72
L'ART.
elle a élargi le cadre de l'enseignement, ouvert un cours
d'application de'corative, institué un Conseil composé en ma-
jeure partie des chefs les plus considérables des industries d'art
de Paris, enfin créé des bourses pour stimuler l'émulation des
élèves. Espérons qu'avec un tel règlement et un directeur comme
CHRONIQUE
Autriche. — Le savant conservateur de l'Albertine de
Vienne, M. Moritz Thausing, vient d'acquérir pour cette collec-
tion un petit dessin de médiocre apparence, mais d'une impor-
tance capitale pour l'histoire de l'art; en effet ce n'est rien moins
que le premier croquis de Michel-Ange pour son œuvre de con-
cours : les Soldais surpris au bain. La composition est légère-
ment tracée à la plume sur une petite feuille contenant une ou
deux autres esquisses dont les sujets sont inscrits au bas, de la
N ÉCRO
■— Une des cantatrices les plus célèbres de ce temps-ci,
Ml,c Tietjens, est morte à Londres, le 3 octobre, après une
longue et pénible maladie qui depuis quelque temps ne
laissait aucun espoir aux admirateurs de son talent et à ses
nombreux amis.
Née à Hambourg en 1834, de parents hongrois, Thé-
rèse Tietjens donnait dès l'âge le plus tendre des signes
non équivoques de ses aptitudes musicales, et dès 1849,
elle n'avait que quinze ans, elle faisait en cette ville sa
première apparition sur la scène dans la Lucrepa Borgia
de Donizetti. En 1856 elle était engagée au Grand-Opéra
de Vienne après avoir fait un engagement au théâtre de
Francfort. Recommandée à M. Lumley, elle débutait à
Londres à Her Majesty's Théâtre dans le rôle de Valentine
des Huguenots. Ce début la classa d'emblée parmi les can-
tatrices de premier rang et lui fit une situation qu'elle a
maintenue intacte pendant près de vingt années consécu-
tives, car elle ne laissait point passer une saison sans
chanter à Londres où son talent était plus apprécié encore
que partout ailleurs.
Son répertoire était prodigieusement vaste. Elle inter-
prétait tour à tour les trois Leonore, de Fidelio, du Tro-
vatore et de la Favorite, la comtesse des Noces et dona
Anna, de Don Juan, Pamina dans la Flûte enchantée, Alice,
de Robert, Agathe, du FreischûtL Marguerite, de Faust,
Ortrude, de Lohengrin, Lucie, la Norma, Amélie, du Ballo
in maschera, Elvire, d'Ernani, Martha, la Semiramide et
bien d'autres.
Les critiques anglais n'hésitent pas à la comparer à la
Schroeder-Devrient, à la Pasta et à la Grisi, — ces trois
noms disent assez que la tragédienne était à la hauteur
de la cantatrice, —et l'un des plus compétents, M. Ebe-
nezer Prout, dans The Academy, va jusqu'à saluer en
elle la plus grande artiste lyrique qu'il ait jamais enten-
due, ajoutant qu'elle laisse un vide que personne, sauf
peut-être la Materna de Vienne, n'est de force à combler.
Sa voix égale et pure, sympathique et puissante, la
largeur de son style, la souplesse et la flexibilité de son
talent qui se prétait aux créations les plus variées et lui
M. de Lajolais, l'École des arts décoratifs rendra à la France les
services qu'on peut attendre d'elle. Ils seront considérables si
elle sait se borner à son rôle, qui est de former des ouvriers et
non pas de grossir la famille envahissante et malheureuse des
déclassés de l'École des beaux-arts.
ÉTRANGÈRE
main de Michel-Ange. D'après M. Thausing, la feuille entière
est d'une incontestable authenticité, et l'un des résultats de cette
curieuse découverte serait d'établir que le carton de Holkham,
loin d'être original, comme on l'a soutenu parfois, a été fait
d'après divers documents fragmentaires, tels que des gravures de
l'école de Marc Antoine après la disparition de l'œuvre de Michel-
Ange. Le savant iconographe exposera prochainement ses con-
clusions dans la Zeitschrift fur bildende Kunst.
LOG IE
assurait dans l'oratorio la môme supériorité que dans le
drame, n'étaient pas ses seuls mérites. Elle avait la con-
science, le zèle, le feu sacré, l'amour de son art. Son nom
sur l'affiche, dit YAthenœum, était pour le public une sorte
d'assurance contre les changements de spectacle ou les
relâches pour cause d'indisposition. Elle ne sollicita même
pas l'indulgence lorsqu'elle donna le 19 mai 1877 sa der-
nière représentation dans cette même Lucrepa Borgia qui
avait été son premier début à Hambourg vingt-huit ans
auparavant. Et pourtant elle souffrait déjà du mal qui
devait l'emporter. A plusieurs reprises elle manqua s'éva-
nouir dans sa loge, mais sachant qu'elle avait à subir le
lendemain une opération chanceuse : « J'irai jusqu'au
bout, s'écriait-elle en se redressant, et si je dois mourir,
eh bien, j'aurai du moins joué Lucrèce encore une fois. »
Et elle le joua mieux, que jamais; la souffrance ajoutait
encore à l'intensité de son sentiment tragique ; et son cri
de désespoir après la mort de Gennaro, sa dernière note,
son adieu suprême au théâtre, reste un souvenir pour
tous ceux qui l'ont entendu.
Artiste inspirée, nature ardente et passionnée, la Tietjens
était en même temps une femme de beaucoup de cœur,
généreuse, bienfaisante, aussi populaire dans la coulisse
que sur la scène.
— Les journaux anglais annoncent la mort d'un archi-
tecte distingué, M. Raphaël Brandon, dont la santé phvsi-
que et l'état mental laissaient depuis quelque temps à désirer.
On doit à M. Brandon quelques monuments qui ne sont
pas sans valeur, mais il est surtout connu par d'importants
ouvrages sur l'architecture gothique, écrits en collabora-
tion avec son frère.
— Les journaux allemands annoncent la mort de
M. Ferdinand Becker, le peintre des Juifs à la synagogue
et de plusieurs autres tableaux qui lui avaient valu dans
son pays un grand succès et lui présageaient une brillante
carrière. Élève de Steinle, M. Ferdinand Becker n'avait
guère plus de trente et un ans. Il était né à Gonsenheim,
le 3 juillet 1846.
Le Directeur-Gérant : EUGÈNE VÉRON.
L'ART.
elle a élargi le cadre de l'enseignement, ouvert un cours
d'application de'corative, institué un Conseil composé en ma-
jeure partie des chefs les plus considérables des industries d'art
de Paris, enfin créé des bourses pour stimuler l'émulation des
élèves. Espérons qu'avec un tel règlement et un directeur comme
CHRONIQUE
Autriche. — Le savant conservateur de l'Albertine de
Vienne, M. Moritz Thausing, vient d'acquérir pour cette collec-
tion un petit dessin de médiocre apparence, mais d'une impor-
tance capitale pour l'histoire de l'art; en effet ce n'est rien moins
que le premier croquis de Michel-Ange pour son œuvre de con-
cours : les Soldais surpris au bain. La composition est légère-
ment tracée à la plume sur une petite feuille contenant une ou
deux autres esquisses dont les sujets sont inscrits au bas, de la
N ÉCRO
■— Une des cantatrices les plus célèbres de ce temps-ci,
Ml,c Tietjens, est morte à Londres, le 3 octobre, après une
longue et pénible maladie qui depuis quelque temps ne
laissait aucun espoir aux admirateurs de son talent et à ses
nombreux amis.
Née à Hambourg en 1834, de parents hongrois, Thé-
rèse Tietjens donnait dès l'âge le plus tendre des signes
non équivoques de ses aptitudes musicales, et dès 1849,
elle n'avait que quinze ans, elle faisait en cette ville sa
première apparition sur la scène dans la Lucrepa Borgia
de Donizetti. En 1856 elle était engagée au Grand-Opéra
de Vienne après avoir fait un engagement au théâtre de
Francfort. Recommandée à M. Lumley, elle débutait à
Londres à Her Majesty's Théâtre dans le rôle de Valentine
des Huguenots. Ce début la classa d'emblée parmi les can-
tatrices de premier rang et lui fit une situation qu'elle a
maintenue intacte pendant près de vingt années consécu-
tives, car elle ne laissait point passer une saison sans
chanter à Londres où son talent était plus apprécié encore
que partout ailleurs.
Son répertoire était prodigieusement vaste. Elle inter-
prétait tour à tour les trois Leonore, de Fidelio, du Tro-
vatore et de la Favorite, la comtesse des Noces et dona
Anna, de Don Juan, Pamina dans la Flûte enchantée, Alice,
de Robert, Agathe, du FreischûtL Marguerite, de Faust,
Ortrude, de Lohengrin, Lucie, la Norma, Amélie, du Ballo
in maschera, Elvire, d'Ernani, Martha, la Semiramide et
bien d'autres.
Les critiques anglais n'hésitent pas à la comparer à la
Schroeder-Devrient, à la Pasta et à la Grisi, — ces trois
noms disent assez que la tragédienne était à la hauteur
de la cantatrice, —et l'un des plus compétents, M. Ebe-
nezer Prout, dans The Academy, va jusqu'à saluer en
elle la plus grande artiste lyrique qu'il ait jamais enten-
due, ajoutant qu'elle laisse un vide que personne, sauf
peut-être la Materna de Vienne, n'est de force à combler.
Sa voix égale et pure, sympathique et puissante, la
largeur de son style, la souplesse et la flexibilité de son
talent qui se prétait aux créations les plus variées et lui
M. de Lajolais, l'École des arts décoratifs rendra à la France les
services qu'on peut attendre d'elle. Ils seront considérables si
elle sait se borner à son rôle, qui est de former des ouvriers et
non pas de grossir la famille envahissante et malheureuse des
déclassés de l'École des beaux-arts.
ÉTRANGÈRE
main de Michel-Ange. D'après M. Thausing, la feuille entière
est d'une incontestable authenticité, et l'un des résultats de cette
curieuse découverte serait d'établir que le carton de Holkham,
loin d'être original, comme on l'a soutenu parfois, a été fait
d'après divers documents fragmentaires, tels que des gravures de
l'école de Marc Antoine après la disparition de l'œuvre de Michel-
Ange. Le savant iconographe exposera prochainement ses con-
clusions dans la Zeitschrift fur bildende Kunst.
LOG IE
assurait dans l'oratorio la môme supériorité que dans le
drame, n'étaient pas ses seuls mérites. Elle avait la con-
science, le zèle, le feu sacré, l'amour de son art. Son nom
sur l'affiche, dit YAthenœum, était pour le public une sorte
d'assurance contre les changements de spectacle ou les
relâches pour cause d'indisposition. Elle ne sollicita même
pas l'indulgence lorsqu'elle donna le 19 mai 1877 sa der-
nière représentation dans cette même Lucrepa Borgia qui
avait été son premier début à Hambourg vingt-huit ans
auparavant. Et pourtant elle souffrait déjà du mal qui
devait l'emporter. A plusieurs reprises elle manqua s'éva-
nouir dans sa loge, mais sachant qu'elle avait à subir le
lendemain une opération chanceuse : « J'irai jusqu'au
bout, s'écriait-elle en se redressant, et si je dois mourir,
eh bien, j'aurai du moins joué Lucrèce encore une fois. »
Et elle le joua mieux, que jamais; la souffrance ajoutait
encore à l'intensité de son sentiment tragique ; et son cri
de désespoir après la mort de Gennaro, sa dernière note,
son adieu suprême au théâtre, reste un souvenir pour
tous ceux qui l'ont entendu.
Artiste inspirée, nature ardente et passionnée, la Tietjens
était en même temps une femme de beaucoup de cœur,
généreuse, bienfaisante, aussi populaire dans la coulisse
que sur la scène.
— Les journaux anglais annoncent la mort d'un archi-
tecte distingué, M. Raphaël Brandon, dont la santé phvsi-
que et l'état mental laissaient depuis quelque temps à désirer.
On doit à M. Brandon quelques monuments qui ne sont
pas sans valeur, mais il est surtout connu par d'importants
ouvrages sur l'architecture gothique, écrits en collabora-
tion avec son frère.
— Les journaux allemands annoncent la mort de
M. Ferdinand Becker, le peintre des Juifs à la synagogue
et de plusieurs autres tableaux qui lui avaient valu dans
son pays un grand succès et lui présageaient une brillante
carrière. Élève de Steinle, M. Ferdinand Becker n'avait
guère plus de trente et un ans. Il était né à Gonsenheim,
le 3 juillet 1846.
Le Directeur-Gérant : EUGÈNE VÉRON.