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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 3.1877 (Teil 4)

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Berger, Georges: Le Poussin, [3]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16907#0155

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136 L'ART.

pas à son départ pour l'Italie, il se contenta de lui faire promettre son retour pour le printemps
de 1643. Le Poussin quitta Paris sans songer si l'avenir lui permettrait de tenir sa promesse; il
avait laissé toutes les indications nécessaires pour que les travaux de la galerie du Louvre
pussent être entrepris et conduits pendant son absence ; sa hâte à quitter les orages de la cour
et des ateliers avait été telle que c'est par lettres seulement qu'il envoya ses adieux à M. de
Chantelou, retiré dans son château de Dangu. Comme le fait observer Raoul-Rochette dans son
discours sur Poussin, prononcé en 1843 devant les cinq académies, la seule vengeance qui pût
être à son usage fut de faire un dernier tableau intitulé : Le Temps qui délivre la Vérité du
joug de la Haine et de l'Envie et qui la rend à l'Éternité. Cette toile, l'une des rares allégories
qu'ait composées le Poussin, a décoré un plafond dans le palais du cardinal de Richelieu; elle est
actuellement au Louvre, sous le n° 446.

Le Poussin avait emmené avec lui, sur la recommandation du chancelier Séguier, le jeune
Charles Lebrun, que nous avons déjà rencontré pendant notre visite à l'atelier de Simon Vouet.
Dès le 1e1' janvier de l'année 1643, ^ était réinstallé dans son cher asile du Monte Pincio.
Pendant son voyage, le cardinal de Richelieu était mort ; le roi Louis XIII suivit son ministre
dans la tombe, cinq mois après, — le 14 mai 1643, — et M. de Noyers quitta son ministère pour
se retirer loin de la cour. Le Poussin se trouva ainsi dégagé de sa promesse et rendu maître de
lui-même. C'est à Rome qu'il allait finir sa carrière d'homme et d'artiste. Il avait quarante-huit
ans passés.

Les vingt dernières années de la vie du Poussin furent exemptes de bruit, mais pleines de
travail, de vertu et de philosophie. La sérénité de sa pensée devait l'éloigner des vastes allégories
mythologiques qui allaient chanter les gloires du grand roi ; il ne peignit plus que pour les amis
qu'il avait conservés en France, pour des hommes de sa condition tels que Stella le peintre,
l'architecte Le Notre, le digne et noble M. de Chantelou, l'honnête M. Cerisiers, négociant à
Lyon, le bon M. Pointel, un riche banquier de Paris. Il leur adressait des lettres admirables qui
ont été recueillies et dont la lecture est " un plaisir en même temps qu'un enseignement ; elles-
donnent un avant-goût de chacune de ses œuvres ; il y retrace les circonstances qui ont présidé
au choix du sujet, les hésitations et les' sages lenteurs de l'exécution, les scrupules de l'auteur
désintéressé et consciencieux.

En 1644, M. de Noyers était rentré aux affaires et avait rappelé au Poussin les engagements
pris à Paris ; il ne put se décider à les tenir, et la présence à Rome de son ami, M. de Chan-
telou, l'aida à faire accepter ses excuses. Si Poussin était rentré dans Paris à cette époque, les
troubles de la minorité du roi l'eussent abreuvé de contrariétés ; il s'y serait débattu au milieu
d'événements plus forts que lui, la déception eût abrégé sa vie, et le monde aurait été privé des
plus belles productions de son-génie.

Georg.es Berger,

[La suite prochainement.) Professeur à l'Ecole nationale des beaux-arts,

Directeur des sections étrangères à l'Exposition universelle de 1S78.
 
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