; il fallait donc écrire l'histoire de ces
princes marchands qui ont mérité de donner deux fois leur nom à leur siècle : avec Cosme et
Laurent à Florence, avec Léon X à Rome
 
Annotationen