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bois; je la trouve très-juste d'aspect et y en a-t-il d'autres? En
ce cas, je vous les demanderais si c'est possible. »
La chapelle des Saints-Anges à Saint-Sulpice, commencée
en 1857, termine'e en 1861, est le dernier grand ouvrage de Dela-
croix. C'est pour rappeler cet important travail, qui occupe une
place distinguée dans l'œuvre du maître, que nous avons admis
cette lettre peu importante par elle-même.
XXX
1» Ce vendredi.
« Bien cher Monsieur, j'accepte avec bien de l'empresse-
ment votre aimable invitation pour lundi et n'aurai garde d'y
manquer.
« J'étais effectivement à. Saint-Sulpice quand vous avez été
assez bon pour passer chez moi. J'y étais depuis plusieurs jours
pour m'entendre avec le décorateur sur les ornements qui doi-
vent accompagner la peinture. J'en ai rapporté un rhume, qui
heureusement tire à sa fin mais qui m'a effrayé et privé même
de travailler. J'espère que je serai tout à fait bien lundi pour
jouir du plaisir que vous me promettez.
« Recevez en attendant, cher Monsieur, les plus dévoués
compliments.
« Eug. Delacroix1. »
A quinze ans, Eug. Delacroix souhaitait modestement avoir
un jour un petit talent d'amateur ; après avoir passé en revue
les différentes phases de cette carrière si bien remplie, il nous a
paru curieux de rapprocher de ce vœu de jeunesse la note sui-
vante qui donne, sous une forme vive, une idée exacte de l'im-
RT.
mense labeur auquel la main et le cerveau de l'artiste se
livraient sans relâche.
XXXI
« Ce mercredi.
« Mon cher Monsieur,
« Je me suis rappelé encore quelques petites choses, mais
peu importantes, pour le catalogue. Vous pourrez mettre qu'en
fait de composition tout arrêtées et parfaitement mises au net et
prêtes pour l'exécution, j'ai de la besogne pour deux existences
humaines, et, quant aux projets de toute espèce, c'est-à-dire à de
la matière propre à occuper l'esprit et la main, j'en ai pour
quatre cents ans. Jugez si j'ai le temps de me promener comme
mes honorables confrères, qui, je pense, pour la plupart, trou-
veront du temps de reste pour tout ce qu'ils ont à tirer de leur
cerveau.
« Eug. Delacroix. »
Cette lettre peut servir de conclusion à notre travail, aussi
n'avons-nous pas hésité à l'emprunter à la notice de M. Henri
de la Madelène sur l'exposition posthume de Delacroix au bou-
levard des Italiens. Je crois que M. de La Madelène l'avait lui-
même prise dans l'Autographe ; mais on ne saurait trop donner
de publicité à ce cri de révolte d'un homme indignement mé-
connu. Ces phrases amères de Delacroix succombant à la mala-
die, à la lassitude, et s'indignant de ne pouvoir réaliser dans
une vie trop courte les sublimes conceptions de son intelligence,
ne rappellent-elles pas les fameuses paroles de Chénier, se frap-
pant le front sur les marches de l'échafaud : « Il y avait pourtant
quelque chose là. »
J. J. GUIFFREY.
L'HOTEL DROUOT
CHRONIQUE DE
La saison des ventes n'est pas encore sérieusement ouverte.
A Drouot l'on ne fait guère que peloter en attendant partie, et
si nous rendions compte de tout ce qui s'y passe, nous n'aurions
à signaler que des ventes secondaires médiocrement dignes de
l'attention des amateurs. Mais nous ne tenons pas le procès-verbal
de Drouot. Nous en rédigeons la chronique. C'est assez dire que
nous ne nous occupons que de ce qui offre un véritable intérêt au
point de vue de l'art et de la curiosité. Nous croyons avoir accom-
pli cette tâche de manière à défier toute concurrence. Cette
année comme les années précédentes nous avons tenu nos lec-
teurs au courant de toutes les ventes intéressantes. Nous conti-
nuerons, comme par le passé, à leur dire les hauts et les bas des
objets d'art, en ayant soin de ne pas négliger d'illustrer nos chro-
niques ; mais il nous sera permis d'attendre pour ce faire une
vraie ouverture, et de ne pas nous contenter d'une simple intro-
duction, d'une manière de prélude, car pour le moment il ne
s'agit pas d'autre chose. Deus nobis hcec otia fecit !
Cependant nous pouvons annoncer dès aujourd'hui pour le
28 novembre urîe vente d'un haut intérêt, celle d'un savant
archéologue, feu le général Meyers, un des officiers les plus
distingués du génie belge, membre de la commission adminis-
tre du Musée royal des antiquités et des armures de Belgique.
1. Communiquée par M. Benj. Fillon.
bois; je la trouve très-juste d'aspect et y en a-t-il d'autres? En
ce cas, je vous les demanderais si c'est possible. »
La chapelle des Saints-Anges à Saint-Sulpice, commencée
en 1857, termine'e en 1861, est le dernier grand ouvrage de Dela-
croix. C'est pour rappeler cet important travail, qui occupe une
place distinguée dans l'œuvre du maître, que nous avons admis
cette lettre peu importante par elle-même.
XXX
1» Ce vendredi.
« Bien cher Monsieur, j'accepte avec bien de l'empresse-
ment votre aimable invitation pour lundi et n'aurai garde d'y
manquer.
« J'étais effectivement à. Saint-Sulpice quand vous avez été
assez bon pour passer chez moi. J'y étais depuis plusieurs jours
pour m'entendre avec le décorateur sur les ornements qui doi-
vent accompagner la peinture. J'en ai rapporté un rhume, qui
heureusement tire à sa fin mais qui m'a effrayé et privé même
de travailler. J'espère que je serai tout à fait bien lundi pour
jouir du plaisir que vous me promettez.
« Recevez en attendant, cher Monsieur, les plus dévoués
compliments.
« Eug. Delacroix1. »
A quinze ans, Eug. Delacroix souhaitait modestement avoir
un jour un petit talent d'amateur ; après avoir passé en revue
les différentes phases de cette carrière si bien remplie, il nous a
paru curieux de rapprocher de ce vœu de jeunesse la note sui-
vante qui donne, sous une forme vive, une idée exacte de l'im-
RT.
mense labeur auquel la main et le cerveau de l'artiste se
livraient sans relâche.
XXXI
« Ce mercredi.
« Mon cher Monsieur,
« Je me suis rappelé encore quelques petites choses, mais
peu importantes, pour le catalogue. Vous pourrez mettre qu'en
fait de composition tout arrêtées et parfaitement mises au net et
prêtes pour l'exécution, j'ai de la besogne pour deux existences
humaines, et, quant aux projets de toute espèce, c'est-à-dire à de
la matière propre à occuper l'esprit et la main, j'en ai pour
quatre cents ans. Jugez si j'ai le temps de me promener comme
mes honorables confrères, qui, je pense, pour la plupart, trou-
veront du temps de reste pour tout ce qu'ils ont à tirer de leur
cerveau.
« Eug. Delacroix. »
Cette lettre peut servir de conclusion à notre travail, aussi
n'avons-nous pas hésité à l'emprunter à la notice de M. Henri
de la Madelène sur l'exposition posthume de Delacroix au bou-
levard des Italiens. Je crois que M. de La Madelène l'avait lui-
même prise dans l'Autographe ; mais on ne saurait trop donner
de publicité à ce cri de révolte d'un homme indignement mé-
connu. Ces phrases amères de Delacroix succombant à la mala-
die, à la lassitude, et s'indignant de ne pouvoir réaliser dans
une vie trop courte les sublimes conceptions de son intelligence,
ne rappellent-elles pas les fameuses paroles de Chénier, se frap-
pant le front sur les marches de l'échafaud : « Il y avait pourtant
quelque chose là. »
J. J. GUIFFREY.
L'HOTEL DROUOT
CHRONIQUE DE
La saison des ventes n'est pas encore sérieusement ouverte.
A Drouot l'on ne fait guère que peloter en attendant partie, et
si nous rendions compte de tout ce qui s'y passe, nous n'aurions
à signaler que des ventes secondaires médiocrement dignes de
l'attention des amateurs. Mais nous ne tenons pas le procès-verbal
de Drouot. Nous en rédigeons la chronique. C'est assez dire que
nous ne nous occupons que de ce qui offre un véritable intérêt au
point de vue de l'art et de la curiosité. Nous croyons avoir accom-
pli cette tâche de manière à défier toute concurrence. Cette
année comme les années précédentes nous avons tenu nos lec-
teurs au courant de toutes les ventes intéressantes. Nous conti-
nuerons, comme par le passé, à leur dire les hauts et les bas des
objets d'art, en ayant soin de ne pas négliger d'illustrer nos chro-
niques ; mais il nous sera permis d'attendre pour ce faire une
vraie ouverture, et de ne pas nous contenter d'une simple intro-
duction, d'une manière de prélude, car pour le moment il ne
s'agit pas d'autre chose. Deus nobis hcec otia fecit !
Cependant nous pouvons annoncer dès aujourd'hui pour le
28 novembre urîe vente d'un haut intérêt, celle d'un savant
archéologue, feu le général Meyers, un des officiers les plus
distingués du génie belge, membre de la commission adminis-
tre du Musée royal des antiquités et des armures de Belgique.
1. Communiquée par M. Benj. Fillon.