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Leroi, Paul: Trois jours à Milan, [2]
DOI Page / Citation link:https://doi.org/10.11588/diglit.16907#0175
TROIS JOURS A MILAN
IV
Dans la première section de VEsposi{ione Storica, celle
du mobilier, scindée en sept subdivisions, on était attiré
avant tout par les envois du Roi, qui avait prêté des meubles
anciens de grand goût, tirés de ses palais de Turin, de Milan
et de Gênes, mais les mêmes éloges ne pouvaient être
accordés à la pesante ébénisterie de Maggiolino dont on
voyait des spécimens provenant de la Casa Reale milanaise
et de plusieurs amateurs lombards; presque tous les meubles
modernes étaient d'ailleurs d'un style déplorable ; au lieu de
remonter aux sources les plus pures, on semblait n'avoir
cherché qu'à aggraver le baroque italien des pires années du
siècle dernier -, c'est créer de la décadence à outrance au lieu
de se préserver des vices mortels de la dégénérescence artis-
tique des xviic et xviif siècles, et de la fin du xvi1', devrais-jc
ajouter pour être entièrement exact en ce qui concerne l'Italie.
J'ai peine à m'expliquer qu'un homme aussi dévoué au relè-
vement de l'art dans son pays, et qui possède de précieux
tableaux anciens et divers objets d'art et de curiosité des
meilleures époques, qu'un collectionneur tel que M. Gian
Giacomo Poldi Pezzoli, ait pu acquérir le mobilier plus que
bizarre qui faisait si étrange figure, abrité qu'il était par
Bras du xvnr siècle a deux lumières, ex fer battu et doré. n m ' ' • 1 j_ ' £ ' 1 T\ /~\ • i
,r „,.,,, , 1 élevante série des tapisseries françaises de Don Quichotte
(Collection de M. le comte Antonio Grepjtl junior. ) o r ^
Dessin Maradan,gravure de Burgun. appartenant aU Roi \
Il y avait là surtout un lit de conception aussi dispendieuse que barbare; c'est un méli-mélo
incroyable, un Christ, des grappes de raisin, des gerbes de blé, un démon écrasé sous la couche,
l'adoration des Mages en bas-relief, dix à douze anges, la Vierge, la Foi, l'Espérance, la Nuit en
bas-relief entourée d'amours avec deux colombes à la Boucher, des vases de fleurs, des singes
accroupis sur des sièges, que sais-je encore? un vrai défi à la raison, en un mot, et la négation
la plus absolue de toute espèce de goût, tel est le programme que semble s'être imposé dans un
moment de délire l'ébéniste qui a créé pareil meuble. C'est fort méritoire d'encourager les
applications de l'art à l'industrie, mais le faire à ses dépens comme le noble acquéreur, c'est d'un
patriotisme poussé à l'excès.
Les lecteurs de F Art connaissent déjà le coffre de mariage où sont représentés les travaux
d'Hercule, — c'est un des beaux échantillons du xvie siècle que possède le palais de Turin3; —
le Roi avait en outre choisi dans sa principale résidence piémontaise un secrétaire en ébène
incrusté d'ivoire, exécuté pour la maison de Savoie au xvn" siècle et dont les sujets sont empruntés
aux hauts faits de cette race guerrière, et dans son Palais de Gênes, deux commodes dont l'une
en vieux laque ; toutes deux sont richement garnies de bronzes dorés aux mâles nervures où
l'on reconnaît aisément le style de Caffieri.
1. Voir l'Art, 5° année, tome IV, page 101.
2. L'Art a reproduit une de ces tapisseries. Voir i™ année, tome iii, page 235.
3. Voir l'Art, 1™ année, tome iii, page 234.
IV
Dans la première section de VEsposi{ione Storica, celle
du mobilier, scindée en sept subdivisions, on était attiré
avant tout par les envois du Roi, qui avait prêté des meubles
anciens de grand goût, tirés de ses palais de Turin, de Milan
et de Gênes, mais les mêmes éloges ne pouvaient être
accordés à la pesante ébénisterie de Maggiolino dont on
voyait des spécimens provenant de la Casa Reale milanaise
et de plusieurs amateurs lombards; presque tous les meubles
modernes étaient d'ailleurs d'un style déplorable ; au lieu de
remonter aux sources les plus pures, on semblait n'avoir
cherché qu'à aggraver le baroque italien des pires années du
siècle dernier -, c'est créer de la décadence à outrance au lieu
de se préserver des vices mortels de la dégénérescence artis-
tique des xviic et xviif siècles, et de la fin du xvi1', devrais-jc
ajouter pour être entièrement exact en ce qui concerne l'Italie.
J'ai peine à m'expliquer qu'un homme aussi dévoué au relè-
vement de l'art dans son pays, et qui possède de précieux
tableaux anciens et divers objets d'art et de curiosité des
meilleures époques, qu'un collectionneur tel que M. Gian
Giacomo Poldi Pezzoli, ait pu acquérir le mobilier plus que
bizarre qui faisait si étrange figure, abrité qu'il était par
Bras du xvnr siècle a deux lumières, ex fer battu et doré. n m ' ' • 1 j_ ' £ ' 1 T\ /~\ • i
,r „,.,,, , 1 élevante série des tapisseries françaises de Don Quichotte
(Collection de M. le comte Antonio Grepjtl junior. ) o r ^
Dessin Maradan,gravure de Burgun. appartenant aU Roi \
Il y avait là surtout un lit de conception aussi dispendieuse que barbare; c'est un méli-mélo
incroyable, un Christ, des grappes de raisin, des gerbes de blé, un démon écrasé sous la couche,
l'adoration des Mages en bas-relief, dix à douze anges, la Vierge, la Foi, l'Espérance, la Nuit en
bas-relief entourée d'amours avec deux colombes à la Boucher, des vases de fleurs, des singes
accroupis sur des sièges, que sais-je encore? un vrai défi à la raison, en un mot, et la négation
la plus absolue de toute espèce de goût, tel est le programme que semble s'être imposé dans un
moment de délire l'ébéniste qui a créé pareil meuble. C'est fort méritoire d'encourager les
applications de l'art à l'industrie, mais le faire à ses dépens comme le noble acquéreur, c'est d'un
patriotisme poussé à l'excès.
Les lecteurs de F Art connaissent déjà le coffre de mariage où sont représentés les travaux
d'Hercule, — c'est un des beaux échantillons du xvie siècle que possède le palais de Turin3; —
le Roi avait en outre choisi dans sa principale résidence piémontaise un secrétaire en ébène
incrusté d'ivoire, exécuté pour la maison de Savoie au xvn" siècle et dont les sujets sont empruntés
aux hauts faits de cette race guerrière, et dans son Palais de Gênes, deux commodes dont l'une
en vieux laque ; toutes deux sont richement garnies de bronzes dorés aux mâles nervures où
l'on reconnaît aisément le style de Caffieri.
1. Voir l'Art, 5° année, tome IV, page 101.
2. L'Art a reproduit une de ces tapisseries. Voir i™ année, tome iii, page 235.
3. Voir l'Art, 1™ année, tome iii, page 234.