DOI Heft:
Nr.29 (Septembre 1887)
DOI Artikel:Wahl, Maurice: Les congrégations dans l'Islam
DOI Heft:Nr. 31 (Novembre 1887)
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LES CONGRÉGATIONS DANS L'ISLAM
L'islamisme a, lui aussi, ses congrégations non autorisées, qui se
passent pour vivre de l'agrément des gouvernements! Elles ressemblent
par plus d'un côté à celles que nous connaissons en Europe, mais leur
influence, qui n'est guère contrariée, est infiniment plus étendue et
plus redoutable. C'est dire assez qu'elles méritent d'attirer l'attention
et qu'elles n'offrent pas seulement un intérêt de simple curiosité. En
Algérie, où notre action politique s'est heurtée plus d'une fois à leurs
sourdes menées, ces associations de khouans « frères », comme s'in-
litulent leurs adeptes, ont été étudiées déjà par plusieurs de nos of-
ficiers et de nos administrateurs, le capitaine de Neveu en 1846 et en
1882,31. Brosselard. Plus récemment, le commandant Rinn, alors chef
du service des affaires indigènes, a repris le même sujet ; tout en uti-
lisant les travaux de ses devanciers, il a su le rajeunir par l'abondance
des documents nouveaux et des vues originales (1).
Rien qu'en Algérie, le nombre des khouans connus de l'autorité
s'élève à 108,000, et cette évaluation, de l'aveu même de ceux qui la
fournissent, est fort au-dessous de la réalité. Sur une population indi-
gène de 3 millions d'âmes, c'est donc, déduction faite des femmes et
des enfants, un huitième au moins qui se trouve enrégimenté dans les
congrégations. Celles-ci, au nombre de seize, se partagent assez iné-
galement cette masse d'adhérents. Elles n'ont toutes ni la même an-
cienneté ni la même importance ; quelques-unes, affaiblies par des
divisions intérieures ou mal dirigées, semblent décroître et devenir h
peu près inoffensives ; d'autres au contraire, en pleine force d'ex-
pansion, manifestent une inquiétante vitalité.
Chaque congrégation se réclame d'un fondateur qui lui a donné son
nom et ses statuts. C'est toujours quelque docteur renommé pour sa
science théologique, ou quelque saint vénéré pour sa piété. Lui-même
se rattache par les maîtres sous lesquels il s'est formé à la tradition
des compagnons et des premiers successeurs du prophète. Près de son
(1) Marabouts et Khouans, par L. Rinn. — Alger, Jourdan, éditeur.
L'islamisme a, lui aussi, ses congrégations non autorisées, qui se
passent pour vivre de l'agrément des gouvernements! Elles ressemblent
par plus d'un côté à celles que nous connaissons en Europe, mais leur
influence, qui n'est guère contrariée, est infiniment plus étendue et
plus redoutable. C'est dire assez qu'elles méritent d'attirer l'attention
et qu'elles n'offrent pas seulement un intérêt de simple curiosité. En
Algérie, où notre action politique s'est heurtée plus d'une fois à leurs
sourdes menées, ces associations de khouans « frères », comme s'in-
litulent leurs adeptes, ont été étudiées déjà par plusieurs de nos of-
ficiers et de nos administrateurs, le capitaine de Neveu en 1846 et en
1882,31. Brosselard. Plus récemment, le commandant Rinn, alors chef
du service des affaires indigènes, a repris le même sujet ; tout en uti-
lisant les travaux de ses devanciers, il a su le rajeunir par l'abondance
des documents nouveaux et des vues originales (1).
Rien qu'en Algérie, le nombre des khouans connus de l'autorité
s'élève à 108,000, et cette évaluation, de l'aveu même de ceux qui la
fournissent, est fort au-dessous de la réalité. Sur une population indi-
gène de 3 millions d'âmes, c'est donc, déduction faite des femmes et
des enfants, un huitième au moins qui se trouve enrégimenté dans les
congrégations. Celles-ci, au nombre de seize, se partagent assez iné-
galement cette masse d'adhérents. Elles n'ont toutes ni la même an-
cienneté ni la même importance ; quelques-unes, affaiblies par des
divisions intérieures ou mal dirigées, semblent décroître et devenir h
peu près inoffensives ; d'autres au contraire, en pleine force d'ex-
pansion, manifestent une inquiétante vitalité.
Chaque congrégation se réclame d'un fondateur qui lui a donné son
nom et ses statuts. C'est toujours quelque docteur renommé pour sa
science théologique, ou quelque saint vénéré pour sa piété. Lui-même
se rattache par les maîtres sous lesquels il s'est formé à la tradition
des compagnons et des premiers successeurs du prophète. Près de son
(1) Marabouts et Khouans, par L. Rinn. — Alger, Jourdan, éditeur.