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La caricature: revue morale, judiciaire, littéraire, artistique, fashionable et scénique — 1832 (Nr. 62-112)

DOI issue:
Numéro 101 (11 Octobre 1832)
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https://doi.org/10.11588/diglit.26416#0235

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- NfJMERO 101.»

Tout ce qui concerne la re'daction doit être adressé, franco,
à M. Louis Desnoyers (Dcrville), Rédacteur en chef,
au Bureau de la Caricature, galerie Yéro-Dodat,

CASTIGAT RIDEN’PO MORES.

Il

OCTOB

i

Les réclamations, abonnemens et envois d’argent doivent
être adressés, franco, au Bureau de la Caricature,
galerie Vcro-Dodat, au-dessus du grand Magasin de
Lithographies d’Aubert.


POLITIQUE ,

MORALE, LITTÉRAIRE ET SCENIQUE.

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LE DERNIER CHOLÉRIQUE ,

OU

LES DEUX CROQUE-MORTS DU CONSTITUTIONNEL.

La mortalilé était devenue si effrayante, que le Constitutionnel
jugea à propos d’attacher à sa rédaction un employé des pompes fu-
nèbres. C’était empiéter quelque peu sur les prérogatives tumulaires
de celui de ses rédacteurs déjà chargé des décès ordinaires et de la
partie nécrologique, et à qui la littérature contemporaine doit cette
phrase devenue si célèbre : «Il fujt bon fils, bon père, bon époux,
« bon citoyen. Que la terre lui soit légère! » Mais, à vrai dire, le
choléra semblait devoir procurer un tel surcroît de besogne', que
la jalousie’de métier fit bientôt place à un tendre sentiment de
confraternité. Bientôt même, ces deux grands écrivains poussèrent
la bienveillance jusqu’à-se repasser leurs morts. Le nouveau-venu
triait les siens, le soir, comme on trie des pois-chiches, et transvasait
à son collègue ceux d’entre eux qui lui paraissaient valoir quelque
épithète à part. « Voici, lui disait-il, un homme du Juste-Milieu qui
« est mort du choléra. Voyez s’il ne serait pas convenable de le faire
« mourir d’une maladie plus distinguée. — Merci, répondait l’autre.
« —Il n’y a pas de quoi, c’est tout à votre service. »

Et alors, que le défunt eût été bâtard, célibataire et valet de cour,
le rédacteur élégiaque n’en écrivait pas moins : « Il fut bon fils, bon
« père, bon époux, bon citoyen. Que la terre, etc.»

Le nécrologue, de son côté, avait pour le cholérique des procédés non
moins obligeans. Trouvait-il, dans le triage de ses décès, à lui, quel-
que honnête député mort d’unç indigestion, à la suite d’un gala mi-
nistériel, il le cédait à l’autre, par respect, disait-il, pour la mémoire
du défunt. « Mort d’indigestion! cela ferait très-mauvais effet dans le
« public! Portez-le sur votre liste de cholériques. Ce sera plus
« agréable pour sa famille et pour le gouvernement. »

Et en effet le cholérique écrivait : « M. le comte un tel a suc-
« combé cette nuit à une attaque de l’épidémie régnante, à la suite
« d’un grand dîner au ministère des affaires étrangères. »

C’est ainsi que, se repassant leurs grands hommes morts, les deux
rivaux vivaient dans la meilleure intelligence, par la raison que les
petits présens entretiennent l’amitié.

Cet accord, toutefois, fut de courte durée. Tant que la mortalité
avait été épaisse, le cholérique s’était acquitté de sa besogne avec
joie et facilité. On lui avait dit, en le prenant: « Il nous faut une
« colonne de morts par jour. La rédaction politique du journal s’ar-
« rangera en conséquence, mais elle compte sur une colonne de
« morts. Quand ça dépassera, on vous tiendra compte du surplus, à
« raison de cinq centimes par décès. »

Telles étaient les conditions. Elles furent douces «jurant les pre-
mières semaines de l’épidémie. Le journal ne suffisait pas à l’enterre-
ment des victimes. Carie Constitutionnel est une espèce de cimetière.
Un homme meurt, c’est bien ; on porte son corps au Père Lachaise ,
son âme à l’église, et sa ‘réputation au Constitutionnel. Et alors , le
fossoyeur ordinaire dont je vous ai parlé, lui creuse une tombe à temps,
à perpétuité, ou dans le champ commun ; il l’y descend , jette un peu
de style pardessus, y grave l’épitaphe de rigueur : « Il fut bon fils, bon
« père, etc.»; après quoi tout est dit, la réputation est enterrée. »
Mais revenons.

Souvent même il y avait du trop plein ; la colonne' débordait de
morts, comme un fleuve après de longues pluies. Elle inondait la
colonne [suivante. Le cholérique faisait lors d’excellentes affaires.
Il avait quelquefois, en sus de l’ordinaire, pour trente, qua-
rante, et même quarante-cinq sous de morts par jour. C’était le bon
temps , c’était l’âge d’or du choléra. Mais la mortalité diminua tout-à-
coup d’une manière également effrayante. Adieu les excédans, les
débordemens de morts , les gratifications ! Adieu pour lui le luxe de
l’existence ! Le fleuve rentra dans son lit; puis, la colonne elle-même
se dégonfla, puis elle baissa, puis elle ne charia plus qu’une douzaine
de morts, et enfin plus rien !

Oh ! qui pourrait peindre les angoisses incessamment croissantes
de l’infortuné cholérique ! D’abord , tout amical procédé, tout
échange de défunts cessa soudain entre les deux rivaux : l’advçrsité
rend égoïste.

Puis, vinrent les tricheries , les larcins , les vols de morts. Appor-
tait-on une liste à l’adresse du'nécrologue absent : le cholérique s’en
emparait, et il mettait, par exemple : « M. le général *** est mort
« hier du choléra , à la suite d’utre balle qu’il avait reçue le matin au
« bois de Boulogne , en se battant en duel. »

Était-ce au contraire pour le cholérique absent .qu’on apportait une
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