198 L'ART.
Il vient en effet des touristes de ce côté : non pas de ceux qu'attirent le bruit, la vogue et le
spectacle un peu banal des plages à la mode, mais de ceux qui cherchent avec plus de simplicité
et d'amour véritable les grands aspects de la campagne et de la mer. Beaucoup de peintres y sont
venus travailler d'après cette séduisante nature, et ils se sont sans doute pris d'une sérieuse passion
pour elle, car on les y retrouve à toutes les saisons : voilà déjà longtemps que M"e Ernestine
Aubourg est leur hôtesse, qu'ils l'ont mise à la mode et lui ont fait une réputation, qu'ils ont
orné sa maison d'un de ces petits musées si intéressants et si curieux, où ils mettent souvent le
plus franc et le plus spontané de leur verve, et dont ils se plaisent à doter leurs résidences préférées.
Ces artistes d'aujourd'hui ont eu des prédécesseurs illustres, et le premier en date peut-être,
celui qui a fait pour la peinture le voyage de découverte et de conquête de cette terre ignorée,
c'est un des maîtres les plus aimables et les plus
délicats du paysage moderne. Bonington a été
amoureux de ce sol ; il en a pris possession par
des œuvres émues ; il lui est demeuré fidèle par
le souvenir. Cette passion, on la comprend quand
on constate la correspondance intime qui se
manifeste entre cette nature et le sentiment du
maître ; on la partage pour peu qu'on ait vécu
au milieu des aspects fins et doux de ces côtes
normandes et qu'on se soit laissé prendre à cette
émotion communicative qui en est la saveur et
le parfum. Comment ne pas nommer Bonington
à ces premières heures des belles journées
d'automne, où tout le paysage se réveille baigné
dans une lumière blonde et discrètement diffuse ;
ou bien encore à ce moment où le soleil déjà
sur l'horizon remplit le ciel d'un rayonnement
large et tranquille, où les formes s'accentuent
par des contours plus nets terminant des plans
vigoureux? Ces grands spectacles et leur irrésistible
ascendant se retrouvent ici , comme dans le
maître, clans mille coins embaumés et sauvages,
derrière des bouts d'enclos familiers et naïfs, au
milieu de groupes de rochers pleins d'imprévu
et de fantaisie, en présence de la grandeur
sereine et calme des falaises ; tout cela enrichi
à l'arrière-plan d'une nappe de vagues blanchis-
santes ou d'une lame qui déferle ou moutonne; tout cela balayé par une brise salubre et
fortifiante qui est comme l'haleine de la grande mer.
C'est là ce qui a valu à ce petit pays, parmi beaucoup d'autres hommages, des études dont
il peut s'enorgueillir avec raison et qui le dépeignent beaucoup mieux que nos paroles. Nous
voulons parler du petit tableau de Bonington et des aquarelles de M. Gaucherel que nous avons
à présenter à nos lecteurs.
Les aquarelles de M. Gaucherel sont trop connues et trop admirées à chaque Salon pour
que nous ayons à nous étendre beaucoup à leur sujet. Les lecteurs de l'Art apprécieront la
finesse et la liberté de leur dessin, il est fâcheux qu'ils ne puissent pas voir en même temps la
fraîcheur et l'éclat de leur coloris. Nous n'en dirons qu'un mot qui nous en semble le plus juste
éloge : Bonington les eût aimées; il les eût trouvées dignes de lui et de la nature.
Le tableau de Bonington est une excellente étude, tout à fait digne de ce maître charmant,
précieuse à tous égards, dont la scrupuleuse fidélité a fait aisément retrouver la provenance, et
dont le possesseur actuel, M. Corroyer, a bien voulu permettre la reproduction.
Les Falaises de Saint-Jouin.
Dessin de Léon Gaucherel d'après son aquarelle.
Il vient en effet des touristes de ce côté : non pas de ceux qu'attirent le bruit, la vogue et le
spectacle un peu banal des plages à la mode, mais de ceux qui cherchent avec plus de simplicité
et d'amour véritable les grands aspects de la campagne et de la mer. Beaucoup de peintres y sont
venus travailler d'après cette séduisante nature, et ils se sont sans doute pris d'une sérieuse passion
pour elle, car on les y retrouve à toutes les saisons : voilà déjà longtemps que M"e Ernestine
Aubourg est leur hôtesse, qu'ils l'ont mise à la mode et lui ont fait une réputation, qu'ils ont
orné sa maison d'un de ces petits musées si intéressants et si curieux, où ils mettent souvent le
plus franc et le plus spontané de leur verve, et dont ils se plaisent à doter leurs résidences préférées.
Ces artistes d'aujourd'hui ont eu des prédécesseurs illustres, et le premier en date peut-être,
celui qui a fait pour la peinture le voyage de découverte et de conquête de cette terre ignorée,
c'est un des maîtres les plus aimables et les plus
délicats du paysage moderne. Bonington a été
amoureux de ce sol ; il en a pris possession par
des œuvres émues ; il lui est demeuré fidèle par
le souvenir. Cette passion, on la comprend quand
on constate la correspondance intime qui se
manifeste entre cette nature et le sentiment du
maître ; on la partage pour peu qu'on ait vécu
au milieu des aspects fins et doux de ces côtes
normandes et qu'on se soit laissé prendre à cette
émotion communicative qui en est la saveur et
le parfum. Comment ne pas nommer Bonington
à ces premières heures des belles journées
d'automne, où tout le paysage se réveille baigné
dans une lumière blonde et discrètement diffuse ;
ou bien encore à ce moment où le soleil déjà
sur l'horizon remplit le ciel d'un rayonnement
large et tranquille, où les formes s'accentuent
par des contours plus nets terminant des plans
vigoureux? Ces grands spectacles et leur irrésistible
ascendant se retrouvent ici , comme dans le
maître, clans mille coins embaumés et sauvages,
derrière des bouts d'enclos familiers et naïfs, au
milieu de groupes de rochers pleins d'imprévu
et de fantaisie, en présence de la grandeur
sereine et calme des falaises ; tout cela enrichi
à l'arrière-plan d'une nappe de vagues blanchis-
santes ou d'une lame qui déferle ou moutonne; tout cela balayé par une brise salubre et
fortifiante qui est comme l'haleine de la grande mer.
C'est là ce qui a valu à ce petit pays, parmi beaucoup d'autres hommages, des études dont
il peut s'enorgueillir avec raison et qui le dépeignent beaucoup mieux que nos paroles. Nous
voulons parler du petit tableau de Bonington et des aquarelles de M. Gaucherel que nous avons
à présenter à nos lecteurs.
Les aquarelles de M. Gaucherel sont trop connues et trop admirées à chaque Salon pour
que nous ayons à nous étendre beaucoup à leur sujet. Les lecteurs de l'Art apprécieront la
finesse et la liberté de leur dessin, il est fâcheux qu'ils ne puissent pas voir en même temps la
fraîcheur et l'éclat de leur coloris. Nous n'en dirons qu'un mot qui nous en semble le plus juste
éloge : Bonington les eût aimées; il les eût trouvées dignes de lui et de la nature.
Le tableau de Bonington est une excellente étude, tout à fait digne de ce maître charmant,
précieuse à tous égards, dont la scrupuleuse fidélité a fait aisément retrouver la provenance, et
dont le possesseur actuel, M. Corroyer, a bien voulu permettre la reproduction.
Les Falaises de Saint-Jouin.
Dessin de Léon Gaucherel d'après son aquarelle.