CHRONIQUE FRANÇAISE ET ÉTRANGÈRE.
9)
duc François. Il maintient son opinion dans la réimpression de |
son beau travail '. Le fait cependant est matériellement certain.
Un assez grand dessin de Léonard, à Windsor, représente un
cavalier dont le cheval, lancé au galop, pose le pied de devant
sur le tronc noueux d'un arbre. On y remarque absolument la
même disposition que dans deux des croquis de la gravure citée
plus haut. Un autre dessin, reproduit par nous, montre simulta-
nément un cavalier dans deux positions différentes : i° Le bras
est en arrière et le bâton de commandement est placé comme
dans un des croquis de l'estampe; 2° le bras est dirigé en avant
comme dans le dessin de Munich. Il est impossible désormais
de nier l'évidence. Qui voudrait contester maintenant que les
esquisses de la gravure n'aient été détachées de la suite des étu-
des de Léonard pour sa statue et que ces études ne soient, avec
notre dessin, dans des rapports de paternité et de filiation?
Les dessins conservés à Windsor, ajouterai-je, sont d'une
célébrité européenne ; leur authenticité et leur provenance 2 les
mettent au-dessus de la discussion. Tous les événements de la
vie de Léonard y ont laissé des traces. Comme on peut en juger
par quelques spécimens gravés ici et tirés de la suite d'études de la
fameuse statue, cesdessins, d'une inspiration identique mais d'une
exécution infiniment variée, sont pour la plupart des croquis ou
des esquisses, c'est-à-dire les premières pensées d'un artiste qui
cherche sa composition, et retourne dans tous les sens le thème
qu'il a choisi. On s'étonnera peut-être de tant de ténacité et de
persistance, chez le capricieux Léonard, poursuivant, avec une
inexorable obstination, la solution d'une difficulté qui l'embar-
rasse : placer son héros, dans l'ardeur du combat, sur un cheval
cabré. On dira ce qu'on voudra au nom des principes de l'esthé-
tique. Mais il n'y a pas à raisonner contre des faits. Elle a existé,
cette idée fixe, réalisée de tous points dans le dessin simplifié
et apaisé de Munich, si furieusement, si longuement et, d'abord,
si confusément méditée par Léonard ; de nombreux tâtonne-
ments sont là pour montrer les phases par où elle a passé. Eh
bien! si ces croquis sont tous incontestablement des premiers
jets de pensée, des tâtonnements de Léonard, comment admet-
tic ensuite que leur résultat soit l'oeuvre de Pollajuolo?
Louis Courajod.
{La suite prochainement.)
CHRONIQUE FRANÇAISE ET ÉTRANGÈRE
France.—Académie des beaux-arts.— La séance annuelle de
l'Académie a eu lieu, ainsi que nous l'avions annoncé, le 18 octo-
bre, à deux heures, au palais Mazarin, sous la présidence de
M. G. Thomas. Un deuil de famille avait retenu M. Hébert,
président désigné. Ennemie du bruit et des manifestations épi-
■•rammatiques, l'Académie n'avait point, cette année, réservé
aux élèves de l'École des beaux-arts leur loge habituelle. Redou-
tait-on, par aventure, les mêmes protestations qu'en 1878 contre
des jugements mal rendus? En revanche, riches toilettes fémi-
nines et public élégant.
La cérémonie s'est ponctuellement passée suivant le program-
me invariable. D'abord, audition de l'ouverture de M. Véronge de
la Nux, pensionnaire de Rome, que l'on a écoutée sans plaisir et
qui a paru prétentieuse et froide, savante mais dénuée d'imagina-
tion. Puis est venu le discours du président, fleurs officielles jetées
sur les tombes de MM. Duc, Taylor, etc., allocution aux lauréats,
puis lecture des prix accordés pour les diverses fondations. Après
quoi, le secrétaire perpétuel, M. Delaborde, a pris place à la tri-
bune pour lire sa Notice sur la vie et les ouvrages de M. Duc.
Cette notice a été très applaudie, elle a retracé la vie de M. Duc
avec goût et justesse, montrant l'architecte aux prises, dès le
début, avec les fausses doctrines classiques, et aboutissant néan-
moins au robuste classicisme qui lui valut honneurs et succès.
« Il était dans sa destinée d'être heureux », a dit finement
M. Delaborde.
La séance s'est terminée par l'exécution de la scène lyrique,
intitulée Midée, qui a remporté le grand prix. Pleine d'entrain,
d'ardeur et de jeunesse, elle fait le plus grand honneur à l'auteur,
M. Hue.
Voici maintenant la liste des pri^ accordés par l'Académie.
Nous avons déjà mentionné, en leur temps, les résultats des
divers concours de l'année ; nous ne rappellerons donc que les
principaux :
Prix de Rome. — Peinture : M. Bramtot (Alfred-Henri),
nJ u Paris, le 18 juillet 1852; — Sculpture : M. Fagel (Léon),
né à Valenciennes, le 19 janvier 1851 ; —Architecture : M. Bla-
vette (Victor-Auguste), né à Brains (Sarthe), le 4 octobre 1850;
— Composition musicale : M. Hue (Georges-Adolphe), né à
Versailles, le 6 mai 1858.
Prix de M"" V" Lepriuce. — Rente de 3,000 francs à
répartir entre les lauréats des grands prix de Rome, peinture,
sculpture et gravure. Lauréats : MM. Bramtot, Fagel et
Blavette.
Prix Deschaumes. — 1,500 francs, à décerner à de jeunes
architectes. Lauréats : MM. Reynaud et Viée.
Prix Maillé-Laloux-Landry. — En faveur d'artistes déjà
connus dont le talent mérite d'être encouragé. Lauréats :
MM. Lucas, peintre; Turcan et Paris, sculpteurs.
Prix Bordin. — Accordé à une œuvre écrite sur un sujet
d'art ou de science. Le sujet était le suivant : « Recherches his-
toriques et biographiques sur les sculpteurs français de la
Renaissance, depuis le règne de Charles VIII jusqu'à celui de
Henri III. « Lauréat : M. Henri d'Escamps, inspecteur des
beaux-arts; — Mention honorable : M. Marquet de Vasselot,
statuaire. — Une troisième récompense a été accordée à M. Eug.
Mûntz, bibliothécaire de l'École des beaux-arts, pour son savant
ouvrage sur les Arts à la cour des papes.
Prix Trémont. — 2,000 francs à partager entre divers
artistes. Lauréats : MM. Roty, graveur, et Boisselot, composi-
teur de musique.
Prix Georges Lambert. — A partager entre des hommes de
lettres, des artistes, ou entre les veuves d'hommes de lettres ou
d'artistes. Lauréats : Mm- veuves Caron, Colin, Viger, Robinet,
et M. Dubasty.
Prix Achille Leclerc. — De 1,000 francs, à décerner à l'au-
teur du meilleur projet d'architecture mis au concours par
l'Académie. Lauréat : M. Girault (Charles).
Prix Jean Leclaire. — De 1,000 francs, à partager égale-
ment entre deux élèves architectes, au libre choix de l'Académie.
Lauréats : MM. Corrède 3 et Contamine.
1. I.eonardo e Michel Angelo, 1879, >n-8°, p. 89 et 90.
2. Sur la provenance des dessins recueillis par Pompeo I.eoni et conservés à Windsor, consultez la notice de Mariette sur Léonard réimprimée dans
l'Abecedario, tome III, p. 141 et 142; Charles Rogers, A collection ofprints in imitation of Drawings. Londres, 1878, in-f», tome I, I.eonardo, p. 4 ; J. Chamber-
laine, Imitations of original desings by Leonardo da Vinci, préface; et le Cabinet de l'Amateur de M. Piot, 1861-1862, p. 61, 2« colonne.
3. Ce jeune artiste, qui avait sa, dans ses compositions remplies de goût, de science et d'originalité, affirmer une personnalité remarquable, vient de
succomber à la suite d'une affection foudroyante.
9)
duc François. Il maintient son opinion dans la réimpression de |
son beau travail '. Le fait cependant est matériellement certain.
Un assez grand dessin de Léonard, à Windsor, représente un
cavalier dont le cheval, lancé au galop, pose le pied de devant
sur le tronc noueux d'un arbre. On y remarque absolument la
même disposition que dans deux des croquis de la gravure citée
plus haut. Un autre dessin, reproduit par nous, montre simulta-
nément un cavalier dans deux positions différentes : i° Le bras
est en arrière et le bâton de commandement est placé comme
dans un des croquis de l'estampe; 2° le bras est dirigé en avant
comme dans le dessin de Munich. Il est impossible désormais
de nier l'évidence. Qui voudrait contester maintenant que les
esquisses de la gravure n'aient été détachées de la suite des étu-
des de Léonard pour sa statue et que ces études ne soient, avec
notre dessin, dans des rapports de paternité et de filiation?
Les dessins conservés à Windsor, ajouterai-je, sont d'une
célébrité européenne ; leur authenticité et leur provenance 2 les
mettent au-dessus de la discussion. Tous les événements de la
vie de Léonard y ont laissé des traces. Comme on peut en juger
par quelques spécimens gravés ici et tirés de la suite d'études de la
fameuse statue, cesdessins, d'une inspiration identique mais d'une
exécution infiniment variée, sont pour la plupart des croquis ou
des esquisses, c'est-à-dire les premières pensées d'un artiste qui
cherche sa composition, et retourne dans tous les sens le thème
qu'il a choisi. On s'étonnera peut-être de tant de ténacité et de
persistance, chez le capricieux Léonard, poursuivant, avec une
inexorable obstination, la solution d'une difficulté qui l'embar-
rasse : placer son héros, dans l'ardeur du combat, sur un cheval
cabré. On dira ce qu'on voudra au nom des principes de l'esthé-
tique. Mais il n'y a pas à raisonner contre des faits. Elle a existé,
cette idée fixe, réalisée de tous points dans le dessin simplifié
et apaisé de Munich, si furieusement, si longuement et, d'abord,
si confusément méditée par Léonard ; de nombreux tâtonne-
ments sont là pour montrer les phases par où elle a passé. Eh
bien! si ces croquis sont tous incontestablement des premiers
jets de pensée, des tâtonnements de Léonard, comment admet-
tic ensuite que leur résultat soit l'oeuvre de Pollajuolo?
Louis Courajod.
{La suite prochainement.)
CHRONIQUE FRANÇAISE ET ÉTRANGÈRE
France.—Académie des beaux-arts.— La séance annuelle de
l'Académie a eu lieu, ainsi que nous l'avions annoncé, le 18 octo-
bre, à deux heures, au palais Mazarin, sous la présidence de
M. G. Thomas. Un deuil de famille avait retenu M. Hébert,
président désigné. Ennemie du bruit et des manifestations épi-
■•rammatiques, l'Académie n'avait point, cette année, réservé
aux élèves de l'École des beaux-arts leur loge habituelle. Redou-
tait-on, par aventure, les mêmes protestations qu'en 1878 contre
des jugements mal rendus? En revanche, riches toilettes fémi-
nines et public élégant.
La cérémonie s'est ponctuellement passée suivant le program-
me invariable. D'abord, audition de l'ouverture de M. Véronge de
la Nux, pensionnaire de Rome, que l'on a écoutée sans plaisir et
qui a paru prétentieuse et froide, savante mais dénuée d'imagina-
tion. Puis est venu le discours du président, fleurs officielles jetées
sur les tombes de MM. Duc, Taylor, etc., allocution aux lauréats,
puis lecture des prix accordés pour les diverses fondations. Après
quoi, le secrétaire perpétuel, M. Delaborde, a pris place à la tri-
bune pour lire sa Notice sur la vie et les ouvrages de M. Duc.
Cette notice a été très applaudie, elle a retracé la vie de M. Duc
avec goût et justesse, montrant l'architecte aux prises, dès le
début, avec les fausses doctrines classiques, et aboutissant néan-
moins au robuste classicisme qui lui valut honneurs et succès.
« Il était dans sa destinée d'être heureux », a dit finement
M. Delaborde.
La séance s'est terminée par l'exécution de la scène lyrique,
intitulée Midée, qui a remporté le grand prix. Pleine d'entrain,
d'ardeur et de jeunesse, elle fait le plus grand honneur à l'auteur,
M. Hue.
Voici maintenant la liste des pri^ accordés par l'Académie.
Nous avons déjà mentionné, en leur temps, les résultats des
divers concours de l'année ; nous ne rappellerons donc que les
principaux :
Prix de Rome. — Peinture : M. Bramtot (Alfred-Henri),
nJ u Paris, le 18 juillet 1852; — Sculpture : M. Fagel (Léon),
né à Valenciennes, le 19 janvier 1851 ; —Architecture : M. Bla-
vette (Victor-Auguste), né à Brains (Sarthe), le 4 octobre 1850;
— Composition musicale : M. Hue (Georges-Adolphe), né à
Versailles, le 6 mai 1858.
Prix de M"" V" Lepriuce. — Rente de 3,000 francs à
répartir entre les lauréats des grands prix de Rome, peinture,
sculpture et gravure. Lauréats : MM. Bramtot, Fagel et
Blavette.
Prix Deschaumes. — 1,500 francs, à décerner à de jeunes
architectes. Lauréats : MM. Reynaud et Viée.
Prix Maillé-Laloux-Landry. — En faveur d'artistes déjà
connus dont le talent mérite d'être encouragé. Lauréats :
MM. Lucas, peintre; Turcan et Paris, sculpteurs.
Prix Bordin. — Accordé à une œuvre écrite sur un sujet
d'art ou de science. Le sujet était le suivant : « Recherches his-
toriques et biographiques sur les sculpteurs français de la
Renaissance, depuis le règne de Charles VIII jusqu'à celui de
Henri III. « Lauréat : M. Henri d'Escamps, inspecteur des
beaux-arts; — Mention honorable : M. Marquet de Vasselot,
statuaire. — Une troisième récompense a été accordée à M. Eug.
Mûntz, bibliothécaire de l'École des beaux-arts, pour son savant
ouvrage sur les Arts à la cour des papes.
Prix Trémont. — 2,000 francs à partager entre divers
artistes. Lauréats : MM. Roty, graveur, et Boisselot, composi-
teur de musique.
Prix Georges Lambert. — A partager entre des hommes de
lettres, des artistes, ou entre les veuves d'hommes de lettres ou
d'artistes. Lauréats : Mm- veuves Caron, Colin, Viger, Robinet,
et M. Dubasty.
Prix Achille Leclerc. — De 1,000 francs, à décerner à l'au-
teur du meilleur projet d'architecture mis au concours par
l'Académie. Lauréat : M. Girault (Charles).
Prix Jean Leclaire. — De 1,000 francs, à partager égale-
ment entre deux élèves architectes, au libre choix de l'Académie.
Lauréats : MM. Corrède 3 et Contamine.
1. I.eonardo e Michel Angelo, 1879, >n-8°, p. 89 et 90.
2. Sur la provenance des dessins recueillis par Pompeo I.eoni et conservés à Windsor, consultez la notice de Mariette sur Léonard réimprimée dans
l'Abecedario, tome III, p. 141 et 142; Charles Rogers, A collection ofprints in imitation of Drawings. Londres, 1878, in-f», tome I, I.eonardo, p. 4 ; J. Chamber-
laine, Imitations of original desings by Leonardo da Vinci, préface; et le Cabinet de l'Amateur de M. Piot, 1861-1862, p. 61, 2« colonne.
3. Ce jeune artiste, qui avait sa, dans ses compositions remplies de goût, de science et d'originalité, affirmer une personnalité remarquable, vient de
succomber à la suite d'une affection foudroyante.