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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 3.1877 (Teil 4)

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LXXXI1I

UNE NOUVELLE BIOGRAPHIE DE CHOPIN (Friedrich
Chopin. Sein Lcben, seine Werke uni Briefe, von Moritj
Karasowski). Dresde, 1877, publié par F. Ries, éditeur de
musique de la cour royale de Saxe.

Le livre que vient de publier sur l'éminent musicien et
compositeur Fr. Chopin un compatriote et ami intime de sa fa-
mille, M. Maurice Karasowski, vise avant toutes choses aux
deux qualités maîtresses d'une bonne œuvre biographique, la
vérité la plus scrupuleuse et l'exactitude, jusque dans les plus
petits détails, chronologiques ou autres. Ainsi qu'il le dit lui-
même dans sa préface et en maint autre endroit, l'auteur désire
vivement corriger et réfuter, une fois pour toutes, les exagéra-
tions et les fables qui, dans le cours des années, se sont attachées
à la mémoire de Fr. Chopin, en ce qui concerne par exemple sa
liaison avec George Sand, son état maladif et souffreteux, etc.
Selon lui, le public s'est accoutumé à considérer le célèbre pia-
niste, dès sa plus tendre jeunesse en proie à une mélancolie in-
vincible, comme avant été prédestiné à la souffrance et à une
mort hâtive, et se figure en conséquence que ses compositions
ne peuvent que nous refléter une âme abîmée dans la douleur,
damnée, désespérée, de sorte que leur exécution, par les pianistes
contemporains, est rarement exempte d'affectation,de recherche
et de contrastes heurtés.

M. Karasowski tient à combattre ces idées erronées, et
nous montre Fr. Chopin ayant eu une jeunesse et une adoles-
cence des plus heureuses, un caractère aimable et gai, enjoué
même et espiègle, ainsi que le prouvent les anecdotes de sa vie
d'écolier et des lettres adressées à ses parents ou ses amis et re-
cueillies avec soin par l'auteur. Sa santé même, sans être des
plus robustes, n'a guère laissé à désirer (du moins on ne trouve
dans sa correspondance aucun indice à cet égard) avant la se-
conde et dernière moitié de son séjour à Paris ( 1838-1849). La
mélancolie et la tristesse qui caractérisent, sans aucun doute,
presque toutes les compositions de Chopin s'expliquent, selon
l'auteur, en première ligne, par le sort malheureux de sa
patrie bien-aimée,et ensuite par des chagrins de cœur et d'amour
bien plutôt que par des souffrances physiques.

Trois fois le pauvre artiste aima, et trois fois le bonheur
ou s'échappa de ses mains alors même qu'il croyait le tenir ou
se changea en amertume. L'idéal de ses vingt ans, la cantatrice
Constance Gladkowska, que dans ses lettres à son ami intime
Jean Matuscynski, Chopin appelle toujours son « Ange de paix»,
dont l'image rayonne, dans toutes ses compositions de ce temps,
lasse d'attendre que le jeune musicien, alors complètement in-
connu, pût se faire une position, quitta la scène en (832 pour
faire un bon parti ; sa fiancée Maria Vodzynska aima mieux, en
fin de compte, épouser un riche seigneur qu'un musicien relati-
vement pauvre ; Mm0 George Sand enfin l'aima follement, éper-
dûment, tant qu'il fut jeune, beau, brillant, heureux, et le
congédia durement quand elle le vit tombé au pouvoir de la
souffrance et du malheur.

L'auteur s'attache encore tout particulièrement à réfuter
une erreur très-commune, et même propagée, ainsi qu'il l'af-
firme avec beaucoup d'aigreur, par l'abbé François Liszt, à sa-
voir que les moyens nécessaires pour l'éducation et le dévelop-
pement artistique de Frédéric Chopin auraient été fournis par
son ami et protecteur, le magnat polonais prince de Radziwill.

Il nous apprend aussi que jusqu'à présent toutes les indications
relatives à la date de naissance de Chopin, même celle qui se
trouve sur son tombeau au cimetière du Père-Lachaise à Paris,
sont erronées, et qu'au lieu de l'an 1810, il faut s'en tenir à la
date du i0]' mars 1809.

En somme, ainsi qu'on le voit par ces indications détaillées,
le livre de M. Maurice Karasowski est tout particulièrement des-
tiné à des lecteurs qui ont connu et aimé Frédéric Chopin lui-
même, ou qui tout au moins ont une prédilection marquée pour
ses compositions et en font l'objet d'un culte particulier. Quant
; au public en général, nous craignons que l'auteur n'ait pas en-
tièrement évité un défaut, d'ailleurs très-fréquent lorsqu'il s'agit
d'œuvres biographiques, et que dans son louable désir d'élever
un monument littéraire à une mémoire chérie, il n'ait un peu
trop fortement insisté sur le côté personnel de sa tâche, et par
exemple un peu trop prodigué les lettres intimes de Chopin à
ses parents et à ses amis ; d'autant plus qu'un hasard malheureux
(le pillage du musée Chopin à Varsovie par les Russes en 187^
occasionna la destruction de toute la correspondance ayant trait
à son séjour à Paris, laquelle contenait naturellement les pièces
les plus intéressantes.

Nous nous permettrons donc de recommander au lecteur de
préférence les chapitres où l'auteur développe des considérations
1 générales sur l'état dans lequel se trouvait l'art musical vers le
commencement du second quart de notre siècle et sur le rôle
que Chopin fut appelé à jouer dans l'histoire de l'art du piano.
Il nous semble même que l'auteur aurait pu, sans offense à la
vérité, faire ressortir plus fortement ce rôle, et nous décrire plus
vivement l'effet immense produit par l'apparition soudaine, non
pas du chef, mais du premier et brillant représentant de l'école
romantique, au beau milieu du vide qu'avaient laissé la mort des
grands chefs du classicisme, Mozart, Beethoven, démenti, et le
déclin des Epigones, Hummel, Moscheles, Kalkbrenner, etc. On
trouvera aussi fort intéressant ce que le biographe nous raconte
des rapports de Chopin avec les célèbres musiciens et pianistes
de son temps, avec Kalkbrenner (dont il rechercha d'abord les
leçons, mais qui le rebuta par la prétention excessive de lui im-
poser trois années d'études nouvelles auxquelles l'individualité
artistique de Chopin n'aurait peut-être" pas résisté), avec Robeit
Schumann qui reconnut immédiatement le talent exquis et ori-
ginal du jeune musicien polonais, et se constitua son admirateur
fervent et passionné, enfin avec le grand maître des pianistes
modernes, François Liszt qui, selon l'expression de l'auteur
(manifestement prédisposé contre Liszt), sut au moins rendre
justice à la valeur de l'artiste et fut un ami sincère et dévoué de
l'homme.

Mais l'espace nous manque naturellement pour suivre l'au-
teur dans sa description détaillée de la vie et des œuvres de
cet aimable et poétique artiste auquel il sera toujours gardé
dans l'histoire de l'art un souvenir sympathique et une place ho-
norable, même si le jugement de la postérité ne confirme pas
en tous points l'appréciation des contemporains et des compa-
triotes, et ne l'admet pas au premier rang à côté des grands
maîtres de l'art musical.

A la fin du livre de M. Karasowski, nous trouvons un réper-
toire exact et complet de toutes les œuvres de Chopin indiquant
aussi la date et le lieu de la première édition et le nom des
éditeurs.

Christian von Weber.

Le Directeur-Gérant : EUGÈNE VÉRON.
 
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