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sont assez rares. A Saint-Paul même, il y avait déjà en 185:7, lorsque le doyen fit connaître ses
scrupules, deux exemples de ce genre : le monument de Sir Ralph Abcrcromby, où un cheval
tient une place bien plus importante que dans l'oeuvre de Stevens; puis, presque en face de la
chapelle de Wellington, un bas-relief en l'honneur de Sir Arthur Torrins représente ce général,
non seulement à cheval, mais encore dirigeant une charge contre l'ennemi. Avec de tels précé-
dents sous les yeux, il n'est pas nécessaire d'aller à Vérone, à. Rouen, ni même à l'abbaye de
Westminster, pour voir que les difficultés soulevées par le doyen Milman étaient aussi originales
que déraisonnables. On ne comprend guère comment un sentiment de ce genre a pu dominer
l'intelligence si pénétrante de cet historien respecté. Nous croyons qu'en dehors de toutes
considérations esthétiques, le doyen aurait pu se trouver satisfait de la conception profondément
religieuse de ce monument. Car si les symboles de gloire et la personnification des vertus qui
ont élevé le duc de Wellington au-dessus de ses contemporains rappellent les mérites de
l'homme et l'énergie du guerrier, cette tombe, n'en ramène pas moins l'esprit avec une irrésistible
puissance au sentiment de l'immortalité chrétienne.
On a critiqué assez vivement le choix définitif de l'emplacement destiné à recevoir le monu-
ment; on a soutenu, peut-être sans preuves suffisantes, que Stevens s'était résolument opposé
à son érection dans la cour du Consistoire de la cathédrale. Le premier emplacement proposé
eût donné une meilleure vue de l'ensemble; mais, à d'autres points de vue, il eût sans doute
été beaucoup moins avantageux, et telle en effet fut l'opinion bien arrêtée du sculpteur. Dans le
récit qû'il a fait de ses négociations avec le Bureau des Travaux, il mentionne le changement
sans le désapprouver, il ajoute que cette mesure fut résolue uniquement parce que la décoration
de la chapelle, mise en harmonie avec le monument, devait produire un effet bien plus riche
que celui qu'on pouvait obtenir ailleurs. Une autre considération vaut la peine qu'on ne la perde
pas de vue : l'érection d'un monument aussi énorme sous l'un des grands arceaux de la nef eût
divisé l'église en parties inégales, et inégalement décorées. Cette absence de symétrie, de peu
d'importance peut-être dans une construction gothique, eût beaucoup enlevé à Saint-Paul de
son caractère monumental.
Notre illustration, représentant le modèle du concours, donnera à ceux qui ne peuvent aller voir
le monument une idée très suffisante du dessin et du plan de l'ensemble. Beaucoup de détails
furent changés, dans les seize années que Stevens consacra à son oeuvre; mais le plan général
resta le même. Les modifications portèrent surtout sur la partie architecturale. Ajoutons que, si
la plupart du temps les artistes, par leurs changements, gâtent leur travail, ce fut tout le
contraire dans ce cas particulier. Nous avons vu une série de photographies du modèle, prises
dans l'atelier à différentes époques ; elles nous montrent des améliorations constantes. Certains
critiques ont dit que les motifs de cette œuvre ont été empruntes tour à tour à divers chefs-
d'œuvre italiens. On cite principalement le tombeau qui est dans le chœur de San Giovanni e Paolo,
à Venise. Ce tombeau, comme le cénotaphe de Wellington, se compose d'un sarcophage sup-
portant une figure couchée, et surmonté d'un baldaquin. 11 y a aussi une similitude de sentiments
assez frappante dans les petits détails d'architecture; mais la ressemblance s'arrête là. Dans tout
ce qui fait la grandeur du monument il est impossible de retrouver une réminiscence italienne.
L'auteur du monument de Venise montre, par l'exécution des détails, qu'il ne manquait ni de
goût ni d'habileté, les proportions de l'architecture sont excellentes et d'une grâce parfaite ; mais
rien ne rappelle la puissance synthétique supérieure de Stevens, qui force tous les détails à se
combiner en vue de l'expression d'une grande idée générale, bien nettement définie. Dans l'œuvre
italienne le sarcophage et la figure sont parfaits, aussi bien que les statues qui les entourent,
mais il serait fort difficile, sinon impossible, de trouver le lien commun qui les unissait clans
l'esprit de l'artiste. Or, s'il est, dans le monument de Wellington, une qualité spécialement
remarquable, c'est l'unité, qui n'est en somme que le synonyme du style. Détails de construction
et d'ornementation, grandes lignes architecturales, tout nous ramène a 1 idée dominante; la
pensée de l'artiste se retrouve dans les moindres choses et nous parle plus clairement que ne
pourrait le faire le langage même. On a dit aussi que la tombe des Scaliger, à Vérone, pourrait
sont assez rares. A Saint-Paul même, il y avait déjà en 185:7, lorsque le doyen fit connaître ses
scrupules, deux exemples de ce genre : le monument de Sir Ralph Abcrcromby, où un cheval
tient une place bien plus importante que dans l'oeuvre de Stevens; puis, presque en face de la
chapelle de Wellington, un bas-relief en l'honneur de Sir Arthur Torrins représente ce général,
non seulement à cheval, mais encore dirigeant une charge contre l'ennemi. Avec de tels précé-
dents sous les yeux, il n'est pas nécessaire d'aller à Vérone, à. Rouen, ni même à l'abbaye de
Westminster, pour voir que les difficultés soulevées par le doyen Milman étaient aussi originales
que déraisonnables. On ne comprend guère comment un sentiment de ce genre a pu dominer
l'intelligence si pénétrante de cet historien respecté. Nous croyons qu'en dehors de toutes
considérations esthétiques, le doyen aurait pu se trouver satisfait de la conception profondément
religieuse de ce monument. Car si les symboles de gloire et la personnification des vertus qui
ont élevé le duc de Wellington au-dessus de ses contemporains rappellent les mérites de
l'homme et l'énergie du guerrier, cette tombe, n'en ramène pas moins l'esprit avec une irrésistible
puissance au sentiment de l'immortalité chrétienne.
On a critiqué assez vivement le choix définitif de l'emplacement destiné à recevoir le monu-
ment; on a soutenu, peut-être sans preuves suffisantes, que Stevens s'était résolument opposé
à son érection dans la cour du Consistoire de la cathédrale. Le premier emplacement proposé
eût donné une meilleure vue de l'ensemble; mais, à d'autres points de vue, il eût sans doute
été beaucoup moins avantageux, et telle en effet fut l'opinion bien arrêtée du sculpteur. Dans le
récit qû'il a fait de ses négociations avec le Bureau des Travaux, il mentionne le changement
sans le désapprouver, il ajoute que cette mesure fut résolue uniquement parce que la décoration
de la chapelle, mise en harmonie avec le monument, devait produire un effet bien plus riche
que celui qu'on pouvait obtenir ailleurs. Une autre considération vaut la peine qu'on ne la perde
pas de vue : l'érection d'un monument aussi énorme sous l'un des grands arceaux de la nef eût
divisé l'église en parties inégales, et inégalement décorées. Cette absence de symétrie, de peu
d'importance peut-être dans une construction gothique, eût beaucoup enlevé à Saint-Paul de
son caractère monumental.
Notre illustration, représentant le modèle du concours, donnera à ceux qui ne peuvent aller voir
le monument une idée très suffisante du dessin et du plan de l'ensemble. Beaucoup de détails
furent changés, dans les seize années que Stevens consacra à son oeuvre; mais le plan général
resta le même. Les modifications portèrent surtout sur la partie architecturale. Ajoutons que, si
la plupart du temps les artistes, par leurs changements, gâtent leur travail, ce fut tout le
contraire dans ce cas particulier. Nous avons vu une série de photographies du modèle, prises
dans l'atelier à différentes époques ; elles nous montrent des améliorations constantes. Certains
critiques ont dit que les motifs de cette œuvre ont été empruntes tour à tour à divers chefs-
d'œuvre italiens. On cite principalement le tombeau qui est dans le chœur de San Giovanni e Paolo,
à Venise. Ce tombeau, comme le cénotaphe de Wellington, se compose d'un sarcophage sup-
portant une figure couchée, et surmonté d'un baldaquin. 11 y a aussi une similitude de sentiments
assez frappante dans les petits détails d'architecture; mais la ressemblance s'arrête là. Dans tout
ce qui fait la grandeur du monument il est impossible de retrouver une réminiscence italienne.
L'auteur du monument de Venise montre, par l'exécution des détails, qu'il ne manquait ni de
goût ni d'habileté, les proportions de l'architecture sont excellentes et d'une grâce parfaite ; mais
rien ne rappelle la puissance synthétique supérieure de Stevens, qui force tous les détails à se
combiner en vue de l'expression d'une grande idée générale, bien nettement définie. Dans l'œuvre
italienne le sarcophage et la figure sont parfaits, aussi bien que les statues qui les entourent,
mais il serait fort difficile, sinon impossible, de trouver le lien commun qui les unissait clans
l'esprit de l'artiste. Or, s'il est, dans le monument de Wellington, une qualité spécialement
remarquable, c'est l'unité, qui n'est en somme que le synonyme du style. Détails de construction
et d'ornementation, grandes lignes architecturales, tout nous ramène a 1 idée dominante; la
pensée de l'artiste se retrouve dans les moindres choses et nous parle plus clairement que ne
pourrait le faire le langage même. On a dit aussi que la tombe des Scaliger, à Vérone, pourrait