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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 3.1877 (Teil 4)

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Guiffrey, Jules: Lettres inédites d'Eugène Delacroix, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16907#0079

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LETTRES INÉDITES

D'EUGÈNE

DELACROIX

(suite 1 )

Il est toujours intéressant de connaître les jugements d'un
artiste sur ses propres œuvres. A ce titre la lettre suivante nous a
paru curieuse. Elle date certainement de 1845 ; car c'est au
Salon de l'année 1845 que furent exposés, sous les nos 456 et
458, les Dernières paroles de l'Empereur Marc-Aurèle et Muley-
abd-el-Rahmann, sultan de Maroc, sortant de son palais de Mé-
quinez, entouré de sa garde. Delacroix exposait encore, la même
année, une Sibylle et une Madeleine. Les raisons de ses préfé-
rences se comprennent facilement ; et le tableau qui, selon son
désir, est allé au musée de Toulouse, restera une de ses plus belles
œuvres. On peut d'ailleurs faire la comparaison, car le Marc-
Aurèle appartient aujourd'hui au musée de Lyon, et, si l'artiste
avait t toutes sortes de raisons n de lui préférer la Sortie de l'em-
pereur du Maroc, le tableau de Lyon n'est pas du tout indigne
de son auteur.

XI

« Mon cher ami 2, s'il est possible que le ministère prenne
Y Empereur de Maroc au lieu du Marc Aurèle, je le préfère infi-
niment pour toutes sortes de raisons. Vous serez donc bien bon
de faire ce changement et de le faire ratifier avant le départ du
ministre. Je vous enverrai ces jours-ci le reçu. Il est entendu que
l'Empereur du Maroc est le tableau qui ira à Toulouse. Recevez
de nouveau, mon cher ami, mille nouveaux remercîments et
dévouements bien sincères.

« Eue. Delacroix.

« Ce 30 juin ».

C'est à peu prés à l'époque où fut écrite la lettre qui précède
que notre artiste envoyait le billet suivant à M. Eudore Soulié,
alors chargé de l'arrangement du Salon sous la direction de
M. de Cailleux. De 1845 à 1850, Delacroix se trouve dans une
période de production très-active ; aussi est-il difficile de déter-
miner à quelle exposition cette lettre s'applique. On y remar-
quera surtout le passage relatif au vernis spécial employé par le
peintre.

XII

« Cher monsieur3, je vous envoie ma cargaison de tableaux.
J'ose solliciter que vous me fassiez mettre autant que possible à
l'abri de la pluie. Mes tableaux sont vernis au blanc d'eeuf et la
moindre goutte d'eau ferait des taches affreuses. Je suis honteux
de vous demander vos soins au milieu de l'embarras où vous êtes.
Excusez-moi et recevez, avec mes remercîments, mille assu-
rances de mon dévouement bien affectueux.

« Eue Delacroix.

« Ce 20. »

Adresse : « M. Eudore Soulié, au Musée royal. »

Delacroix avait exposé en 1849 une répétition des Femmes
d'Alger, aujourd'hui au Louvre. Un éditeur ou le directeur d'un
journal d'art lui en demande une lithographie. Mais l'artiste
s'excuse par la lettre suivante en invoquant l'état de sa santé.
C'était une défaite qu'il avait malheureusement toujours à sa
disposition. Les Femmes d'Alger avaient été gravées une pre-
mière fois à l'eau-forte par Célestin Nanteuil pour le Musée,

Revue du Salon de 1834; le texte est d'Alexandre Decamps. Elles
furent lithographiées par Ach. Sirouy en 1867. Une nouvelle
gravure de ce tableau célèbre a été publiée récemment par la
Société pour l'encouragement des livres d'art, en 1875.

XIII

« Champrosay, 29 juin 1840.

Monsieur4, je ne reçois qu'à l'instant, et par un malentendu
des personnes qui devaient m'envoyer mes lettres, celle où vous
me demandez une lithographie de mes Femmes d'Alger. Je suis
malheureusement dans l'impuissance de la faire. Aussitôt après la
fin de mes travaux j'ai été pris d'une indisposition qui m'a forcé
d'aller vivre à la campagne où je suis encore, et ce genre de travail
me serait plus difficile encore étant éloigné de Paris et n'ayant
pas le moindre croquis. D'ailleurs le médecin m'a interdit pendant
quelque temps encore de travailler. Vous vous rappelez sans
doute, Monsieur, que tout en vous exprimant le désir que j'avais
de vous être agréable autant que possible, ma promesse était toute
conditionnelle ; je vous fis part des longues difficultés que je pré-
voyais à l'exécution de l'objet même que vous voulez bien me
demander. J'espère que je serai assez heureux pour retro'uver
l'occasion de faire pour l'Artiste quelque dessin qui remplace
celui-ci, et je la chercherai avec empressement. Ayez la bonté
d'exprimer à M. Houssaye tout mon regret avec mille compli-
ments dévoués.

« Agréez en particulier, Monsieur, l'assurance de ma haute
considération.

« Eue. Delacroix.

«A Champrosay (Seine-et-Oise). »

La lettre suivante, qui ne porte pas d'adresse et qui paraît
destinée à un marchand en relations d'affaires avec l'artiste,
prouve une fois de plus combien Eug. Delacroix était modeste
dans l'évaluation du prix de ses tableaux. Il en vendait peu, il est
vrai, même à ce prix. Mais quel débutant aujourd'hui se con-
tenterait d'une somme de ;oo francs pour un tableau exposé ? Le
dernier rapin considérerait comme une injure une pareille pro-
position; et cependant, en 1850, Delacroix,âgé de cinquante-deux
ans, avait enfin conquis, malgré les classiques, une réputation et
une place qui le mettaient hors de pair. Il serait piquant de
savoir si le correspondant de l'artiste trouva ses prix trop élevés.
Ces tableaux se vendraient aujourd'hui au moins dix fois la
somme qu'en demandait le peintre. Combien d'œuvres contem-
poraines auront cette fortune ?

XIV

« Ce 15 janvier 1851.
« Monsieur5, je m'empresse, suivant votre désir, de vous dire
les prix des tableaux que vous voulez bien me désigner. Ces prix
sont au-dessous de ceux que je demanderais à un amateur ; je
verrais avec plaisir qu'ils pussent convenir à votre ami.

« Pour le Samaritain6.......300 fr.

« Pour le Giaour 7........400 fr.

« Pour le Lever j.........800 fr.

1. Voir l'Art, j'« année, tome III, page 3î 1, et tome IV, page 17.

2. Cette lettre nous a été obligeamment communiquée par M. H. Lambert-I.assus, gendre de l'émineut architecte de la Sainte-Cliapelle.
). Communiquée par M. H. Lambert-I.assus.

4. Cette lettre fait partie de la riche collection de M. Benjamin Fillon.
;. Cette lettre m'appartient.

6. N" 7S0 du Catalogue de l'exposition ouverte le 26 décembre 1850. Ce sujet et le suivant sont accompagnes sur le livret d'une courte description de trois
lignes. — 7. N° 778 du livret. — 8. N° 777 du livret. Avec ces trois tableaux, Delacroix exposait la Résurrection du Lazare (n" 776) et Lady Macbeth (n" 779).
 
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