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La chronique des arts et de la curiosité — 1868

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Nr. 1 (5 Janvier)
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1868. — N° i.

5 JANVIER.

BUREAUX: 55, RUE Y1VIENNE.

LA

CHRONIQUE DES

ET

DE LA CURIOSITÉ

PARAISSANT LE DIMANCHE MATIN.

ARTS

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LlPZIG


Comptes rendus et Annonces des Ventes publiques
de Tableaux, Dessins, Estampes, Bronzes, Ivoires, Médailles,
Livres rares, Autographes, Émaux, Porcelaines, Armes
et autres objets de curiosité.

ABONNEMENTS :

P A II I S ET DEP A II T E M E X T S

Six mois, 8 fr. — Un an, 15 fr.
Étranger, le port en sus.

Correspondances étrangères. — Nouvelles des Galeries
publiques, des Ateliers. — Bibliographie des Livres, Articles
de Revues et Estampes, publiés en France et à l’Étranger.
Revue des Arts industriels.


LE

TESTAMENT D’ANNE D’AUTRICHE.

UN CATALOGUE POUR QUINZE AUTOGRAPHES.

LE VETO D’UN NOTAIRE.

La dernière page des Mémoires de Mmc de Motte-
ville, c’est le testament de sa chère maîtresse.

Neuf mois avant la mort d’Anne d’Autriche, déjà
bien malade, en mai 1665, l’urgence de dispositions
dernières lui fut montrée par l’abbé de Montaigu,
« seigneur anglais, alors prêtre et dévot, jadis confi-
te dent des folles adorations des hommes pour la beauté
« de cette princesse, et témoin de la complaisance
« qu’elle avait prise en ces vanités. » Docile à cet avis,
elie donna à son surintendant Tubeuf de,t instructions
pour la rédaction d’un projet. 11 y eut quelques diffi-
cultés pour de belles perles destinées à la fille de
Monsieur et désirées par le roi pour la couronne : il
les prit en payant, et Monsieur fut satisfait. Tout étant
réglé, le secrétaire d’État Le Tellier fut chargé de
dresser le testament, et ne se pressa pas, suivant sa
coutume. Mais, le dimanche 3 août, au château neuf
de Saint-Germain (aujourd’hui dé/ruit depuis long-
temps), une opération ayant mis la reine mère en
danger, elle manda Le Tellier et Tubeuf, leur fit re-
mettre un mémoire de ses volontés suprêmes, écrit de
sa main, et leur commanda d’aller le mettre en forme
solennelle. C’est Le Tellier qui tint la plume; ils re-
vinrent, Anne signa, lui ensuite et Henri de Guéné-
gaud, tous deux en qualité de /« conseillers notaires
« du roi, maison et couronne de France, secrétaires
« d’Etat et des commandements et finances de Sa
« Majesté. » La reine mère envoya cet acte au roi le
priant de le lire; mais, sans y jeter les yeux, il écri-
vit, d’une main ferme, à la suite : Japrouve le pré-
sent testament. Louis. Sa mère lui en sut gré, « et le
« conta publiquement comme une action louable et qui
« l’avait obligée. » Toutes ces choses faites avec calme
et mesure, la pièce fut remise à Mlle de Beauvais, fille
de la première femme de chambre, « préférée à sa
« mère pour les confiances d’honneur et de distinc-
te tion. » Puis, la testatrice s’endormit, et, à son ré-
veil, se trouva mieux.

Mais bientôt le mal reprend ses ravages; les mois
qui suivent sont un long martyre, rarement inter-
rompu, et, le mercredi 20 janvier 1666, au Louvre,
entre quatre et cinq heures du matin, Anne d’Autri-
che expire. Louis n’a pas eu la force d’assister à
1 agonie : il a presque fallu l’emporter. Monsieur a pu
rester jusqu à la fin : puis, accablé, il est parti pour
Saint-Cloud. Son frère, toujours roi, même dans la

douleur, fait courir après lui pour qu’il vienne en-
tendre le testament et prendre une clef des pierre-
ries : il refuse, et Louis, « ne tardant que le temps
« nécessaire pour s’acquitter de ses devoirs, » fait de-
mander le testament à la jeune dépositaire. Lecture
en est donnée par Le Tellier devant le roi et la reine,
et alors seulement le roi va se mettre au lit; mais il
ne dort pas : il pleure.

Peu de temps après, l’acte est communiqué à M,nc de
Motteville, qui y figure pour un legs important. Elle
le transcrit pieusement au bout de sa chronique, close
désormais, et va chez ses amis, à Fresnes, « rêver
profondément, » à côté d’une aimable marquise qui,
depuis vingt ans déjà, écrit ses mémoires sous une
autre forme, et les écrira trente ans encore.

Deux siècles s’écoulent, et, aujourd’hui mercredi
î8 décembre '1867, à sept heures du soir, où est ce
testament d’une reine-régente de France, qui fut
bonne et belle, et ne gouverna pas sans gloire dans
un temps difficile, ce testament mouillé des pleurs de
Louis le Grand? Il avait disparu ; mais le voici : c’est
bien lui, aussi solide que le premier jour, et vérifiant
par tout son contexte la minutieuse exactitude des
récits deMmede Motteville. — Où cela? aux Archives
de l’Empire, sans doute? — Point. Sur la table de la
salle de ventes n° 2, maison Sylvestre, rue des Bons-
Enfants, 28. Au lieu de Michel Le Tellier, c’est M. Per-
rot, commissaire-priseur, qui va le présenter aux in-
téressés; Henri de Guénégaud sera remplacé par
M. Gabriel Charavay, expert en autographes, et Tu-
beuf par un crieur solide. Des amateurs, dont la
quantité médiocre est inférieure, j’aime à le croire, à
la qualité, se sont passé et repassé sans confusion les
quinze pièces, — pas plus, — portées au catalogue,
et revêtues de chemises d’une dimension et d’une
force remarquables. Le n° I, c’est le Testament, et,
dans quelques minutes, si M. Perrot, moins exact
qu’un roi, veut bien arriver, nous allons entendre
cette interpellation éloquente, au point de vue philo-
sophique :

« Allons, Messieurs, à combien le testament authen-
« tique d’Anne d’Autriche, reine de France!... »

-Est-il, Dieu, possible! Comment! cela se peut!
cela se fait! cela se voit! O siècles! ô mémoire! ô
Anne ! ô Mazarin! ô Louis XIV! Et l’État ne dit rien,
par la bouche ou la plume de ses secrétaires!...

— L’État et ses secrétaires sont empêchés ailleurs.
Que voulez-vous? La chose est bien un peu extraor-
dinaire; mais tout n’arrive-t-il pas dans ce singulier
pays de France? Il en a vu bien d’autres. Allons, Mes-
sieurs, y a-t-il marchand? A combien le testament
authentique, le vrai, l’unique testament, en original,
de la reine Anne d’Autriche!...

— Eh bien, non! ce scandale smcoh^prrîmei'a peut-

<\ \ 1 U T / . x

être un autre jour; mais il n’est pas advenu le mer-
credi 18 décembre 1867, et ce qui est advenu, c’est,
à l’instant même, suivant le récit ému de M. Perrot à
l’assistance, l'opposition d’un notaire de Paris, armé
d’une ordonnance du président, à ce qu’aucune des
sept premières pièces du catalogue, plus le n° 9, soit
mise en vente jusqu’au jugement du procès qu’il in-
tente aux possesseurs d’icelles, et dont on saura ulté-
rieurement l’objet et les moyens. J’avoue que, pour le
testament, je ne comprends pas bien ce notaire, tout
en me gardant de le blâmer, au contraire : un
retard est bon en pareil cas : pour les autres pièces,
j’entrevois ce qu’il dira, justement ou non. Ayons
l’œil sur cette affaire, où la [Gazette des Beaux-Arts
n est pas aussi désintéressée qu’il le semble d’abord.
C’est ce qui me reste à expliquer.

Le testament était la pièce la plus émouvante, la
plus noblement historique de ce catalogue de quinze
autographes, mais non, à beaucoup près, la plus cu-
rieuse. Il est imprimé, et, par conséquent, le posséder,
le lire, le voir en original, n’apprend que'fort peu de
chose aux gens. Pourquoi voudrait-on qu’il fût au
musée de l’hôtel Soubise? Uniquement par pitié pour
les grandeurs du monde, comme dit le poète.

Mais les autres pièces arrêtées, et qui, suivant l’is-
sue du procès, vont entrer dans le portefeuille jaloux
d’un collectionneur, d’un étranger peut-être, ou reve-
nir dans les cartons assermentés dont elles ont trompé
la surveillance, la Gazette dédaignerait-elle d’en pour-
suivre, en temps utile, ici où là, la communication
officieuse, en vue d’un travail de reproduction ou
d’analyse, avec notes instructives? Pour quelques-unes
du moins, elle aurait tort de ne le pas faire. Voyez:

N° 2. Inventaire des biens meubles appartenant à
la feue reine, mère du roi, trouvés après son décès,
tant dans son appartement au château du Louvre, où
elle est décédée, qu’en autres lieux et maisons de Sa
Majesté; lesquels ont été prisés par Pittan et Ballin,
marchands orfèvres, pour l’argenterie, orfèvrerie et
pierreries; et, pour les meubles, par F. Henry .et
Pierre Rossignol, marchands tapissiers, à Paris : signé
par, etc., etc.; par Louis XIV et Philippe son frère,
puis par les notaires: Paris, ter-20 février 1666,
58 pages in-f°.

Cet inventaire, commencé, ainsi qu’on le voit, avant
la mort de la reine mère, est ainsi divisé : — Oratoire;
le catalogue fait ici des extraits indiquant la richesse
de ce chapitre, où rivalisent les arts de France et
d’Espagne : on en a une idée par d’autres témoignages :
je ne citerai que MUc de Montpensier qui, assistant à
l’extrême-onction administrée à la mourante, remarque
« ces beaux et grands flambeaux de cristal, et tant de
« diamants, et une croix que la reine, ma grand’mèrtv
« avait fait faire avec tant de soin ... » — Vaisselle,
 
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