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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 5.1879 (Teil 4)

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Courajod, Louis: La statue de Francesco Sforza modelée par Léonard de Vinci et le dessin de Munich, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.17802#0134

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LA STATUE DE FRANCESCO SFORZA

MODELEE PAR LEONARD DE VINCr

ET LE DESSIN DE MUNICH'

(suite)

Est-ce que Léonard était un plagiaire? Oui, sans doute, il
étudiait les ouvrages de ses contemporains et les chefs-d'œuvre
de l'antiquité. Il a dessiné les chevaux de Venise; il a dessiné la
statue de Marc-Aurcle et les colosses du Monte-Cavallo. lia des-
siné la figure de Gattamelata et celle du Colleone. Il a copié bien
d'autres sculptures*. Vasari a parlé de quelques-uns de ses em-
prunts3. Il aurait pu tirer un dessin du projet de Pollajuolo.
Mais quand Léonard copie, on reconnaît que l'inspiration ne
vient pas de lui. Tout, au contraire, est spontané ou cherché et
trouvé du bout de la plume dans les croquis de la statue. Venez
donc dire maintenant que le dessin de Munich, au lieu d'être le
but auquel tendaient tous ces efforts, n'en est que le point de départ
et que ces immenses recherches ne sont que l'interprétation ou
l'imitation du prétendu modèle de Pollajuolo. Le fier Léonard,
le créateur par excellence, travaillant seize ans pour dérober la

pensée d'un autre*! J'ai à mon tour le droit de m'écrier : <.....Ci

sembra cosa incredibile ! »

Plagiaire aurait encore été Léonard, quand, dans le carton
de la bataille d'Anghiari. il a dessiné le groupe du combat du
drapeau. Léonard aimait certainement à reproduire, ailleurs que
dans d'innombrables croquis, l'effort que fait le cheval se repliant
sur ses jarrets pour franchir un obstacle ou se jeter en avant.
L'homme couché qu'il avait si longtemps étudié pour la statue,
on le voit étendu sous l'avant-main du cheval de gauche 3. Dira-
t-on que ce sont là des banalités communes à toute une école?
L'argument ne peut s'appliquer à Léonard. On n'a donc vraiment
à opposera cet invincible raisonnement par l'absurde qu'un mot
de Vasari. Mais Vasari n'avait pas vu la statue de Milan, et on sait
ce que valent ses renseignements quand il parle de faits dont il
n'a pas été témoin. Les documents d'histoire, à mesure qu'ils se
découvrent, infligent au biographe des artistes italiens les plus
cruels démentis*. Il n'est même pas besoin de récuser absolu-
ment le témoignage d'un auteur aussi souvent mal informé.
Vasari dit que Pollajuolo avait chez lui deux dessins du projet
de la statue de Francesco Sforza qu'il avait préparé pour le
monument. La description du second de ces dessins correspond
parfaitement au dessin de Munich. 11 est donc admissible,

je le répète, comme le propose M. Morelli, que le dessin de
Munich, possédé par Vasari, ait pu être exécuté par Pollajuolo.
Mais il ne s'en suit pas du tout que ce second dessin, une fois
identifié avec celui de Munich, ail e'té nécessairement l'expres-
sion de la pensée personnelle de Pollajuolo.

Antonio del Pollajuolo, mort seulement en 1498, peut très
bien avoir vu et dessiné la statue de Léonard 7, et en avoir rap-
proché la reproduction d'un autre projet qui lui était personnel.
S'il y a un imitateur, pourquoi accuser Léonard? Que les parti-
sans de Pollajuolo commencent par nous montrer, pour leur
dessin arrêté et unique, une suite d'études et d'esquisses aussi
nombreuses et aussi probantes que celles du Vinci.

I I I

J'avais soutenu que ledessin de Munich, en même temps qu'il
traduisait la pensée de Léonard, nous conservait, à un degré
quelconque, l'image de celui des deux projets qui fut exécuté
par lui en dernier lieu. Cette proposition n'a pas soulevé moins
d'objections que la première. Kn effet, sous prétexte que l'abon-
dance des documents égarait la critique au lieu de la diriger, 011
a depuis longtemps déclaré que le problème du choix des projets
était insoluble en dehors de certaines considérations d'esthétique
générale. Je persiste à croire que la question peut être éclairée
par l'histoire. Pour la résoudre, il faut l'aborder naïvement,
sans parti pris, sans préoccupations antérieures, avec le doute
méthodique, comme l'aurait traitée Léonard lui-même, c'est-à-
dire le père de l'esprit scientifique moderne, le disciple de l'expé-
rience, le maître qui ne craignait pas d'employer le raisonne-
ment et le secours des mathématiques dans l'appréciation des
plus subtiles proportions de la forme, l'artiste eniinqui ne crut pas
faire déchoir l'art en cherchant à faire de l'art une science. Ins-
pirons-nous donc de l'esprit de Léonard et partons de l'examen
des faits, c'est-à-dire de cette masse énorme de renseignements
que nous a conservés la main respectueuse de ses élèves. Ce
sera un devoir pour l'Europe savante de publier intégrale-
ment les manuscrits et les dessins dépositaires d'une telle pen-
sée s. On n'avait donc qu'à interroger les papiers de Léonard

1. Voir l'Art, <,' année, tome IV, page 91.

1. Voyez les fac-similés de Gerli et les dessins de la reine d'Angleterre à Windsor désignes ci-après.
}. Le Vite, seconde édition de M. Gaètano Milanesi, tome III, 1879, P' 3°4-

4. Léonard a dit dans son Traité de la Peinture (Rome, 1817, p. 69) : « Dico alIi pittori che mai nessuno dee imiture la maniera d'un altio, perché sarà
detto nipote c non (iglio délia natura. *

f. Le carton de Léonard pour lu bataille d'Anghiari nous est partiellement connu par la description très précise de Vasari {I.e Vite, éd. I.emonnier.
lome Vit, p. 31 avec laquelle concorde suffisamment le dessin de la casa Ruccellaj, gravé dans YEtruria pitlrire, pl. 29, et la copie plus ou moins directe de
Rubcns qui est au Louvre, n" 565 du catalogue des dessins. Gérard Edelinck a gravé également le même sujet. Il existe aussi quelques peintures anciennes
reproduisant et réduisant la composition. Le croquis inséré dans cet article est tiré de l'une de ces peintures appartenant actuellement à M. Timbal et gravée par
M. Haussoullier. Quelque altérés que puissent être par des interprétations successives ledessin et la composition de Léonard, on voit que ces lourdes croupes de
chevaux correspondent à la disposition du cheval de Munich. On remarquera aussi l'homme tombé par terre ainsi décrit,par Vasari : « Quelle altro cou le gambe
e con le braccia sbattuto fa ciô che egli puo per non volcre la morte. »

6. Ce sera l'honneur du magnifique travail de M. Eug. Mûntz, les Arts à la cour des Papes, de venir, concurremment avec les documents publiés 'par les
Gaye, les Reumont, les Citadella, les Campori et les Milanesi, nous affranchir de notre humiliante crédulité envers les fables de Vasari.

7. Voyez ce qui a été dit plus haut, p. 91, note. Le contact entre les deux artistes ne serait pas un fait isolé.

8. L'exemple a été donné depuis longtemps : Varia: figura; et probe artem picturx incipiendœ juventuti utiles a Wcnceslao Ilollar, Poli., aq. f. cfre
inc. 1645; Varice figura- monstruosa; are inc. a Jacobo Sandrart. Ratisbonne, 1654; Caylus et Mariette, Recueil de charges et de tètes de différents caractères
gravées à l'eau-forte d'après les dessins de Léonard de Vinci, 1730 et 1767; Gerli, Disegni di I.eonardo da Vinci incisi e pubblicali, Milan, 1784; Vallardi
(nouvelle édition de Gerli, i8jo); John Chamberlaine, Imitations of original designs by Léonard da Vinci, 1796; MM. Mon«eri, lioito, Govi (Saggio délie opère
di I.eonardo da Vinci, 1872). La reine d'Angleterre en faisant photographier de nombreux dessins de sa collection, après les avoir exposés [Exhibition of
n'orks by the old masters, Royal Academy of arts, Burlington House, 1S79), a donné une nouvelle impulsion à cette utile entreprise. Elle sera continuée. M. Charles
Ravaisson Mollien va publier prochainement le texte photographié des manuscrits de Léonard conservés dans la bibliothèque de l'Institut de France,
 
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