La Naissance d'Hercule. — Composition de Nicolas Poussin, gravée par J. Pesne.
LE POUSSIN
(suite '.)
e tableau de l'Enlèvement des Satines est, sans contredit, l'un des
chefs-d'œuvre du Poussin; son exécution et sa composition définissent
le tumulte expressif, l'idéal dans l'action violente. Le Poussin n'aurait
pas commis la faute de confier la démonstration qu'il poursuivait à
un sujet de bataille; il comprenait que la vue d'une mêlée peut
donner seulement une impression de mouvement inconscient et d'agi-
tation sans mobile psychologique, car le soldat qui combat cherche
à tuer ou à se défendre, sans que rien en lui ne reflète la pensée
du chef qui l'a conduit sur le champ de bataille. Dans la scène qui
nous occupe, des guerriers romains accomplissent un rapt pour se
procurer les femmes qui font défaut à leurs appétits charnels, ou les
épouses qui doivent leur faire espérer une postérité; la jeunesse romaine veut, en outre, se venger
de l'affront que lui ont infligé lés Sabins en refusant de la voir s'allier à leurs filles. Romulus,
accompagné de son aïeul Numitor et d'un autre personnage, lève un pan de sa tunique couleur
de pourpre ; c'est le signal convenu ; la lutte commence contre les Sabines. Voyez l'énergie
chaste et courroucée de cette femme qui se débat et saisit aux cheveux le soldat qui l'emporte.
Remarquez l'angoisse peinte sur les traits de cette autre qui fuit à droite, bien qu'un ravisseur
l'arrête par les plis de son vêtement; c'est la belle Hersilie, la proie destinée à Romulus, car
deux licteurs, académiquement appuyés sur leurs faisceaux, la désignent spécialement; son père
court à ses côtés, elle va être séparée de lui ; elle l'appelle en vain, il ne l'entend plus, car la
colère et l'indignation l'ont rendu fou ; s'il se précipite ainsi, c'est moins pour fuir que pour
trouver les armes qui manquent à son bras. Est-il une pantomime plus parlante que celle de ces
deux mères ? L'une s'agenouille suppliante, devant l'estrade qui supporte Romulus, tandis que
l'autre parlemente avec le soldat qui veut lui arracher sa fille réfugiée contre son sein. Au second
plan, l'action n'est pas moins vive, et, dans l'écartement laissé entre les deux épisodes princi-
paux du premier, on aperçoit le groupe d'un cavalier prêt à recevoir sur son cheval une Sabine,
qui se contorsionne entre les bras d'un homme à pied.
Lettre tirce d'un Ovide de i6>i.
i. Voir l'Art, ;* année, tome IV, page yj
LE POUSSIN
(suite '.)
e tableau de l'Enlèvement des Satines est, sans contredit, l'un des
chefs-d'œuvre du Poussin; son exécution et sa composition définissent
le tumulte expressif, l'idéal dans l'action violente. Le Poussin n'aurait
pas commis la faute de confier la démonstration qu'il poursuivait à
un sujet de bataille; il comprenait que la vue d'une mêlée peut
donner seulement une impression de mouvement inconscient et d'agi-
tation sans mobile psychologique, car le soldat qui combat cherche
à tuer ou à se défendre, sans que rien en lui ne reflète la pensée
du chef qui l'a conduit sur le champ de bataille. Dans la scène qui
nous occupe, des guerriers romains accomplissent un rapt pour se
procurer les femmes qui font défaut à leurs appétits charnels, ou les
épouses qui doivent leur faire espérer une postérité; la jeunesse romaine veut, en outre, se venger
de l'affront que lui ont infligé lés Sabins en refusant de la voir s'allier à leurs filles. Romulus,
accompagné de son aïeul Numitor et d'un autre personnage, lève un pan de sa tunique couleur
de pourpre ; c'est le signal convenu ; la lutte commence contre les Sabines. Voyez l'énergie
chaste et courroucée de cette femme qui se débat et saisit aux cheveux le soldat qui l'emporte.
Remarquez l'angoisse peinte sur les traits de cette autre qui fuit à droite, bien qu'un ravisseur
l'arrête par les plis de son vêtement; c'est la belle Hersilie, la proie destinée à Romulus, car
deux licteurs, académiquement appuyés sur leurs faisceaux, la désignent spécialement; son père
court à ses côtés, elle va être séparée de lui ; elle l'appelle en vain, il ne l'entend plus, car la
colère et l'indignation l'ont rendu fou ; s'il se précipite ainsi, c'est moins pour fuir que pour
trouver les armes qui manquent à son bras. Est-il une pantomime plus parlante que celle de ces
deux mères ? L'une s'agenouille suppliante, devant l'estrade qui supporte Romulus, tandis que
l'autre parlemente avec le soldat qui veut lui arracher sa fille réfugiée contre son sein. Au second
plan, l'action n'est pas moins vive, et, dans l'écartement laissé entre les deux épisodes princi-
paux du premier, on aperçoit le groupe d'un cavalier prêt à recevoir sur son cheval une Sabine,
qui se contorsionne entre les bras d'un homme à pied.
Lettre tirce d'un Ovide de i6>i.
i. Voir l'Art, ;* année, tome IV, page yj