CHRONIQUE FRANÇAISE ET ÉTRANGÈRE.
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drame lyrique dont M. Leconte de Lisle a écrit le poème :
Hécube. Les deux premiers actes sont terminés. La pièce en
aura trois.
— M. Bonnat vient de terminer ,1e portrait de M. Jules
Grévy, qui sera exposé au Salon de 1880. Le président de la
république est représenté debout et de face, la tète légèrement
inclinée en arrière.
Lyon. — La commission exécutive de la Société des Amis
des arts a l'honneur de prévenir MM. les artistes qu'elle ouvrira,
comme à l'ordinaire, son exposition annuelle dans la première
quinzaine de janvier 1880.
La Société peut donner, pour preuve du succès des exposi-
tions organisées par elle, le résultat matériel des opérations
qu'elle accomplit, ou dont elle est la cause première ; ainsi les
achats faits, soit par la Société des Amis des arts, soit par la ville,
soit par les amateurs, atteignent, en moyenne, depuis plusieurs
années, le chiffre de quatre-vingt mille francs. Plusieurs oeuvres
d'un prix élevé sont comprises dans ces acquisitions.
Le conseil municipal a bien voulu mettre à la disposition
de la commission exécutive la somme de six mille francs, en la
chargeant d'acquérir, pour le compte de la ville, une des œuvres
d'art exposées au Salon annuel, l'oeuvre d'art achetée devenant
la propriété de la ville et devant être par conséquent placée dans
une des salles des musées publics.
En outre, des médailles de différentes valeurs seront décer-
nées aux auteurs des œuvres les plus remarquées du Salon.
Tous les renseignements seront donnés par M. Denervaud,
secrétaire de la Société des Amis des arts. Palais des arts, à Lyon.
Allemagne et Belgique. — En annonçant que le gouver-
nement allemand a acheté, à Rome, la Casa Bartholdy, pour
en faire la Villa Médicis des Allemands, l'Indépendance belge a
spirituellement ajouté à propos des œuvres de Cornélius, Veit,
Schadow et autres maîtres allemands de même époque, tous
chers au défunt consul général Bartholdy : « Ces souvenirs de la
seconde renaissance artistique de l'Allemagne rappelleront aux
pensionnaires de l'Académie la patrie absente, mais dans l'inté-
rêt d'une troisième renaissance, il est à souhaiter qu'ils ne les
étudient pas de trop près, ou du moins qu'ils suivent le conseil
de Molière :
C'est par les beaux côtés qu'il leur faut ressembler.
...si beaux côtés il y eut, ce qui est fort sujet à caution. Pour
nous, tous ces peintres qui ne savaient pas peindre, mais qui
étaient tout confits en pédanterie et en 'SYasserglass sous pré-
texte de grand art, ont été un véritable fléau pour le libre déve-
loppement de l'école germanique. Albrecht Durer devait en fré-
mir d'indignation dans sa tombe. Heureusement que des artistes,
des maîtres, tels que le portraitiste F. Lenbach dont l'Art a
reproduit la ligure si puissamment accentuée du Chanoine Dol-
linger '. et ce jeune Wilhelm Lcibl, l'auteur des Paysans 2, un
des plus légitimes succès de l'Exposition Universelle de l'an der-
nier, ont su retrouver la véritable voie nationale et y marcher
d'un pas aussi hardi que victorieux.
Pour en revenir à la Casa Bartholdy, c'est une acquisition
pavée de bonnes intentions inévitablement fertiles en résultats
néfaste*, si, comme il y a lieu de le craindre, l'organisation aca-
démique s'introduit dans la place, comme chez son antique voi-
sine de la Villa Médicis, hélas !
Cette déplorable tendance, à laquelle est entrain de succom-
ber 1 art allemand officiel, menace depuis quelque temps déjà de
s'imposer subrepticement au sein de la libre et communale petite
Belgique, qui fera sagement de se souvenir que, si elle est très
grande par son illustre passé artistique, elle le doit exclusivement
au tempérament invinciblement flamand, à l'éducation aussi
anti-romaine que possible de ses maîtres de génie. Qu'elle se
garde donc comme de la peste, de se laisser aller à fonder à Rome
une Académie de Belgique, qui ne profiterait qu'au seul tenta-
teur intéressé qui en rêve la direction et ourdit force trames
savamment cousues de fil blanc pour faire transformer en Villa
Médicis belge un vieux couvent que possède son gouvernement
dans la Ville Eternelle. Il en cuirait aux contribuables pour
n'aboutir qu'à la production d'interminables séries de fruits secs.
Tout artiste d'une organisation vraiment personnelle se hâte,
après quelques mois à peine de séjour, de fuir Rome, ce milieu
aussi archéologique que peu artistique. Dans ces derniers
temps l'émigration, vers Paris surtout, a été considérable. Nous
pourrions citer bien des noms ; nous nous contenterons aujour-
d'hui d'un seul ; un des derniers prix de Rome de Belgique,
M. Dillens, n'a eu rien de plus pressé que de déserter Rome pour
Florence, cédant au sentiment qui a précisément fait fonder par
l'Art le Grand Prix de Florence.
Angleterre. — Le British Muséum recevra prochainement
des antiquités provenant des fouilles faites dans l'île de Chypre,
à Amathonte. Ce n'est qu'un premier envoi, et un grand nombre
d'autres objets provenant des mêmes fouilles attendent sur le
rivage le navire qui les transportera en Angleterre.
— M. Brock a terminé le modelage en argile de la statue de
Sir Rowland Hill, le célèbre post-master général, qui doit être
érigée à Kidderminster.
— Le programme de la Society of arts pour sa i26p session
vient d'être publié. Voici quelques-unes des conférences qui
seront données dans cette session dont la première séance aura
lieu le 19 novembre : l'art en Afghanistan, par William Simpson,
d'après les résultats de récentes explorations dans la vallée de
Jellalabad. L'art au Japon, par C. Pfoundes. Les procédés mo-
dernes d'impression autographique, par Thomas Bolas, F. C. S.
L'histoire de la reliure, par Henry B. Wheatley, F. S. A. L'art
du fer, par J. W. Singer. L'histoire du diapason musical, par
A. J. Ellis, F. R. S.
Belgique. — Le principal événement artistique de la semaine
est le Festival Gounod, donné à Anvers le 4 novembre en l'hon-
neur du maître français et sous sa direction. Une seconde audi-
tion a eu lieu le 9 au prolit de la fondation d'une Société de
secours mutuels pour les artistes musiciens. Le succès de ce
festival a été éclatant. Anvers a littéralement adopté l'illustre
auteur de Faust, qui a eu l'honneur et le privilège assez rare,
même pour un artiste, dans une ville où les luttes d'opinions,
tant politiques que religieuses, sont aussi ardentes que dans la
cité de Rubens, d'obtenir sans l'avoir demandée une trêve des
partis, et de grouper autour de son œuvre et de sa personne
toutes les forces vives de la population anversoise. Il y a quel-
ques mois, son Polyeucte, dirigé par lui au grand théâtre d'An-
vers, tournait toutes les têtes, et les amateurs anversois, enchantés
de la partition, et flattés de la présence du compositeur, prenaient
la résolution d'organiser un festival dont le programme fût
entièrement emprunté à son œuvre. La Messe du Sacré-Cœur
et des fragments importants de Sapho (tout le y acte et le finale
du ipr acte) formaient les pièces de résistance de ce programme
qui a été magistralement exécuté à l'aide de ressources presque
exclusivement anversoises. La Société royale d'harmonie avait
prêté le local, vaste salle qui ne contient pas moins de },ooo per-
sonnes, et qui le soir, avec son éclairage féerique, et la foule
encombrant la nef principale, les galeries, et jusqu'à l'escalier
qui mène au premier étage, offrait un spectacle vraiment mer-
veilleux. Six cents exécutants étaient placés sur l'estrade. La
Société de musique d'Anvers en avait fourni le noyau le plus
1. Voir l'Art, année, tome III, page 36.
2. Cette œuvre, d'un sentiment de nature si profond, a élé acquise par un amateur des plus distingué» qui fait partie de la colonie américaine de Paris.
C'ttt un des joyaux de la précieuse collection réunie dans l'hôtel de M. William Stewart, au Cours-la-Reine. Nous devons à l'extrême courtoisie de M. Stewart
d'avoir pu faire reproduire pour les abonnés de l'Art le beau tableau de M. Leibl. C'est le sculpteur-aquafortiste hollandais M. F. Leenhoff que nous avons chargé
de graver le» l'jysans ei qui s'en est acquitté avec infiniment de talent. Sa planche est magistralement dessinée.
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drame lyrique dont M. Leconte de Lisle a écrit le poème :
Hécube. Les deux premiers actes sont terminés. La pièce en
aura trois.
— M. Bonnat vient de terminer ,1e portrait de M. Jules
Grévy, qui sera exposé au Salon de 1880. Le président de la
république est représenté debout et de face, la tète légèrement
inclinée en arrière.
Lyon. — La commission exécutive de la Société des Amis
des arts a l'honneur de prévenir MM. les artistes qu'elle ouvrira,
comme à l'ordinaire, son exposition annuelle dans la première
quinzaine de janvier 1880.
La Société peut donner, pour preuve du succès des exposi-
tions organisées par elle, le résultat matériel des opérations
qu'elle accomplit, ou dont elle est la cause première ; ainsi les
achats faits, soit par la Société des Amis des arts, soit par la ville,
soit par les amateurs, atteignent, en moyenne, depuis plusieurs
années, le chiffre de quatre-vingt mille francs. Plusieurs oeuvres
d'un prix élevé sont comprises dans ces acquisitions.
Le conseil municipal a bien voulu mettre à la disposition
de la commission exécutive la somme de six mille francs, en la
chargeant d'acquérir, pour le compte de la ville, une des œuvres
d'art exposées au Salon annuel, l'oeuvre d'art achetée devenant
la propriété de la ville et devant être par conséquent placée dans
une des salles des musées publics.
En outre, des médailles de différentes valeurs seront décer-
nées aux auteurs des œuvres les plus remarquées du Salon.
Tous les renseignements seront donnés par M. Denervaud,
secrétaire de la Société des Amis des arts. Palais des arts, à Lyon.
Allemagne et Belgique. — En annonçant que le gouver-
nement allemand a acheté, à Rome, la Casa Bartholdy, pour
en faire la Villa Médicis des Allemands, l'Indépendance belge a
spirituellement ajouté à propos des œuvres de Cornélius, Veit,
Schadow et autres maîtres allemands de même époque, tous
chers au défunt consul général Bartholdy : « Ces souvenirs de la
seconde renaissance artistique de l'Allemagne rappelleront aux
pensionnaires de l'Académie la patrie absente, mais dans l'inté-
rêt d'une troisième renaissance, il est à souhaiter qu'ils ne les
étudient pas de trop près, ou du moins qu'ils suivent le conseil
de Molière :
C'est par les beaux côtés qu'il leur faut ressembler.
...si beaux côtés il y eut, ce qui est fort sujet à caution. Pour
nous, tous ces peintres qui ne savaient pas peindre, mais qui
étaient tout confits en pédanterie et en 'SYasserglass sous pré-
texte de grand art, ont été un véritable fléau pour le libre déve-
loppement de l'école germanique. Albrecht Durer devait en fré-
mir d'indignation dans sa tombe. Heureusement que des artistes,
des maîtres, tels que le portraitiste F. Lenbach dont l'Art a
reproduit la ligure si puissamment accentuée du Chanoine Dol-
linger '. et ce jeune Wilhelm Lcibl, l'auteur des Paysans 2, un
des plus légitimes succès de l'Exposition Universelle de l'an der-
nier, ont su retrouver la véritable voie nationale et y marcher
d'un pas aussi hardi que victorieux.
Pour en revenir à la Casa Bartholdy, c'est une acquisition
pavée de bonnes intentions inévitablement fertiles en résultats
néfaste*, si, comme il y a lieu de le craindre, l'organisation aca-
démique s'introduit dans la place, comme chez son antique voi-
sine de la Villa Médicis, hélas !
Cette déplorable tendance, à laquelle est entrain de succom-
ber 1 art allemand officiel, menace depuis quelque temps déjà de
s'imposer subrepticement au sein de la libre et communale petite
Belgique, qui fera sagement de se souvenir que, si elle est très
grande par son illustre passé artistique, elle le doit exclusivement
au tempérament invinciblement flamand, à l'éducation aussi
anti-romaine que possible de ses maîtres de génie. Qu'elle se
garde donc comme de la peste, de se laisser aller à fonder à Rome
une Académie de Belgique, qui ne profiterait qu'au seul tenta-
teur intéressé qui en rêve la direction et ourdit force trames
savamment cousues de fil blanc pour faire transformer en Villa
Médicis belge un vieux couvent que possède son gouvernement
dans la Ville Eternelle. Il en cuirait aux contribuables pour
n'aboutir qu'à la production d'interminables séries de fruits secs.
Tout artiste d'une organisation vraiment personnelle se hâte,
après quelques mois à peine de séjour, de fuir Rome, ce milieu
aussi archéologique que peu artistique. Dans ces derniers
temps l'émigration, vers Paris surtout, a été considérable. Nous
pourrions citer bien des noms ; nous nous contenterons aujour-
d'hui d'un seul ; un des derniers prix de Rome de Belgique,
M. Dillens, n'a eu rien de plus pressé que de déserter Rome pour
Florence, cédant au sentiment qui a précisément fait fonder par
l'Art le Grand Prix de Florence.
Angleterre. — Le British Muséum recevra prochainement
des antiquités provenant des fouilles faites dans l'île de Chypre,
à Amathonte. Ce n'est qu'un premier envoi, et un grand nombre
d'autres objets provenant des mêmes fouilles attendent sur le
rivage le navire qui les transportera en Angleterre.
— M. Brock a terminé le modelage en argile de la statue de
Sir Rowland Hill, le célèbre post-master général, qui doit être
érigée à Kidderminster.
— Le programme de la Society of arts pour sa i26p session
vient d'être publié. Voici quelques-unes des conférences qui
seront données dans cette session dont la première séance aura
lieu le 19 novembre : l'art en Afghanistan, par William Simpson,
d'après les résultats de récentes explorations dans la vallée de
Jellalabad. L'art au Japon, par C. Pfoundes. Les procédés mo-
dernes d'impression autographique, par Thomas Bolas, F. C. S.
L'histoire de la reliure, par Henry B. Wheatley, F. S. A. L'art
du fer, par J. W. Singer. L'histoire du diapason musical, par
A. J. Ellis, F. R. S.
Belgique. — Le principal événement artistique de la semaine
est le Festival Gounod, donné à Anvers le 4 novembre en l'hon-
neur du maître français et sous sa direction. Une seconde audi-
tion a eu lieu le 9 au prolit de la fondation d'une Société de
secours mutuels pour les artistes musiciens. Le succès de ce
festival a été éclatant. Anvers a littéralement adopté l'illustre
auteur de Faust, qui a eu l'honneur et le privilège assez rare,
même pour un artiste, dans une ville où les luttes d'opinions,
tant politiques que religieuses, sont aussi ardentes que dans la
cité de Rubens, d'obtenir sans l'avoir demandée une trêve des
partis, et de grouper autour de son œuvre et de sa personne
toutes les forces vives de la population anversoise. Il y a quel-
ques mois, son Polyeucte, dirigé par lui au grand théâtre d'An-
vers, tournait toutes les têtes, et les amateurs anversois, enchantés
de la partition, et flattés de la présence du compositeur, prenaient
la résolution d'organiser un festival dont le programme fût
entièrement emprunté à son œuvre. La Messe du Sacré-Cœur
et des fragments importants de Sapho (tout le y acte et le finale
du ipr acte) formaient les pièces de résistance de ce programme
qui a été magistralement exécuté à l'aide de ressources presque
exclusivement anversoises. La Société royale d'harmonie avait
prêté le local, vaste salle qui ne contient pas moins de },ooo per-
sonnes, et qui le soir, avec son éclairage féerique, et la foule
encombrant la nef principale, les galeries, et jusqu'à l'escalier
qui mène au premier étage, offrait un spectacle vraiment mer-
veilleux. Six cents exécutants étaient placés sur l'estrade. La
Société de musique d'Anvers en avait fourni le noyau le plus
1. Voir l'Art, année, tome III, page 36.
2. Cette œuvre, d'un sentiment de nature si profond, a élé acquise par un amateur des plus distingué» qui fait partie de la colonie américaine de Paris.
C'ttt un des joyaux de la précieuse collection réunie dans l'hôtel de M. William Stewart, au Cours-la-Reine. Nous devons à l'extrême courtoisie de M. Stewart
d'avoir pu faire reproduire pour les abonnés de l'Art le beau tableau de M. Leibl. C'est le sculpteur-aquafortiste hollandais M. F. Leenhoff que nous avons chargé
de graver le» l'jysans ei qui s'en est acquitté avec infiniment de talent. Sa planche est magistralement dessinée.