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La chronique des arts et de la curiosité — 1868

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Nr. 6 (9 Février)
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https://doi.org/10.11588/diglit.26660#0029
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1868. — N° 6.

BUREAUX: 55, RUE VI VIENNE.

9 FEVRIER.

CHRONIQUE DES ARTS

ET

DE LA CURIOSITÉ

PARAISSANT LE DIMANCHE MATIN.




Comptes rendus et Annonces des Ventes publiques

ABONNEMENTS :

Correspondances étrangères. — Nouvelles des Galeries


de Tableaux, Dessins, Estampes, Bronzes, Ivoires, Médailles,

PARIS ET 1) É P A R T E M E N T S

publiques, des Ateliers. — Bibliographie des Livres, Articles


Livres rares, Autographes, Émaux, Porcelaines, Armes

Six mois, 8 fr. — Un an, 15 fr.

de Revues et Estampes, publiés en France et à l’Éti'anger.


et autres objets de curiosité.

Étranger, le port en sus.

Revue des Arts industriels.





L’HOTEL CARNAVALET.

(Suite et fin '.)

Je parlerai peu des grandes figures qui sont
entre les croisées du premier étage. Celles du
fond, les plus belles, sont les plus anciennes ,
mais elles ne sont pourtant pas pour cela de
Goujon lui-même ; elles sont dans son goût
comme principe, mais non par l’exécution qui
est ici bien autrement grossière ; le bras de l’Her-
cule est d’un raccourci détestable, les draperies
de l’Hiver sont loin de ses plis merveilleux. On
ne doit prononcer que le nom de son École, ce
qui est déjà beaucoup, mais non le sien ; il était
d’une bien autre valeur. Les signes du zodiaque
qui sont. au-dessus, les grecques qui sont au-
dessous, et qui paraissent bien contemporains
des figures, puisqu’ils semblent être comme elles
taillés dans la pierre même du mur, ne se rac-
cordent pas avec les figures, dont elles sont trop
près et qu’elles gâtent. Celles-ci sont de l’École
de Goujon; elles ne pourraient lui être attribuées
sans blasphème, et pour la date je les met-
trais, non pas à l’époque de M. des Ligneris,
mais à celle de Mme de Carnavalet, autrement dit
aux derniers Valois et non pas sous Henri 11. On
ignore l’auteur des quatre statues de droite, que
je crois postérieures à Mansart et qui sont l’œuvre
d’un maladroit et d’un ignorant. Les « Mémoires
inédits des Académiciens, » si importants et si
nouveaux pour tout ce qui concerne les œuvres
de peinture et de sculpture faites à Paris au
xvne siècle, nous ont appris que les quatre figures
de gauche, comme le bas-relief de la rue des
Francs-Bourgeois, sont de Van Obstal. Sans être
excellentes, elles sont au moins honnêtement
décoratives et elles appartiennent certainement
a l’époque du remaniement de Mansart.

Quant aux groupes d’enfants qui sont en haut
des deux portes du grand escalier, celui qui est
sur la porte du corps de logis du fond rappelle,
quoique de loin, ceux de l’escalier de Henri II
au Louvre; il est de la construction primitive et
gagnera à être débarrassé des couches de badi-
geon qui 1 alourdissent. Ajoutons qu’il a été placé
où il est à l’époque d’un remaniement; les plan-
ches de Marot nous le montrent à l’extérieur sur
l’ancienne petite porte de l’escalier. Celui qui est

1. Voir la Chronique du 26 janvier.

sur la porte de l’aile latérale est petit de faire, et
prétentieusement coquet de détails. Il est du
temps de Mme de Sévigné.

Une dernière question nous .reste à traiter :
celle des mascarons des fenêtres du rez-de-chaus-
sée de la cour. On les a toujours admirés de
même et à grand tort, car ils sont fort dissem-
blables.

Le côté gauche en entrant dans la cour est,
avec la porte, la partie primitive et vraiment
belle de l’hôtel. Le choix des matériaux, la per-
fection du travail, y sont merveilleux, et, si tout
avait été continué avec ce soin, l’hôtel aurait été
digne des plus pures portions du Louvre, qui
semble lui avoir enlevé son architecte et ses
sculpteurs. Il y faudra certainement rétablir la.
galerie ancienne avec ses balustrades à jour;
mais en attendant on peut toujours admirer,
comme Sauvai l’a déjà fait si justement, ce choix
et cette appropriation des pierres énormes et
taillées selon le dessin des formes. Jamais une
coupure ne vient abîmer ni un pilastre, ni un
montant, ni un bandeau. Les lignes de suture
sont toutes cachées dans les lignes de motifs, et
disparaissent par conséquent complètement ;
elles se perdent dans les lignes mêmes des for-
mes, qu’elles épousent de manière à ne les con-
trarier jamais, si bien que sur cette façade sobre,
où l’on s’étonne qu’une muraille aussi plate et
aussi peu chargées de ressauts puisse paraître si
décorée, l’œil suit toutes les simplicités du des-
sin en en sentant toute la valeur et sans être ja-
mais contrarié par un joint malencontreux. Là
les mascarons, « de la propre main de maître
Ponce, » comme nous dit Sauvai, sont admira-
bles, dignes de Goujon, dignes du Louvre; ils
devraient être moulés et figurer dans toutes les
écoles de dessin. Si beaux que soient encore ceux
d’en face, ils n’ont pas la thème valeur et n’en
sont qu’une imitation très-volontaire, très-con-
sciencieuse, très-habile, mais inférieure. Pour
moi ils sont du xvue siècle et du remaniement
de Mansart, qui, avec une piété intelligente qui
honore son goût, s’est partout tenu autant que
possible au sentiment de l’œuvre première, qu’il
ne s’est pas donné la tâche de refaire, mais de
compléter. Un examen attentif fera, je crois,
partager cet avis à ceux qui voudront faire atten-
tion aux différences, qui me paraissent très-sen-

sibles. Ce qui domine dans ceux de gauche, c’est
une physionomie un peu austère, un modelé
non pas sec, mais très-serré et très-ferme, une
sorte de sévérité dans la fantaisie, qui sont de la
plus belle Renaissance. S’en tenant à une forme
matérielle, il serait possible d’exprimer d’un seul
mot ma pensée en disant qu’ils se caractérisent
surtout par une élégance allongée. En face et de
l’autre côté, ce qui frappe en se retournant, c’est
une dominante contraire et tout en largeur ; les
barbes et les cornes s’écartent, les joues sont
plus rondes, les yeux rient davantage, les bou-
ches s’ouvrent et se fendent plus; ce sont d’un
côté des faunes et de l’autre des satyres. Le tout
est plus gras, plus coupé d’oppositions d’ombre
et de lumière. Certainement Mansart a dit à ses
sculpteurs de faire pareil, et ils se sont appliqués
à imiter jusqu’à croire qu’ils avaient copié et re-
produit à s’y tromper. Il n’en-a pas moins passé
sous leur ciseau leur sentiment propre et cette
qualité contemporaine à laquelle on veut et à
laquelle on croit échapper, mais qui, quoi qu’on
ait, passe malgré soi, se dégage, s’accuse plus
tard pour des yeux nouveaux et sert à recon-
naître sans erreur la date et l’époque d’après un
effet général et sur des traces qui semblent insi-
gnifiantes et qui sont cependant décisives. 11
n’est pas besoin de dire que les deux mascarons
des fenêtres du rez-de-chaussée de la façade ex-
térieure, où Mansart a imité les consoles des
fenêtres de l’ancien Louvre, appartiennent non à
la première mais à la seconde suite.

Enfin, et sans nous étendre sur la reconnais-
sance qui est due à la Ville pour avoir sauvé un
monument aussi intéressant et aussi pur de l’ar-
chitecture privée, où le goût du xvie et celui du
xvnu siècle se confondent et s’associent harmo-
nieusement par leurs côtés les plus simples et les
plus sobres, il ne nous reste qu’à exprimer un
vœu : c’est que les architectes chargés de sa res-
tauration et de son aménagement, au lieu de
vouloir faire du nouveau et de briller par eux-
mêmes, suivent avec piété l’exemple de respect
que leur a si bien donné le vieux Mansart, et
qu’ils tiennent à honneur, non pas d’inventer,
mais de rétablir. Plus ils se tiendront à ce qui
est, moins on trouvera de changements en en-
trant dms cette belle cour; plus ils montreront
de talent, et mieux ils mériteront de l’art et des

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