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Véron, Eugène: La correspondance d'Eugène Delacroix
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.17799#0102
Frise composée et gravée par Sébastien Le Clerc1.
LA
CORRESPONDANCE D'EUGÈNE DELACROIX
Lettres de Eugène Delacroix (1815 à 1865) recueillies et publiées par M. Philippe Burty*.
a notice de Th. Silvestre sur Delacroix nous donne surtout le
peintre, ici nous avons l'homme tout entier. Or cet homme, en
dépit de la misanthropie de sa vieillesse, est infiniment plus
sympathique qu'on ne s'y attendrait. Delacroix a laissé à ceux
qui l'ont connu dans les dernières années de sa vie l'impression
d'une certaine raideur diplomatique, qui n'était pas précisément
attirante. On l'accusait volontiers de morgue et d'égoïsme.
La lecture de ses lettres donne une impression différente et
meilleure. Lui-même se vante à plusieurs reprises « d'avoir des
griffes aux ennuyeux », de faire ses efforts pour « devenir le plus
insociable possible, pour se coucher de bonne heure, narguer
les insolents et les cousus d'or, comme c'est sa nature ». Mais
en môme temps on y trouve un homme tout plein de sincère
affection pour ses amis, très-capable d'abandon en petit comité, parfois môme très-gai et n'ayant
de haine que pour les sots et les membres des jurys de peinture. Son vice principal, c'est un
amour effréné de l'éloge, mais il le confesse ou plutôt le proclame de si bonne grâce, qu'on ne
saurait lui garder rancune. Il « ouvre volontiers à ses amis ces caches si profondes où s'enveloppe
l'amour-propre », et il déclare hautement que « les éloges l'enivrent et le transportent toujours ».
Quel est l'artiste qui n'en pourrait dire autant, s'il avait la franchise de le dire? Mais quel
est celui qui se jugerait lui-même avec une sévérité aussi rigoureuse que celle qui éclate dans ce
billet à son ami Soulier :
« C'est ce matin qu'on a rouvert le Salon. Ma croûte fia Mort de SardanapaleJ est placée
le mieux du monde. De sorte que, succès ou non succès, ce sera à moi qu'il faudra m'en prendre.
J'ai éprouvé en arrivant là un effet abominable, et je ne souhaite pas que l'excellent public ait
r. Pour l'ouvrage intitulé : « Tapisseries du roi, où sont représentez les quatre éléments et les quatre saisons. A Paris, de l'imprimerie
Roïale. MDCCXX ».
2. Avec t'ac-simile de lettres et de palettes. Un volume in-S de xx-591 pages, avec un portrait de Delacroix par lui-même. Quantin,
éditeur. 1879.
Tome X\1. 12
LA
CORRESPONDANCE D'EUGÈNE DELACROIX
Lettres de Eugène Delacroix (1815 à 1865) recueillies et publiées par M. Philippe Burty*.
a notice de Th. Silvestre sur Delacroix nous donne surtout le
peintre, ici nous avons l'homme tout entier. Or cet homme, en
dépit de la misanthropie de sa vieillesse, est infiniment plus
sympathique qu'on ne s'y attendrait. Delacroix a laissé à ceux
qui l'ont connu dans les dernières années de sa vie l'impression
d'une certaine raideur diplomatique, qui n'était pas précisément
attirante. On l'accusait volontiers de morgue et d'égoïsme.
La lecture de ses lettres donne une impression différente et
meilleure. Lui-même se vante à plusieurs reprises « d'avoir des
griffes aux ennuyeux », de faire ses efforts pour « devenir le plus
insociable possible, pour se coucher de bonne heure, narguer
les insolents et les cousus d'or, comme c'est sa nature ». Mais
en môme temps on y trouve un homme tout plein de sincère
affection pour ses amis, très-capable d'abandon en petit comité, parfois môme très-gai et n'ayant
de haine que pour les sots et les membres des jurys de peinture. Son vice principal, c'est un
amour effréné de l'éloge, mais il le confesse ou plutôt le proclame de si bonne grâce, qu'on ne
saurait lui garder rancune. Il « ouvre volontiers à ses amis ces caches si profondes où s'enveloppe
l'amour-propre », et il déclare hautement que « les éloges l'enivrent et le transportent toujours ».
Quel est l'artiste qui n'en pourrait dire autant, s'il avait la franchise de le dire? Mais quel
est celui qui se jugerait lui-même avec une sévérité aussi rigoureuse que celle qui éclate dans ce
billet à son ami Soulier :
« C'est ce matin qu'on a rouvert le Salon. Ma croûte fia Mort de SardanapaleJ est placée
le mieux du monde. De sorte que, succès ou non succès, ce sera à moi qu'il faudra m'en prendre.
J'ai éprouvé en arrivant là un effet abominable, et je ne souhaite pas que l'excellent public ait
r. Pour l'ouvrage intitulé : « Tapisseries du roi, où sont représentez les quatre éléments et les quatre saisons. A Paris, de l'imprimerie
Roïale. MDCCXX ».
2. Avec t'ac-simile de lettres et de palettes. Un volume in-S de xx-591 pages, avec un portrait de Delacroix par lui-même. Quantin,
éditeur. 1879.
Tome X\1. 12