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La chronique des arts et de la curiosité — 1868

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Nr. 35 (30 Août)
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1868. — N° 35.

BUREAUX : 55, RUE YIVIENNE.

30 AOUT.

LA

CHRONIQUE DES

ET

DE LA CURIOSITÉ

PARAISSANT LE DIMANCHE MATIN.

i

Comptes rendus et Annonces des Ventes publiques

ABONNEMENTS :

Correspondances étrangères. — Nouvelles des Galeries

de Tableaux, Dessins, Estampes, Bronzes, Ivoires, Médailles,

PARIS ET DÉPARTEMENTS

publiques, des Ateliers. — Bibliographie des Livres, Articles

Livres rares, Autographes, Émaux, Porcelaines, Armes

Six mois, 8 fr. — Un an, 15 fr.

de Revues et Estampes, publiés en France et à l’Étranger.

et autres objets de curiosité.

Étranger, le port en sus.

Revue des Arts industriels.

DISCOURS

prononcés a l’école spéciale de dessin

ET DE MATHÉMATIQUES.

A la distribution des prix de l’École spéciale
de dessin et de mathématiques pour l’applica-
tion des Beaux-Arts à l’Industrie, M. de Nieu-
werkerke a pris la parole en ces termes :

Messieurs,

Depuis le jour où je suis venu m’asseoir au milieu
de vous dans une circonstance semblable à celle qui
nous réunit aujourd’hui, un grand fait s’est accompli:
nous avons assisté à ce grand concours ouvert entre
toutes les nations civilisées. L’année dernière, à pa-
reille époque, l’industrie du monde entier tenait, à
Paris, ses assises solennelles. Il n’est personne qui
n’ait gardé un sérieux et durable souvenir de cette
extraordinaire manifestation où la puissance du génie
humain s est révélée avec une imposante grandeur.
Mais, plus que personne, vous aurez puisé à cette
source immense d’enseignement de fécondes et salu-
vaires leçons. Vous aurez vu à l’Exposition universelle,
en effet, les efforts prodigieux tentés par chaque peu-
ple, au nord et au midi, à l’orient et à l’occident,
pour ajouter aux œuvres utiles la parure essentielle
du beau.

Or c’est là précisément, messieurs, ce qui sera
jusqu à la fin de votre carrière l’objet de vos propres
efforts, de vos recherches, de vos constantes préoccu-
pations; c est là précisément ce qui fait aujourd’hui
1 objet de vos études. Ce spectacle merveilleux avait
donc pour vous un intérêt tout à fait exceptionnel ; je
ne doute pas que vous n’ayez su le mettre à profit en
comparant attentivement le goût et les tendances des
peuples les plus divers. Non-seulement vos investiga-
tions ont pu porter sur les productions contempo-
raines, mais encore, grâce à l’heureuse pensée qui
avait fondé les galeries de l’Histoire du travail, il
vous a été facile de suivre, à travers les siècles, les
transformations successives que le mouvement ascen-
sionnel de 1 humanité est venu apporter aux créations
des époques barbares.

Pour nous, messieurs, qui nous intéressons si vive-
ment à la prospérité de l’École impériale de dessin,
nous avons étudié avec une attention toute particu-
lière, à côté de l’exposition industrielle, l’exposition
spéciale des écoles qui poursuivent le même but que
la vôtre, tant en France qu’à l’étranger. Laissez-moi
vous dire, aussi rapidement que possible, quelle a
été, en bien peu d’années, l’influence des expositions

universelles sur l’enseignement du dessin en Europe.

A Londres, en 1851, — c’est à cette date qu’il faut
remonter, — le triomphe de la France fut incontesté,
immense, enlevé presque sans combat dans le con-
cours des industries de luxe, où tout le prix de l’œu-
vre est attaché non à la matière employée, mais à la
façon dont cette matière est employée, ornée,' décorée.

Le peuple anglais, le peuple pratique par excel-
lence, comprit le premier et tout de suite que la cause
de son infériorité dans cet ordre tenait à l’infériorité,
au petit nombre, à l’absence presque complète des
écoles d’art en Angleterre. Aussitôt, sous l’actif patro-
nage de S. A. R. le prince Albert, le sol de la Grande-
Bretagne se couvrit, comme par enchantement, d’écoles
spéciales destinées à remédier à ce fâcheux état de
choses. Mais les mesures les meilleures ne sauraient
produire immédiatement les résultats espérés. En 1855,
à Paris, aucune des conséquences que l’on attendait
de cette vaste organisation ne se manifesta d’une ma-
nière sensible.

Cependant les générations d’élèves formés dans ces
écoles grandissaient, entraient en lice à leur tour, et
à l’exposition internationale ouverte à Londres en
1862, on put mesurer les étapes que l’industrie an-
glaise avait rapidement parcourues sur le terrain du
goût. A cette date, ici même, votre directeur, M. Bel-
loc, constatait devant vous les progrès accomplis par
nos voisins d’outre-Manche, notamment dans le dessin
des meubles construits avec un plus vif sentiment du
style, et dans l’exécution des poteries émaillées, or-
nées avec un sentiment plus pur de la beauté déco-
rative.

Une telle conquête, si minime qu’elle parût au pre-
mier abord, était en réalité un événement considé-
rable. Elle prouvait que, si le goût est en général un
privilège inné chez certains peuples, il n’était pas im-
possible cependant d’acquérir ce que j’appellerai le
goût négatif, celui qui donne conscience des vulga-
rités de la forme et de la couleur, et conséquemment
permet de les éviter. De là, à posséder le goût créa-
teur, il n’y a qu’un pas. L’Angleterre ne désespérait
point de le franchir.

La leçon fut comprise en France et dans toute l’Eu-
rope. En France, deux hommes éminents, MM. Pros-
per Mérimée et Du Sommerard, jetèrent le cri d’alarme ;
en Europe, en Allemagne surtout, on reconnut quelle
était la voie où il fallait s’engager pour lutter contre
nous avec quelque chance de réussite. De toutes parts,
à Paris et dans nos villes de province, l’Université et
les municipalités mirent à l’étude la question de l’en-
seignement du dessin. L’étranger renouvelait ses mé-
thodes, déployait une activité infatigable dans le même
sens, et avec quel succès, vous le savez, messieurs ;
vous avez vu l’année dernière, en effet, la Bavière

remporter le grand prix à l’exposition des écoles de
dessin. Voilà qui est grave.

L’École impériale ne prenait point part à ce con-
cours, et je ne vous fais pas un éloge de complaisance
en vous disant que, dans ma conviction la plus ferme
et la plus réfléchie, vous êtes très-supérieurs à vos
rivaux. Il suffit de parcourir l’exposition de vos tra-
vaux de l’année pour y reconnaître une fleur d’indi-
vidualité qui faisait absolument défaut à l’école de
Munich. Il y a là toutefois un avertissement que nous
ne pouvions négliger. Et c’est à cela que je voulais
en arriver, messieurs, à vous dire qu’en présence de
ce mouvement d’idées qui, dans tous les pays, remet
en discussion toutes les méthodes d’enseignement,
l’administration avait un devoir à remplir : nous avions
la mission de ne pas vous laisser distancer par vos ri-
vaux. Il nous fallait donc, nous aussi, reviser vos
méthodes et vos programmes. C’est ce que nous avons
fait.

Ayant dans les hommes distingués qui vous dirigent
une confiance que justifie largement leur profonde
expérience en ces matières, nous avons fait appel à
leurs connaissances, nous avons en commun discuté,
élaboré, point par point, article par article, un nou-
veau plan d’études qui fonctionnera à la réouverture
des classes. L’administration, jalouse de la prospérité
de l’École impériale, attend les meilleurs résultats du
nouveau règlement; mais un règlement, fût-il parfait,
ne fonctionne pas seul; il nous faut absolument votre
concours pour qu’il porte tous ses fruits.

Je compte sur votre amour du travail, sur le senti-
ment que vous avez de vos propres intérêts, pour
seconder le zèle de vos excellents maîtres. Vous main-
tiendrez ainsi l’École impériale de dessin au rang
qu’elle a toujours occupé, je veux dire au premier
rang des écoles spéciales. Et songez que je ne vous
parle pas ici seulement au nom de cet établissement
dont le passé glorieux vous engage pour ainsi dire
malgré vous, mais encore au nom du pays qui est
habitué à voir se lever de ces bancs les artistes les
plus habiles, les plus ingénieux, ceux qui ont fait sur
tous les marchés du monde, depuis un siècle, la ré-
putation du « goût français. »

Ce discours du surintendant des Beaux-Arts a
été salué par de chaleureux applaudissements.
M. de Nieuwerkerke avait su mêler dans une
juste proportion la critique générale à l’éloge
particulier, et tous les assistants lui en ont té-
moigné leur sympathie.

M. Lecocq de Bois-Baudran, — directeur de
cette école d’où sont sortis, dans ces dernières
 
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