CHRONIQUE ÉTRANGÈRE
Angleterre. — Un congrès de bibliothécaires a eu lieu
récemment à Londres sous la présidence de M. J. Winter Jones,
bibliothécaire en chef du British Muséum. Dans son discours
d'ouverture, l'honorable président a rappelé que l'idée de réunir
les bibliothécaires en congrès ou en conférence est originaire
d'Amérique, puis il a fait ressortir l'importance d'une organisa-
tion rationnelle des bibliothèques, générales ou spéciales, selon
les localités où elles sont établies. Il a insisté aussi sur le rôle du
bibliothécaire, qui doit être non pas un simple conservateur de
livres, mais un éducateur, tenu de prendre en considération les
besoins du public pour qui les bibliothèques sont formées.
Parmi les mémoires dont il a été donné lecture, le Printing
Times and lithographer signale tout particulièrement celui
de M. H. W. D. Dunlop, bibliothécaire adjoint de la Biblio-
thèque nationale d'Irlande, qui a exposé un moyen mécanique
de faciliter au public ses recherches dans les catalogues par
fiches manuscrites ; celui de M. Stevens qui a préconisé un sys-
tème de catalogue photobibliographique, consistant dans la ré-
duction photographique des titres imprimés sur les livres mêmes.
Ce dernier mémoire a donné lieu à une discussion qui a été
assez favorable au procédé dont M. Stevens a soumis des spéci-
mens à l'assemblée. La question de savoir s'il convient de dres-
ser les catalogues par noms d'auteurs ou par titres d'ouvrages a
soulevé un assez long débat auquel ont pris part : MM. C. A. Cut-
ter, président de PAthenœum de Boston ; Wallace, de Worces-
ter Collège; Bullen, du British Muséum; Vickers, de la biblio-
thèque publique dç Cincinnati; L. P. Smith, de Philadelphie;
M. Garnet et Sir Redmond Barry. M. Cornélius Walford, trai-
tant d'un nouveau catalogue général de la littérature anglaise, a
proposé de faire imprimer des fiches de caractère uniforme, et
de les distribuer aux diverses bibliothèques publiques et privées,
qui seraient invitées à contribuer à l'œuvre, chaque bibliothèque
étant désignée par un numéro spécial, de manière à faire con-
naître les endroits où l'ouvrage est à la disposition du public. Le
catalogue pourrait être assez rapidement dressé d'après ces fiches
dont une grande partie seraient remplies presque simultanément.
Après l'impression, les fiches pourraient être reprises pour
compléter le catalogue de période en période.
Les idées qui ont été émises dans cette assemblée de spécia-
listes compétents sont de nature à intéresser les bibliothécaires
et les bibliophiles de tous les pays.
On a beaucoup insisté sur la nécessité de faire imprimer le
catalogue du British Muséum!
La dernière séance du Côngrès a été consacrée à la consti-
tution de l'Association des Bibliothécaires du Royaume-Uni. Le
conseil a été nommé, et Oxford choisi pour la première session
annuelle de l'Association.
— La fameuse « aiguille de Cléopâtre » a donné bien des
inquiétudes aux amateurs d'obélisques depuis son départ d'A-
lexandrie. On connaît l'histoire de ce précieux monolithe.
Donné à l'Angleterre par le khédive il n'en gisait pas moins
sur le...
Sol sacre des hiéroglyphes
Et des secrets sacerdotaux
Où les sphinx s'aiguisent les griffes
Sur les angles des piédestaux.
L'Angleterre avait gagné un obélisque à la loterie, et un
obélisque qui passait pour intransportable. Après bien des
années un médecin anglais, le docteur Erasmus Wilson, dési-
reux peut-être de jouer un tour à l'obélisque de Luxor, jure de
résoudre le problème, et commence par prendre à sa charge
tous les frais de transport. Il n'y a que les Anglais pour ces ini-
tiatives généreuses et patriotiques. Un ingénieur, M. Dixon, fait
construire un bateau disposé tout exprès pour protéger la véné-
rable aiguille...
Contre les vents et la fureur des flots.
... une gabare cylindrique, munie d'un mât, d'un gouvernail et
d'une proue, avec une cabine sur le pont pour l'équipage.
A l'intérieur du ponton, divisé en huit compartiments étanches,
l'obélisque traversant les sept cloisons reposait sur des ressorts
en caoutchouc. La Cleopatra, pastiche du Louqsor qui amena
dans Paris l'obélisque de la place de la Concorde, était une sorte
de sleeping-car maritime qui donnait toutes les garanties dési-
rables contre les secousses, les heurts et les mouvements désor-
donnés de l'élément liquide. Toutes les précautions étaient bien
prises, sauf qu'on n'avait pas songé au bris d'amarre. La CVeo-
patra, ainsi s'appelait le wagon-lit de l'obélisque, était remorquée
par un vapeur l'Olga. Les deux navires avaient dit adieu à la
terre d'Egypte, traversé la Méditerranée, passé le détroit de Gi-
braltar et doublé le cap Finistère d'Espagne, lorsque la tem-
pête vint se mettre inopinément dans leur jeu. La violence du
vent fit chavirer^ l'obélisque. La force des vagues était telle que
le lourd monolithe menaçait à chaque instant d'entr'ouvrir le
remorqueur. Le capitaine de la Cleopatra, obligé de couper le
mât de la gabare, eut la malencontreuse idée de demander du
renfort au capitaine de l'Olga, qui lui envoya six hommes dans
un canot. Malheureusement ces matelots ne purent réussir à grim-
per à bord du navire obéliscal. Ils disparurent dans la nuit. En
même temps l'amarre se rompait et le bateau-cylindre s'en allait à la
dérive. On le croyait perdu comme les six hommes qui avaient
fait effort pour le sauver. L'Olga était rentrée seule à Falmouth,
et déjà l'Angleterre pleurait l'aiguille de Cléopâtre, lorsqu'on a
appris qu'elle avait été retrouvée avec son équipage dans la baie
de Biscaye par le steamer Fit^-Maurice allant de Middlesbo-
rough à Valence. Le Fit^-Maurice a pris à la remorque le pon-
ton à demi submergé et l'a conduit au Ferrol (Galice). On espère
que la tempête sera désormais plus clémente et que l'aiguille de
Cléopâtre se dressera bientôt sur une des places publiques de
Londres. Laquelle ? On ne le sait pas encore, et tous les jour-
naux de la métropole discutent avec passion cette question
d'emplacement. Lorsqu'elle sera définitivement tranchée, on
aura un troisième chapitre à ajouter aux Nostalgies d'obélisques
de Théophile Gautier.
Italie. — M. le professeur Rossi, inspecteur des fouilles de
la province de Port-Maurice, avait été chargé par la direction
générale de Rome, de procéder à des excavations régulières à
Pietro Biamonti, dans une propriété située dans la plaine de
Nervia sur l'emplacement de l'antique Intermelium. Il a eu la
bonne fortune de découvrir un amphithéâtre romain, construit
en magnifique pierre de Turbia. Déjà les murs extérieurs sont
en partie mis au jour ainsi qu'une grande porte. Tout cela est,
dit-on, merveilleux de beauté et de solidité.
Le Directeur-Gérant, EUGÈNE VÉRON.
Angleterre. — Un congrès de bibliothécaires a eu lieu
récemment à Londres sous la présidence de M. J. Winter Jones,
bibliothécaire en chef du British Muséum. Dans son discours
d'ouverture, l'honorable président a rappelé que l'idée de réunir
les bibliothécaires en congrès ou en conférence est originaire
d'Amérique, puis il a fait ressortir l'importance d'une organisa-
tion rationnelle des bibliothèques, générales ou spéciales, selon
les localités où elles sont établies. Il a insisté aussi sur le rôle du
bibliothécaire, qui doit être non pas un simple conservateur de
livres, mais un éducateur, tenu de prendre en considération les
besoins du public pour qui les bibliothèques sont formées.
Parmi les mémoires dont il a été donné lecture, le Printing
Times and lithographer signale tout particulièrement celui
de M. H. W. D. Dunlop, bibliothécaire adjoint de la Biblio-
thèque nationale d'Irlande, qui a exposé un moyen mécanique
de faciliter au public ses recherches dans les catalogues par
fiches manuscrites ; celui de M. Stevens qui a préconisé un sys-
tème de catalogue photobibliographique, consistant dans la ré-
duction photographique des titres imprimés sur les livres mêmes.
Ce dernier mémoire a donné lieu à une discussion qui a été
assez favorable au procédé dont M. Stevens a soumis des spéci-
mens à l'assemblée. La question de savoir s'il convient de dres-
ser les catalogues par noms d'auteurs ou par titres d'ouvrages a
soulevé un assez long débat auquel ont pris part : MM. C. A. Cut-
ter, président de PAthenœum de Boston ; Wallace, de Worces-
ter Collège; Bullen, du British Muséum; Vickers, de la biblio-
thèque publique dç Cincinnati; L. P. Smith, de Philadelphie;
M. Garnet et Sir Redmond Barry. M. Cornélius Walford, trai-
tant d'un nouveau catalogue général de la littérature anglaise, a
proposé de faire imprimer des fiches de caractère uniforme, et
de les distribuer aux diverses bibliothèques publiques et privées,
qui seraient invitées à contribuer à l'œuvre, chaque bibliothèque
étant désignée par un numéro spécial, de manière à faire con-
naître les endroits où l'ouvrage est à la disposition du public. Le
catalogue pourrait être assez rapidement dressé d'après ces fiches
dont une grande partie seraient remplies presque simultanément.
Après l'impression, les fiches pourraient être reprises pour
compléter le catalogue de période en période.
Les idées qui ont été émises dans cette assemblée de spécia-
listes compétents sont de nature à intéresser les bibliothécaires
et les bibliophiles de tous les pays.
On a beaucoup insisté sur la nécessité de faire imprimer le
catalogue du British Muséum!
La dernière séance du Côngrès a été consacrée à la consti-
tution de l'Association des Bibliothécaires du Royaume-Uni. Le
conseil a été nommé, et Oxford choisi pour la première session
annuelle de l'Association.
— La fameuse « aiguille de Cléopâtre » a donné bien des
inquiétudes aux amateurs d'obélisques depuis son départ d'A-
lexandrie. On connaît l'histoire de ce précieux monolithe.
Donné à l'Angleterre par le khédive il n'en gisait pas moins
sur le...
Sol sacre des hiéroglyphes
Et des secrets sacerdotaux
Où les sphinx s'aiguisent les griffes
Sur les angles des piédestaux.
L'Angleterre avait gagné un obélisque à la loterie, et un
obélisque qui passait pour intransportable. Après bien des
années un médecin anglais, le docteur Erasmus Wilson, dési-
reux peut-être de jouer un tour à l'obélisque de Luxor, jure de
résoudre le problème, et commence par prendre à sa charge
tous les frais de transport. Il n'y a que les Anglais pour ces ini-
tiatives généreuses et patriotiques. Un ingénieur, M. Dixon, fait
construire un bateau disposé tout exprès pour protéger la véné-
rable aiguille...
Contre les vents et la fureur des flots.
... une gabare cylindrique, munie d'un mât, d'un gouvernail et
d'une proue, avec une cabine sur le pont pour l'équipage.
A l'intérieur du ponton, divisé en huit compartiments étanches,
l'obélisque traversant les sept cloisons reposait sur des ressorts
en caoutchouc. La Cleopatra, pastiche du Louqsor qui amena
dans Paris l'obélisque de la place de la Concorde, était une sorte
de sleeping-car maritime qui donnait toutes les garanties dési-
rables contre les secousses, les heurts et les mouvements désor-
donnés de l'élément liquide. Toutes les précautions étaient bien
prises, sauf qu'on n'avait pas songé au bris d'amarre. La CVeo-
patra, ainsi s'appelait le wagon-lit de l'obélisque, était remorquée
par un vapeur l'Olga. Les deux navires avaient dit adieu à la
terre d'Egypte, traversé la Méditerranée, passé le détroit de Gi-
braltar et doublé le cap Finistère d'Espagne, lorsque la tem-
pête vint se mettre inopinément dans leur jeu. La violence du
vent fit chavirer^ l'obélisque. La force des vagues était telle que
le lourd monolithe menaçait à chaque instant d'entr'ouvrir le
remorqueur. Le capitaine de la Cleopatra, obligé de couper le
mât de la gabare, eut la malencontreuse idée de demander du
renfort au capitaine de l'Olga, qui lui envoya six hommes dans
un canot. Malheureusement ces matelots ne purent réussir à grim-
per à bord du navire obéliscal. Ils disparurent dans la nuit. En
même temps l'amarre se rompait et le bateau-cylindre s'en allait à la
dérive. On le croyait perdu comme les six hommes qui avaient
fait effort pour le sauver. L'Olga était rentrée seule à Falmouth,
et déjà l'Angleterre pleurait l'aiguille de Cléopâtre, lorsqu'on a
appris qu'elle avait été retrouvée avec son équipage dans la baie
de Biscaye par le steamer Fit^-Maurice allant de Middlesbo-
rough à Valence. Le Fit^-Maurice a pris à la remorque le pon-
ton à demi submergé et l'a conduit au Ferrol (Galice). On espère
que la tempête sera désormais plus clémente et que l'aiguille de
Cléopâtre se dressera bientôt sur une des places publiques de
Londres. Laquelle ? On ne le sait pas encore, et tous les jour-
naux de la métropole discutent avec passion cette question
d'emplacement. Lorsqu'elle sera définitivement tranchée, on
aura un troisième chapitre à ajouter aux Nostalgies d'obélisques
de Théophile Gautier.
Italie. — M. le professeur Rossi, inspecteur des fouilles de
la province de Port-Maurice, avait été chargé par la direction
générale de Rome, de procéder à des excavations régulières à
Pietro Biamonti, dans une propriété située dans la plaine de
Nervia sur l'emplacement de l'antique Intermelium. Il a eu la
bonne fortune de découvrir un amphithéâtre romain, construit
en magnifique pierre de Turbia. Déjà les murs extérieurs sont
en partie mis au jour ainsi qu'une grande porte. Tout cela est,
dit-on, merveilleux de beauté et de solidité.
Le Directeur-Gérant, EUGÈNE VÉRON.