CHRONIQUE FRANÇAISE ET ÉTRANGÈRE.
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Ghiberti. Deux superbes inscriptions, l'une.gothique, l'autre de
la première moitié du xV siècle, surmontées de l'écusson des
Malatesta avec le heaume couronné des tètes d'éléphants et
l'échiquier, nous sont de sûrs garants de ces modifications pro-
fondes. Pour qu'elles nous soient attestées avec plus de certitude,
.Matteo de'Pasti, le grand médailleur de Vérone, pensionnaire du
seigneur de Rimini, frappe par l'ordre du maître la superbe
médaille commémorativc représentant la Rocca Malatestiana.
Pierro délia Francesca, le grand artiste auquel on doit la plu-
part des beaux portraits des Bentivoglio, des Montefeltro et des
Malatesta, nous apporte à son tour une preuve irrécusable, le
jour où, dans ce temple de San Francesco de Rimini, panthéon
de la famille des Malatesta, il représente le seigneur de Rimini
agenouillé devant saint Sigismond, et donne pour fond à sa pré-
cieuse fresque la vue de la Rocca.
Une masse aussi imposante aurait certainement triomphé
du temps, mais elle a été défigurée comme à plaisir par les géné-
rations qui se sont succédé. Sur le sol où nous marchons en
regardant la façade actuelle, se creusait la première enceinte,
fossé large de cent pieds et profond de trente-cinq, aujourd'hui
comblé et formant un terre-plein. Nous ne retrouvons plus les
six tours de quatre-vingts pieds de haut détruites par Urbain VIII
(1625), qui a même donné son nom à la construction pendant
pius d'un siècle, Castello Urbano. Enfin, en 1826, on a jeté bas
la première ceinture, et, le fossé étant déjà comblé, on a abattu
le pont-levis. Ce n'est plus qu'une prison, à travers les grilles de
laquelle nous voyons les casaques rouges des détenues qui vien-
nent regarder un coin du ciel bleu.
L'autre souvenir des Malatesta, ce temple qui porte son nom
est de 1450; on le doit au grand Battista Alberti, si célèbre à
Florence, et l'inscription nous montre qu'il est dû à la munifi-
cence et à l'initiative du fils de Pandolphe. C'est dire qu'il est
postérieur de plus d'un siècle et demi à l'existence de Giovanni
et de Francesca.
Je ne veux pas négliger, dans la recherche du lieu où a
pu se commettre le meurtre, une dernière hypothèse suggérée
par ce passage qu'on lit dans la Chronique de Pesaro : t Aliqui
dicunt fuisse Arimini in domo magna quœ est in capite Platea1
Magna'. »
Cette grande maison à l'entrée de la place Majeure a subi
• tant de modifications que pas une pierre de ses murs ne pourrait
être contemporaine de Francesca ; on chercherait vainement
dans la façade ou dans les dispositions intérieures le caractère
du xmc siècle : on l'appelle la Maison de Jules César, à cause du
piédestal qui s'élève près de là. D'abord à la famille Tingoli. puis
aux Ruffo, elle appartenait naguère au comte Carlo Graziani
Cisterni. Il est assez singulier toutefois que l'opinion courante
des habitants de Rimini place là la scène du meurtre, ce qui
semble indiquer que sur le lieu où s'élève l'habitation, les Mala-
testa ont dû avoir autrefois une maison de leur dépendance.
Charles Yriarte.
(Z.i! fin prochainement.)
CHRONIQUE FRANÇAISE ET ETRANGERE
Franxe. —Direction des beaux-arts. — Divers changements
assez importants viennent d'être effectués dans le personnel de
l'administration des beaux-arts. Par arrêté de M. Jules Ferry, en
date du 30 octobre, notre sympathique et savant collaborateur,
M. Georges Lafenestre, chef du bureau de l'encouragement des
arts, a été nommé inspecteur des beaux-arts, en remplacement de
M. Buon, admis à faire valoir ses droits à la retraite. En outre,
par décret du même jour, M. Lafenestre a été nomme commis-
saire général des expositions nationales et internationales. C'est
un poste nouveau et d'une grande importance qui vient d'être
créé. Son titulaire ne sera pas seulement chargé de l'organisa-
tion annuelle du Salon et de la direction des expositions à
l'étranger, comme à celle de Munich. C'est lui qui, mandataire
supérieur de la commission des sociétés artistiques des départe-
ments nouvellement créée, aura la permanente mission de pro-
voquer, d'inspirer ou de diriger les expositions provinciales.
Poste élevé et délicat assurément, qui correspond bien aux exi-
gences actuelles et qui laisse un champ fécond à l'initiative intel-
ligente. Nous croyons que la nomination de M. Lafenestre est
excellente.
Signalons encore la création d'un bureau nouveau, le bureau
de l'inventaire et des souscriptions, détaché du bureau de l'en-
seignement. M. Baumgart en est nommé chef et M. Escallier
sous-chef. M. Hecq, chef adjoint du cabinet de M. Turquet, est
nommé chef du bureau de l'encouragement en remplacement de
.M. Lafenestre. Enfin M. Mayen est nommé chef du bureau de
la comptabilité.
Le prix des Gobelins. — Le programme du concours qui
vientd avoir lieu consistait en une esquisse représentant le Génie
des arts, de la science et de la littérature dans l'antiquité. La
tapisserie, d'une hauteur de sept mètres, qui doit être exécutée
d'après le modèle choisi, sera placée dans la chambre dite « de
Mazarin », à la Bibliothèque nationale, qui donne actuellement
lieu à tout un ordre de décoration.
Voici, parmi les trente-six projets présentés, les trois qui,
conformément au règlement, ont cté admis au second et défi-
nitif concours: 1» M. Monchablon (Alphonse), n" 22, ancien
prix de Rome, en 1863; — 2° M. Ehrmann (François), n° 1,
décoré au Salon de cette année, auteur de plusieurs modèles de
tapisserie exécutés aux Gobelins, notamment du Vainqueur; —
3° Blanc (Joseph), n" 26, ancien prix de Rome.
Ville de Paris. — La Commission d'examen pour l'obtention
du diplôme exigé pour l'enseignement du dessin géométrique
et industriel dans les établissements scolaires de la Ville de Paris,
se réunira les 18, 19, 20 et 21 novembre 1879, à l'école de la rue
de Yaugirard, n" 9, à neuf heures du matin.
Les aspirants auront à se faire inscrire en présentant leur
acte de naissance, à la préfecture de la Seine (Direction de l'en-
seignement — 3' Bureau, de i 1 à 3 heures), où ils pourront se
procurer le programme détaillé.
Institut de France. — La séance publique annuelle des
cinq Académies a eu lieu samedi, 23 octobre, sous la présidence
de M. Daubrée. Comme d'habitude, chacune des sections de
l'Institut a pris part à la cérémonie par la lecture d'un morceau
de littérature qu'a faite un de ses membres. La section des beaux-
arts était représentée par M. Gruycr, qui a lu une très intéres-
sante et très savante dissertation sur un personnage peint par
Raphaël, Balthasar Castiglione, dont le portrait se trouve au
musée du Louvre. Castiglione fut un des hommes d'Etat les plus
brillants de la cour de Léon X. Ami éclairé des artistes et des
écrivains, il était consulté par eux comme un guide délicat et
sûr, et lui-même a laissé un ouvrage qu'on cite encore comme
un modèle pour la perfection et l'aisance du style. Raphaël l'a
représenté à mi-corps, presque de face, tourné à gauche, et la
tête ornée d'une toque noire. Ce portrait, peint au commence-
ment de 1516, appartint à Charles Ier, roi d'Angleterre, et fut
acheté à la mort de ce prince par un amateur hollandais chez qui
Rubens le copia. 11 devint ensuite la propriété du cardinal
Mazarin, puis fut acquis pour le cabinet du roi.
Au nom de l'Académie française, M. Legouvé a lu de son
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Ghiberti. Deux superbes inscriptions, l'une.gothique, l'autre de
la première moitié du xV siècle, surmontées de l'écusson des
Malatesta avec le heaume couronné des tètes d'éléphants et
l'échiquier, nous sont de sûrs garants de ces modifications pro-
fondes. Pour qu'elles nous soient attestées avec plus de certitude,
.Matteo de'Pasti, le grand médailleur de Vérone, pensionnaire du
seigneur de Rimini, frappe par l'ordre du maître la superbe
médaille commémorativc représentant la Rocca Malatestiana.
Pierro délia Francesca, le grand artiste auquel on doit la plu-
part des beaux portraits des Bentivoglio, des Montefeltro et des
Malatesta, nous apporte à son tour une preuve irrécusable, le
jour où, dans ce temple de San Francesco de Rimini, panthéon
de la famille des Malatesta, il représente le seigneur de Rimini
agenouillé devant saint Sigismond, et donne pour fond à sa pré-
cieuse fresque la vue de la Rocca.
Une masse aussi imposante aurait certainement triomphé
du temps, mais elle a été défigurée comme à plaisir par les géné-
rations qui se sont succédé. Sur le sol où nous marchons en
regardant la façade actuelle, se creusait la première enceinte,
fossé large de cent pieds et profond de trente-cinq, aujourd'hui
comblé et formant un terre-plein. Nous ne retrouvons plus les
six tours de quatre-vingts pieds de haut détruites par Urbain VIII
(1625), qui a même donné son nom à la construction pendant
pius d'un siècle, Castello Urbano. Enfin, en 1826, on a jeté bas
la première ceinture, et, le fossé étant déjà comblé, on a abattu
le pont-levis. Ce n'est plus qu'une prison, à travers les grilles de
laquelle nous voyons les casaques rouges des détenues qui vien-
nent regarder un coin du ciel bleu.
L'autre souvenir des Malatesta, ce temple qui porte son nom
est de 1450; on le doit au grand Battista Alberti, si célèbre à
Florence, et l'inscription nous montre qu'il est dû à la munifi-
cence et à l'initiative du fils de Pandolphe. C'est dire qu'il est
postérieur de plus d'un siècle et demi à l'existence de Giovanni
et de Francesca.
Je ne veux pas négliger, dans la recherche du lieu où a
pu se commettre le meurtre, une dernière hypothèse suggérée
par ce passage qu'on lit dans la Chronique de Pesaro : t Aliqui
dicunt fuisse Arimini in domo magna quœ est in capite Platea1
Magna'. »
Cette grande maison à l'entrée de la place Majeure a subi
• tant de modifications que pas une pierre de ses murs ne pourrait
être contemporaine de Francesca ; on chercherait vainement
dans la façade ou dans les dispositions intérieures le caractère
du xmc siècle : on l'appelle la Maison de Jules César, à cause du
piédestal qui s'élève près de là. D'abord à la famille Tingoli. puis
aux Ruffo, elle appartenait naguère au comte Carlo Graziani
Cisterni. Il est assez singulier toutefois que l'opinion courante
des habitants de Rimini place là la scène du meurtre, ce qui
semble indiquer que sur le lieu où s'élève l'habitation, les Mala-
testa ont dû avoir autrefois une maison de leur dépendance.
Charles Yriarte.
(Z.i! fin prochainement.)
CHRONIQUE FRANÇAISE ET ETRANGERE
Franxe. —Direction des beaux-arts. — Divers changements
assez importants viennent d'être effectués dans le personnel de
l'administration des beaux-arts. Par arrêté de M. Jules Ferry, en
date du 30 octobre, notre sympathique et savant collaborateur,
M. Georges Lafenestre, chef du bureau de l'encouragement des
arts, a été nommé inspecteur des beaux-arts, en remplacement de
M. Buon, admis à faire valoir ses droits à la retraite. En outre,
par décret du même jour, M. Lafenestre a été nomme commis-
saire général des expositions nationales et internationales. C'est
un poste nouveau et d'une grande importance qui vient d'être
créé. Son titulaire ne sera pas seulement chargé de l'organisa-
tion annuelle du Salon et de la direction des expositions à
l'étranger, comme à celle de Munich. C'est lui qui, mandataire
supérieur de la commission des sociétés artistiques des départe-
ments nouvellement créée, aura la permanente mission de pro-
voquer, d'inspirer ou de diriger les expositions provinciales.
Poste élevé et délicat assurément, qui correspond bien aux exi-
gences actuelles et qui laisse un champ fécond à l'initiative intel-
ligente. Nous croyons que la nomination de M. Lafenestre est
excellente.
Signalons encore la création d'un bureau nouveau, le bureau
de l'inventaire et des souscriptions, détaché du bureau de l'en-
seignement. M. Baumgart en est nommé chef et M. Escallier
sous-chef. M. Hecq, chef adjoint du cabinet de M. Turquet, est
nommé chef du bureau de l'encouragement en remplacement de
.M. Lafenestre. Enfin M. Mayen est nommé chef du bureau de
la comptabilité.
Le prix des Gobelins. — Le programme du concours qui
vientd avoir lieu consistait en une esquisse représentant le Génie
des arts, de la science et de la littérature dans l'antiquité. La
tapisserie, d'une hauteur de sept mètres, qui doit être exécutée
d'après le modèle choisi, sera placée dans la chambre dite « de
Mazarin », à la Bibliothèque nationale, qui donne actuellement
lieu à tout un ordre de décoration.
Voici, parmi les trente-six projets présentés, les trois qui,
conformément au règlement, ont cté admis au second et défi-
nitif concours: 1» M. Monchablon (Alphonse), n" 22, ancien
prix de Rome, en 1863; — 2° M. Ehrmann (François), n° 1,
décoré au Salon de cette année, auteur de plusieurs modèles de
tapisserie exécutés aux Gobelins, notamment du Vainqueur; —
3° Blanc (Joseph), n" 26, ancien prix de Rome.
Ville de Paris. — La Commission d'examen pour l'obtention
du diplôme exigé pour l'enseignement du dessin géométrique
et industriel dans les établissements scolaires de la Ville de Paris,
se réunira les 18, 19, 20 et 21 novembre 1879, à l'école de la rue
de Yaugirard, n" 9, à neuf heures du matin.
Les aspirants auront à se faire inscrire en présentant leur
acte de naissance, à la préfecture de la Seine (Direction de l'en-
seignement — 3' Bureau, de i 1 à 3 heures), où ils pourront se
procurer le programme détaillé.
Institut de France. — La séance publique annuelle des
cinq Académies a eu lieu samedi, 23 octobre, sous la présidence
de M. Daubrée. Comme d'habitude, chacune des sections de
l'Institut a pris part à la cérémonie par la lecture d'un morceau
de littérature qu'a faite un de ses membres. La section des beaux-
arts était représentée par M. Gruycr, qui a lu une très intéres-
sante et très savante dissertation sur un personnage peint par
Raphaël, Balthasar Castiglione, dont le portrait se trouve au
musée du Louvre. Castiglione fut un des hommes d'Etat les plus
brillants de la cour de Léon X. Ami éclairé des artistes et des
écrivains, il était consulté par eux comme un guide délicat et
sûr, et lui-même a laissé un ouvrage qu'on cite encore comme
un modèle pour la perfection et l'aisance du style. Raphaël l'a
représenté à mi-corps, presque de face, tourné à gauche, et la
tête ornée d'une toque noire. Ce portrait, peint au commence-
ment de 1516, appartint à Charles Ier, roi d'Angleterre, et fut
acheté à la mort de ce prince par un amateur hollandais chez qui
Rubens le copia. 11 devint ensuite la propriété du cardinal
Mazarin, puis fut acquis pour le cabinet du roi.
Au nom de l'Académie française, M. Legouvé a lu de son