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L'ART.
semaine dernière à Manchester, on a donné lecture de plusieurs
articles intéressants concernant les beaux-arts. La section de
l'art n'a été reçue à l'association que depuis peu d'années, mais
elle promet déjà d'en devenir une partie importante.
M. Watts y a contribué par un article sur la décoration
des bâtiments publics. M. Charles Hallé a discuté sur les pro-
pres de la musique, et dans le discours d'ouverture, Sir Coutts
Lindsay, président de la section, a exposé d'une manière très
claire et libérale l'avenir de l'art anglais. Parlant des rapports
de l'art et de la science, il s'exprime ainsi :
« Ceux qui cherchent à comprendre ou à diriger l'art de
leur temps ne sauraient trop se rappeler que, comme la science,
l'art, par une loi naturelle de développement, germe sur la
tige du passé, niais avec cette différence : l'arbre de la science
ne périt jamais, ses rejetons sont plus résistants que le chêne
même; il peut cesser de produire, mais il ne peut diminuer.
L'art, au contraire, fleurit ou meurt avec la race qui l'a créé; il
ne peut pas complètement disparaître du monde, car il vit dans
l'âme de l'homme, mais il ne progresse pas comme la science, qui
n'est pas tant une création de l'humanité que le développement
de notre faculté de perception appliquée à la nature. L'art est la
création vivante de l'homme; la science, c'est l'intelligence de la
création divine. Rappelons-nous aussi que l'art est le miroir
des temps et des peuples auxquels il appartient, et qu'il ne peut
fleurir s'il n'est en harmonie parfaite avec son époque. Celle-ci
donne à tous les arts un trait commun de ressemblance, et ils
réagissent les uns sur les autres, de sorte que pour en compren-
dre un seul parfaitement, il est indispensable d'avoir une con-
naissance intelligente des autres. Il est aussi impossible de faire
revivre un développement passé de l'art, qu'il l'est de ressusciter
un mort en lui injectant du sang dans les veines. Si ces principes
sont vrais (et ils sont appuyés sur la raison et l'expérience), ils
indiquent pour l'étude de l'art la route qui doit aboutir aux plus
heureux résultats, et le détournent des sentiers dans lesquels
le génie, la persévérance, la foi s'épuiseraient en vain, ou
obtiendraient des résultats qui seraient plutôt un malheur qu'un
avantage pour l'individu et la société. »
Dans sa discussion sur la possibilité de la peinture décora-
tive en Angleterre, M. Watts a saisi l'occasion d'attirer l'attention
générale sur les œuvres intéressantes de Sir Frederick Leigh-
ton, que l'on exécute en ce moment au South Kensington
Muséum.
Au Lyceum Théâtre, M. [rving vient de faire revivre une
comédie intitulée The Iron Chest, que l'on a attribuée pendant
quelque temps au génie d'Kdmond Kean. Une traduction des
Bourgeois de Pont-Arçy a été représentée au théâtre du Prince
de Galles et au Saint-James Théâtre, MM. Hare et Kendall se
font applaudir dans une nouvelle traduction du Fils de famille.
Suisse. — Jeudi i" octobre a eu lieu à Genève l'inauguration
du nouveau théâtre pour l'érection duquel cinq millions de francs
ont été prélevés sur l'énorme legs fait à la ville par le duc de
Brunswick.
L'architecte est un artiste suisse de grand mérite, M. .1. E.
Goss ; il a réussi à élever un monument qui lui fait le plus grand
honneur. Le théâtre de Genève a tous les droits de prendre en
effet rang immédiatement après l'Opéra de Paris et l'Opéra de
Vienne.
Inutile d'ajouter que la pièce d'ouverture a été Guillaume
Tell. L'exécution du chef-d'œuvre de Rossini a été fort brillante
sous l'habile direction musicale de M. Bernard.
NOTRE EAU-FORTE
Chacun se rappelle le remarquable tableau que M. H. W.
Mesdag avait exposé au Salon de i H79, sous le titre : la Rentrée
des bateaux de pêcheurs, vue des dessus de Scheveningue (Pays-
Bas).
M. L. Gaucherel a gravé pour l'Art d'après ce tableau, la
planche que nous publions aujourd'hui ; elle fait partie de la
série des œuvres les plus remarquées du dernier Salon, que nous
avons fait reproduire à l'eau-forte pour les offrir à nos abonnés.
NÉCROLOGIE
Deux célébrités théâtrales anglaises ont disparu le
mois dernier. M. George j. Bennett est mort le 22 sep-
tembre à Edmonton, à l'âge de quatre-vingts ans. Peu
d'artistes dramatiques ont parcouru une plus brillante
carrière.
Le 29 mourait à Londres M. Edmund Faixoner,
acteur, auteur dramatique et poète. Peep 0' Day et Extrê-
mes furent ses plus éclatants succès; leurs représentations
se comptèrent par centaines. M. Falconer laisse néanmoins
sa jeune veuve dans une situation de fortune très critique,
qui a décidé le Savage Club à ouvrir en sa faveur une sous-
cription à laquelle nous souhaitons le plus complet succès.
— M. .1. Best, l'un des fondateurs et copropriétaires
du journal le Magasin pittoresque, vient de mourir.
M. Best, artiste graveur distingué, était chevalier de la
Légion d'honneur.
— Lyon vient de perdre un de ses artistes les plus
distingués, Claude Sibuet, peintre de Heurs, mort dans sa
quarante-cinquième année.
— La Suisse vient de perdre un sculpteur de mérite,
M. Louis Dorcièke. décédé à l'âge de soixante-quatorze
ans à Genève, où se trouvent ses principales œuvres.
Le Directeur-Gérant, EUGÈNE VÉRON.
L'ART.
semaine dernière à Manchester, on a donné lecture de plusieurs
articles intéressants concernant les beaux-arts. La section de
l'art n'a été reçue à l'association que depuis peu d'années, mais
elle promet déjà d'en devenir une partie importante.
M. Watts y a contribué par un article sur la décoration
des bâtiments publics. M. Charles Hallé a discuté sur les pro-
pres de la musique, et dans le discours d'ouverture, Sir Coutts
Lindsay, président de la section, a exposé d'une manière très
claire et libérale l'avenir de l'art anglais. Parlant des rapports
de l'art et de la science, il s'exprime ainsi :
« Ceux qui cherchent à comprendre ou à diriger l'art de
leur temps ne sauraient trop se rappeler que, comme la science,
l'art, par une loi naturelle de développement, germe sur la
tige du passé, niais avec cette différence : l'arbre de la science
ne périt jamais, ses rejetons sont plus résistants que le chêne
même; il peut cesser de produire, mais il ne peut diminuer.
L'art, au contraire, fleurit ou meurt avec la race qui l'a créé; il
ne peut pas complètement disparaître du monde, car il vit dans
l'âme de l'homme, mais il ne progresse pas comme la science, qui
n'est pas tant une création de l'humanité que le développement
de notre faculté de perception appliquée à la nature. L'art est la
création vivante de l'homme; la science, c'est l'intelligence de la
création divine. Rappelons-nous aussi que l'art est le miroir
des temps et des peuples auxquels il appartient, et qu'il ne peut
fleurir s'il n'est en harmonie parfaite avec son époque. Celle-ci
donne à tous les arts un trait commun de ressemblance, et ils
réagissent les uns sur les autres, de sorte que pour en compren-
dre un seul parfaitement, il est indispensable d'avoir une con-
naissance intelligente des autres. Il est aussi impossible de faire
revivre un développement passé de l'art, qu'il l'est de ressusciter
un mort en lui injectant du sang dans les veines. Si ces principes
sont vrais (et ils sont appuyés sur la raison et l'expérience), ils
indiquent pour l'étude de l'art la route qui doit aboutir aux plus
heureux résultats, et le détournent des sentiers dans lesquels
le génie, la persévérance, la foi s'épuiseraient en vain, ou
obtiendraient des résultats qui seraient plutôt un malheur qu'un
avantage pour l'individu et la société. »
Dans sa discussion sur la possibilité de la peinture décora-
tive en Angleterre, M. Watts a saisi l'occasion d'attirer l'attention
générale sur les œuvres intéressantes de Sir Frederick Leigh-
ton, que l'on exécute en ce moment au South Kensington
Muséum.
Au Lyceum Théâtre, M. [rving vient de faire revivre une
comédie intitulée The Iron Chest, que l'on a attribuée pendant
quelque temps au génie d'Kdmond Kean. Une traduction des
Bourgeois de Pont-Arçy a été représentée au théâtre du Prince
de Galles et au Saint-James Théâtre, MM. Hare et Kendall se
font applaudir dans une nouvelle traduction du Fils de famille.
Suisse. — Jeudi i" octobre a eu lieu à Genève l'inauguration
du nouveau théâtre pour l'érection duquel cinq millions de francs
ont été prélevés sur l'énorme legs fait à la ville par le duc de
Brunswick.
L'architecte est un artiste suisse de grand mérite, M. .1. E.
Goss ; il a réussi à élever un monument qui lui fait le plus grand
honneur. Le théâtre de Genève a tous les droits de prendre en
effet rang immédiatement après l'Opéra de Paris et l'Opéra de
Vienne.
Inutile d'ajouter que la pièce d'ouverture a été Guillaume
Tell. L'exécution du chef-d'œuvre de Rossini a été fort brillante
sous l'habile direction musicale de M. Bernard.
NOTRE EAU-FORTE
Chacun se rappelle le remarquable tableau que M. H. W.
Mesdag avait exposé au Salon de i H79, sous le titre : la Rentrée
des bateaux de pêcheurs, vue des dessus de Scheveningue (Pays-
Bas).
M. L. Gaucherel a gravé pour l'Art d'après ce tableau, la
planche que nous publions aujourd'hui ; elle fait partie de la
série des œuvres les plus remarquées du dernier Salon, que nous
avons fait reproduire à l'eau-forte pour les offrir à nos abonnés.
NÉCROLOGIE
Deux célébrités théâtrales anglaises ont disparu le
mois dernier. M. George j. Bennett est mort le 22 sep-
tembre à Edmonton, à l'âge de quatre-vingts ans. Peu
d'artistes dramatiques ont parcouru une plus brillante
carrière.
Le 29 mourait à Londres M. Edmund Faixoner,
acteur, auteur dramatique et poète. Peep 0' Day et Extrê-
mes furent ses plus éclatants succès; leurs représentations
se comptèrent par centaines. M. Falconer laisse néanmoins
sa jeune veuve dans une situation de fortune très critique,
qui a décidé le Savage Club à ouvrir en sa faveur une sous-
cription à laquelle nous souhaitons le plus complet succès.
— M. .1. Best, l'un des fondateurs et copropriétaires
du journal le Magasin pittoresque, vient de mourir.
M. Best, artiste graveur distingué, était chevalier de la
Légion d'honneur.
— Lyon vient de perdre un de ses artistes les plus
distingués, Claude Sibuet, peintre de Heurs, mort dans sa
quarante-cinquième année.
— La Suisse vient de perdre un sculpteur de mérite,
M. Louis Dorcièke. décédé à l'âge de soixante-quatorze
ans à Genève, où se trouvent ses principales œuvres.
Le Directeur-Gérant, EUGÈNE VÉRON.