94 L'ART.
Vasari et serait décrit par lui1. Voici le texte de Vasari : f ne me suffit plus quand elle est contredite absolument par
l'examen des faits.
Tout d'abord rien ne me porte à attribuer a priori ce
sujet de sculpture à Pollajuolo. En effet, si je n'ai pas actuel-
lement de bases certaines pour juger les dessins de cet artiste2,
il n'en est pas de même de ses travaux de sculpture. Les tom-
beaux de Sixte IV et d'Innocent VIII sont là pour nous trans-
mettre sa manière. Cette manière est anguleuse et boursoullée.
pleine de ragoût, si l'on veut, mais exagére'e et tourmentée.
Antonio del Pollajuolo n'a pas été nommé en vain le Bernin des
Quatrecentistes. Or le modèle en question, bien pondéré dans
son mouvement, ne rappelle pas nécessairement et invincible-
ment un auteur de style violent et maniéré. Ce n'est donc pas à
Pollajuolo, qu'en dehors de preuves bien convaincantes, nous
pourrions attribuer, d'instinct, le modèle. On va voir, d'autre
part, que ces preuves indispensables ne sauraient exister.
J'ai déjà expliqué3 que les esquisses gravées, dit-on, par
« E si trovo, dopo la morte sua, il disegno e modello che
a Ludovico Sforza egli aveva fatto per la statua a cavallo di
Francesco Sforza, duca di Milano, il quale disegno è ncl
nostro libro, in due modi : in uno egli ha sotto Verona:
nell' altro egli, tutto armato, e sopra un basamento pieno
di battaglie, fa saltare il cavallo addosso a un armato. » Je
suis toujours d'accord avec M. Morelli. J'accepterai, si l'on veut,
de croire, quoique le dessin, rogné du bas, ait perdu son « basa-
nte» to pieno di battaglie », que le document de Munich soit
l'une des feuilles de papier recueillies après la mort de Polla-
juolo et qu'elle ait été possédée par Vasari. Si la chose n'est
pas évidente, elle est très suffisamment vraisemblable. Mais je
refuse d'aller plus loin. Oui, le dessin peut être à la rigueur de
Pollajuolo", oui. Vasari a pu le décrire et le posséder. Il m'est
impossible, au contraire, d'admettre qu'il reproduise une com-
position et un modèle de Pollajuolo. L'affirmation de Vasari
Léonard lui-même et, en tout cas, d'après ses dessins, étaient des
études pour la statue de Francesco Sforza, dans lesquelles le
sculpteur cherchait le point d'appui nécessaire à l'équilibre d'un
cheval dressé sur ses jambes de derrière. J'affirmais ce fait en
rapprochant du dessin de Munich ces esquisses gravées, signalées
autrefois dans la seconde édition des dessins publiés par Gerli 4.
décrites dans le Peintre-graveur de Passavant 5, et données en
fac-similé par M. le marquis d'Adda dans son remarquable article
sur la gravure milanaise6. J'invoquais également l'argument
qu'on pouvait tirer de la présence des bases sous les pieds des
chevaux. M. Camillo Boito, dans un passage du Saggio délie
opère di Leonardo, etc., déjà reproduit par nous", se refuse
à croire que ces cavaliers, inspirés par la vue de bas-reliefs
antiques, traduisent une pensée destinée à la statue du
collée sur l'un des feuillets du recueil de dessins de Vallardi, f° 249, 11° 2569. La jambe du même homme a été reproduite plusieurs fois par Gerli, pl. XXXIII
et XXXIV. Son torse a été gravé par Hollar (Wenzel Hollar — Besclireibcndes rer\eicliniss seiner kupferstiche, par Gustave Parthey. Berlin, 1853. p. 400,
n° 1772). Si l'attribution esr bonne, c'est-à-dire si le dessin attribué à cet insaisissable Pollajuolo n'est pas tout simplement une étude courante exécutée par quelque
Florentin plus ou moins directement d'après quelque modèle attitré dans l'école de Léonard, il faut admettre que le personnage du milieu, dont le bras est tranché,
a été inspiré à Pollajuolo par Léonard. Quoi qu'il en soit, il me paraît intéressant de relever les points de contact entre les artistes d'une même époque, sans que je
me porte actuellement garant de l'attribution du dessin du Louvre n» i486, ni que je soutienne que le dessin n" 2J69, assez médiocre, quoique émanant à un degré
quelconque de 1 école lombarde, soit attribuable à Léonard. Le dessin 2569 est décrit : Disegni di Leonardo da Vinci possédâti da Giuteppt Vallardi- Milan, 1855,
in-8», p. 57.
1. I.c Vite, tome III, p. 297 de la dernière édition de M. Gaëtano Milanesi.
2 Sur cette personnalité complexe, voyez la note de la page précédente.
;. Ga;ette des Beaux-Arts, deuxième période, tome XVI, p. 422, 42;, 126.
4. Edition donnée par Vallardi en i8jo, p. y, note,
ç. Tome V, p. 181, n" j.
6. Galette des Beaux-Ans, tome XXV, p. 14;. C'est grâce à snc photographie obligeamment communiquée par M. le marquis d'Adda que nous avons pu
donner un nouveau fac-similé de cette rarissime estampe.
7. Galette des Beaux-Arts, deuxième période, tome XVI, p. 124.
Vasari et serait décrit par lui1. Voici le texte de Vasari : f ne me suffit plus quand elle est contredite absolument par
l'examen des faits.
Tout d'abord rien ne me porte à attribuer a priori ce
sujet de sculpture à Pollajuolo. En effet, si je n'ai pas actuel-
lement de bases certaines pour juger les dessins de cet artiste2,
il n'en est pas de même de ses travaux de sculpture. Les tom-
beaux de Sixte IV et d'Innocent VIII sont là pour nous trans-
mettre sa manière. Cette manière est anguleuse et boursoullée.
pleine de ragoût, si l'on veut, mais exagére'e et tourmentée.
Antonio del Pollajuolo n'a pas été nommé en vain le Bernin des
Quatrecentistes. Or le modèle en question, bien pondéré dans
son mouvement, ne rappelle pas nécessairement et invincible-
ment un auteur de style violent et maniéré. Ce n'est donc pas à
Pollajuolo, qu'en dehors de preuves bien convaincantes, nous
pourrions attribuer, d'instinct, le modèle. On va voir, d'autre
part, que ces preuves indispensables ne sauraient exister.
J'ai déjà expliqué3 que les esquisses gravées, dit-on, par
« E si trovo, dopo la morte sua, il disegno e modello che
a Ludovico Sforza egli aveva fatto per la statua a cavallo di
Francesco Sforza, duca di Milano, il quale disegno è ncl
nostro libro, in due modi : in uno egli ha sotto Verona:
nell' altro egli, tutto armato, e sopra un basamento pieno
di battaglie, fa saltare il cavallo addosso a un armato. » Je
suis toujours d'accord avec M. Morelli. J'accepterai, si l'on veut,
de croire, quoique le dessin, rogné du bas, ait perdu son « basa-
nte» to pieno di battaglie », que le document de Munich soit
l'une des feuilles de papier recueillies après la mort de Polla-
juolo et qu'elle ait été possédée par Vasari. Si la chose n'est
pas évidente, elle est très suffisamment vraisemblable. Mais je
refuse d'aller plus loin. Oui, le dessin peut être à la rigueur de
Pollajuolo", oui. Vasari a pu le décrire et le posséder. Il m'est
impossible, au contraire, d'admettre qu'il reproduise une com-
position et un modèle de Pollajuolo. L'affirmation de Vasari
Léonard lui-même et, en tout cas, d'après ses dessins, étaient des
études pour la statue de Francesco Sforza, dans lesquelles le
sculpteur cherchait le point d'appui nécessaire à l'équilibre d'un
cheval dressé sur ses jambes de derrière. J'affirmais ce fait en
rapprochant du dessin de Munich ces esquisses gravées, signalées
autrefois dans la seconde édition des dessins publiés par Gerli 4.
décrites dans le Peintre-graveur de Passavant 5, et données en
fac-similé par M. le marquis d'Adda dans son remarquable article
sur la gravure milanaise6. J'invoquais également l'argument
qu'on pouvait tirer de la présence des bases sous les pieds des
chevaux. M. Camillo Boito, dans un passage du Saggio délie
opère di Leonardo, etc., déjà reproduit par nous", se refuse
à croire que ces cavaliers, inspirés par la vue de bas-reliefs
antiques, traduisent une pensée destinée à la statue du
collée sur l'un des feuillets du recueil de dessins de Vallardi, f° 249, 11° 2569. La jambe du même homme a été reproduite plusieurs fois par Gerli, pl. XXXIII
et XXXIV. Son torse a été gravé par Hollar (Wenzel Hollar — Besclireibcndes rer\eicliniss seiner kupferstiche, par Gustave Parthey. Berlin, 1853. p. 400,
n° 1772). Si l'attribution esr bonne, c'est-à-dire si le dessin attribué à cet insaisissable Pollajuolo n'est pas tout simplement une étude courante exécutée par quelque
Florentin plus ou moins directement d'après quelque modèle attitré dans l'école de Léonard, il faut admettre que le personnage du milieu, dont le bras est tranché,
a été inspiré à Pollajuolo par Léonard. Quoi qu'il en soit, il me paraît intéressant de relever les points de contact entre les artistes d'une même époque, sans que je
me porte actuellement garant de l'attribution du dessin du Louvre n» i486, ni que je soutienne que le dessin n" 2J69, assez médiocre, quoique émanant à un degré
quelconque de 1 école lombarde, soit attribuable à Léonard. Le dessin 2569 est décrit : Disegni di Leonardo da Vinci possédâti da Giuteppt Vallardi- Milan, 1855,
in-8», p. 57.
1. I.c Vite, tome III, p. 297 de la dernière édition de M. Gaëtano Milanesi.
2 Sur cette personnalité complexe, voyez la note de la page précédente.
;. Ga;ette des Beaux-Arts, deuxième période, tome XVI, p. 422, 42;, 126.
4. Edition donnée par Vallardi en i8jo, p. y, note,
ç. Tome V, p. 181, n" j.
6. Galette des Beaux-Ans, tome XXV, p. 14;. C'est grâce à snc photographie obligeamment communiquée par M. le marquis d'Adda que nous avons pu
donner un nouveau fac-similé de cette rarissime estampe.
7. Galette des Beaux-Arts, deuxième période, tome XVI, p. 124.