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Journal de la marbrerie et de l'art décoratif: bimensuel — 5.1908 (Nr. 101-124)

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Supplement au Nr. 105
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L' art moderne, [4]
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https://doi.org/10.11588/diglit.17230#0042

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ils ont étudié sa nature et ses goûts, et quand
ils ont compris tout cela, ils ont essayé de
traduire les sentiments qu'ils avaient sentis
chez leurs concitoyens pour leur créer un
foyer en rapport avec ces sentiments.

Est-ce à dire que Guimard, Plumet, de
Baudot, Lavirotte, Farcy, Binet e tutti quanti
aient atteint la perfection la plus pure dans
ce style de notre époque?

Evidemment non, mais chacun d'eux a
courageusement apporté sa pierre à l'édifice
et tout en se laissant traiter de révolution-
naires par les Maîtres qui leur avaient appris
l'art de copier, ils se sont affranchis des sem-
piternelles traditions et ont produit des
œuvres, peut-être encore imparfaites, mais
qui sont l'indice du génie nouveau qui diri-
gera plus tard de son lumineux flambeau les
architectes tout naturellement entraînés à
suivre la voie tracée.

Prenons nos styles anciens et demandons-
nous, par exemple, si Brunellesco avait, du
premier coup, atteint la perfection dans sa
rénovation de l'art au xve siècle. Les magni-
fiques travaux de cet autre révolutionnaire
portent encore les traces des styles qui le
précédaient, et les églises Saint-Laurent et
du Saint-Esprit à Florence montrent que s'il
a cherché à s'affranchir des idées de ses
devanciers, il en a pourtant encore gardé
quelques souvenirs qu'on retrouve dans les
parties gothiques dont ces édifices restent
empreints.

En même temps que lui ou après lui,
Alberti ou Bramante, Vignole ou Palladio,
suivant les principes du Maître, apportèrent
chacun une parcelle de leur génie et petit à
petit s'établit le style Renaissance que des
générations d'artistes ont embelli et à qui,
grâce à leurs efforts constants, ils ont donné
la perfection qui l'a rendu si admirable.

Il en sera de même de l'art moderne, dont
les créateurs seront depuis longtemps dispa-
rus de ce monde lorsqu'il aura pris un rang
à son tour dans les styles architecturaux. Tel
ou tel des artistes que nous louangeons ou que
nous critiquons sera parfaitement ignoré
lorsque les efforts des élèves, s'ajoutant les
uns aux autres, auront peu à peu établi un

art vraiment moderne, c'est-à-dire adéquat à
nos besoins, à nos mœurs, à nos idées, à notre
vie.

Mais où l'art moderne doit rivaliser avec
les arts anciens, c'est dans les pays où la
vie est d'une extrême mobilité, parce qu'il
laisse une grande latitude d'adaptation à
toutes les natures, à tous les tempéraments,
sans que ce soit une éternelle répétition de
choses déjà vues.

Avec l'art moderne, il est difficile de cata-
loguer l'habitant, d'évaluer par un simple
examen la valeur du mobilier d'un salon, et
par conclusion celle de la dot de la jeune
épousée, parce que la richesse du dessin peut
varier à l'infini, parce que chaque intérieur
peut avoir sou caractère propre, son charme
particulier, sa beauté spéciale.

Le principe sur lequel repose l'art moderne,
le secret — de polichinelle — qui a servi à ses
initiateurs, c'est d'introduire dans l'architec-
ture les éléments fournis par la nature. Or, la
nature n'a jamais rien créé .qui fût rigou-
reusement rectiligne ; la ligne d'horizon,
qu'on se plaît à tracer exactement droite,
est une ligne courbe, les arbres que nous
admirons, les fieurs qui plaisent à notre
odorat, en même temps qu'elles charment
nos regards, ne sont pas faits de lignes
droites, et cette nature d'imagination si
féconde s'est plue à leur donner les formes
les plus variées et même les plus bizarres.

Cette variété infinie de formes est la raison
des beautés de la nature, car il est certain
que si elle avait observé les règles impres-
criptibles de la géométrie rectiligne et symé-
trique, nous n'aurions pas de ces surprises
qui nous font nous extasier et qui nous per-
mettent de différencier le dahlia aux pétales
soigneusement et méticuleusement rangés
du cyclamen ou de l'orchidée, si gracieuse-
ment et si bizarrement attachés sur leur tige.

En disant que l'art moderne est la copie de
la nature, des esprits forts, tellement forts
même que leur jugement en est sensiblement
affaibli, ont prétendu que c'était la négation
de toute civilisation ; ils affirment que cette
adoration de la réalité nous fera retourner
aux temps préhistoriques où l'homme n'avait
 
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