Cartouche composé par A. Mitelli.
a II fallait un calculateur; ce fut un danseur qu'on choisit. » Le mot de Figaro demeure
toujours juste. Il fallait une grande œuvre qui fît honneur à la ville de Paris ; on a choisi trois
projets auxquels manque la qualité maîtresse qui fait l'art, l'originalité, trois œuvres médiocres
et banales, qui démontrent une fois de plus la nécessité de changer la constitution de nos jurys
en matière d'art.
Tout le mal est là. Certes on ne peut douter de la bonne volonté du conseil municipal de
Paris pour les arts. Il n'est pas moins sûr que personne dans le jury n'avait de parti pris en
faveur de la médiocrité. En parcourant la liste des juges choisis, si l'on en trouvait quelques-uns
dont la compétence pouvait inspirer certains doutes, on se sentait instinctivement rassuré par la
présence d'une majorité d'hommes éclairés et d'artistes éminents. 11 paraissait impossible que ce
ne fût pas cette majorité qui triomphât et qui fit triompher avec elle la justice.
Eh bien ! c'est là un préjugé, et c'est ce préjugé qui fait avorter presque tous nos concours
d'art. Ce que je vais dire a tout l'air d'un paradoxe, et cependant rien n'est plus vrai ni même
n'est plus facile à comprendre, pourvu qu'on se donne la peine d'y réfléchir : plus sont
convaincus les hommes de talent quon réunit dans un jury pour juger une œuvre d'art,
plus il y a de chances pour que le jugement soit injustifiable et indigne de chacun d'eux en
particulier. Remarquez bien que je parle seulement des œuvres d'art. Pour une œuvre scientifique,
ce serait tout autre chose. Mais dans l'art la personnalité est tellement la qualité dominante qu'elle
n'admet aucune transaction. Plus un artiste a de talent dans le sens élevé et complet du mot,
plus sa personnalité est accentuée, plus il a de peine à accepter chez les autres les qualités qui
ne concordent pas avec les siennes propres, Si donc on rassemble en un même jury un certain
nombre de ces tempéraments contraires, comme l'étaient ceux d'Ingres et de Delacroix par exemple
ou de Carpeaux et de Perraud, on peut être sûr qu'ils seront absolument divisés sur les choix à
i. Cet article devait paraître beaucoup plus tôt. Mais nous tenions à justifier nos conclusions en donnant le dessin de l'œuvre que pour
notre compte nous mettons bien au-dessus de toutes les autres. L'impossibilité de faire photographier dans la salle même du concours, et
par conséquent la nécessité d'attendre la fin de l'exposition, nous ont condamnés à des retards absolument indépendants de notre volonté.
a II fallait un calculateur; ce fut un danseur qu'on choisit. » Le mot de Figaro demeure
toujours juste. Il fallait une grande œuvre qui fît honneur à la ville de Paris ; on a choisi trois
projets auxquels manque la qualité maîtresse qui fait l'art, l'originalité, trois œuvres médiocres
et banales, qui démontrent une fois de plus la nécessité de changer la constitution de nos jurys
en matière d'art.
Tout le mal est là. Certes on ne peut douter de la bonne volonté du conseil municipal de
Paris pour les arts. Il n'est pas moins sûr que personne dans le jury n'avait de parti pris en
faveur de la médiocrité. En parcourant la liste des juges choisis, si l'on en trouvait quelques-uns
dont la compétence pouvait inspirer certains doutes, on se sentait instinctivement rassuré par la
présence d'une majorité d'hommes éclairés et d'artistes éminents. 11 paraissait impossible que ce
ne fût pas cette majorité qui triomphât et qui fit triompher avec elle la justice.
Eh bien ! c'est là un préjugé, et c'est ce préjugé qui fait avorter presque tous nos concours
d'art. Ce que je vais dire a tout l'air d'un paradoxe, et cependant rien n'est plus vrai ni même
n'est plus facile à comprendre, pourvu qu'on se donne la peine d'y réfléchir : plus sont
convaincus les hommes de talent quon réunit dans un jury pour juger une œuvre d'art,
plus il y a de chances pour que le jugement soit injustifiable et indigne de chacun d'eux en
particulier. Remarquez bien que je parle seulement des œuvres d'art. Pour une œuvre scientifique,
ce serait tout autre chose. Mais dans l'art la personnalité est tellement la qualité dominante qu'elle
n'admet aucune transaction. Plus un artiste a de talent dans le sens élevé et complet du mot,
plus sa personnalité est accentuée, plus il a de peine à accepter chez les autres les qualités qui
ne concordent pas avec les siennes propres, Si donc on rassemble en un même jury un certain
nombre de ces tempéraments contraires, comme l'étaient ceux d'Ingres et de Delacroix par exemple
ou de Carpeaux et de Perraud, on peut être sûr qu'ils seront absolument divisés sur les choix à
i. Cet article devait paraître beaucoup plus tôt. Mais nous tenions à justifier nos conclusions en donnant le dessin de l'œuvre que pour
notre compte nous mettons bien au-dessus de toutes les autres. L'impossibilité de faire photographier dans la salle même du concours, et
par conséquent la nécessité d'attendre la fin de l'exposition, nous ont condamnés à des retards absolument indépendants de notre volonté.