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La chronique des arts et de la curiosité — 1868

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Nr. 27 (5 Juillet)
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1868. — N° 27.

BUREAUX: 55, RUE Y1 VIENNE.

5 JUILLET.

CHRONIQUE DES ARTS

ET

DE LA CURIOSITÉ

PARAISSANT LE DIMANCHE MATIN.

Comptes rendus et Annonces des Ventes publiques
de Tableaux, Dessins, Estampes, Bronzes, Ivoires, Médailles,
Livres rares, Autographes, Émaux, Porcelaines, Armes
et autres objets de curiosité.

ABONNEMENTS :

PARIS ET DEPARTEMENTS

Six mois, 8 fr. — Un an, 15 fr.
Étranger, le port en sus.

Correspondances étrangères. — Nouvelles des Galeries
publiques, des Ateliers. — Bibliographie des Livres, Articles
de Revues et Estampes, publiés en France et à l’Étranger.
Revue des Arts industriels.


... - - -, -

RESTAURATION DES CARIATIDES

DE PIERRE PUGET, A TOULON.

La ville de Toulon vient de donner un nouvel
et regrettable exemple du mal que peuvent faire
des commissions municipales des beaux-arts qui
ne comptent point dans leur sein, même comme
voix consultative, une seule personne instruite
des choses d’art. Tout le monde connaît, au
moins par les moulages, les célèbres cariatides
que Puget a exécutées pour soutenir le balcon
du portique de l’hôtel de ville de Toulon. Expo-
sées non-seulement à l’action de la pluie et du
soleil, mais encore à l’eau qui stationne sur le
balcon, pénètre à travers les joints, imprègne et
délite la pierre calissane dont elles sont faites,
ces cariatides remarquables en étaient arrivées à
un état de détérioration qui demandait une ré-
paration urgente. La commission des beaux-
arts de la municipalité de Toulon, après avoir
constaté le mal, proposa le remède. Dans une
séance tenue le 28 décembre 1866, sous la pré-
sidence de M. Léon Rîeynie, et à laquelle assis-
tèrent MM. Élie Margollé, adjoint, Girard, Zur-
cher, Malcor, Clément, fut lu et approuvé un
rapport dressé par M. Malcor père. Mieux que
toutes phrases, la simple lecture de ce rapport
pouvant faire comprendre le danger considé-
rable qu’il y a de laisser la conservation de nos
monuments à la merci de commissions compo-
sées de membres ignorant les choses d’art, nous
le reproduisons en entier :

RAPPORT PRÉSENTÉ PAR M. MALCOR, SUR LA CON-
SERVATION DES CARIATIDES DE PUGET.

La commission des Beaux-Arts, dans sa séance du
^ 7 juin 1865, a délibéré qu’il était urgent d’appeler
l’attention de M. le Maire sur la dégradation qui existe
à la surface des cariatides de P. Pujet, lesquelles n’ont
pas été réparées depuis 1828.

Elle signalait, comme cause de ces dégradations,
l’infiltration des eaux pluviales, qui séjournent sur le
balcon, et ensuite le frottement des tentes mises sur
la fenêtre des bureaux du rez-de-chaussée de la façade
sud de la Mairie.

Rien n’a encore été fait.

La réparation du balcon est urgente, et il est de la
plus grande nécessité d’enlever les supports en fer des
tentes, qui gênent la vue des cariatides, tant du côté
de l’est que du côté de l’ouest.

Quant à la réparation à faire aux cariatides, elle se
réduit a un nettoyage de ce qui reste de la peinture
ou enduit, qui avait été mis sur ces sculptures, au
masticage et raccordement des parties disjointes et
à la pose sur le tout d’un enduit liquide qui nourri-
rait la pierre et la garantirait du contact de l’air, de
l’effet destructeur du soleil du Midi et de celui des
gelées.

J’ai pris des informations auprès des ingénieurs de
la marine qui ont fait usage du silicate de potasse sur
les pierres neuves. Rs ne peuvent pas encore se pro-
noncer sur l’efficacité de cet enduit. Rs pensent cepen-
dant qu’il ne conviendrait pas de l’employer sur les
cariatides, et qu’il vaudrait mieux se servir d’un en-
duit gras ; ainsi une bonne peinture à l’huile serait
préférable. Elle s’allierait bien à la pierre, au mastic.
Seulement il faudrait la renouveler au moins tous les
dix ans. (11 y a trente-huit ans qu’on n’a pas touché
aux cariatides.)

Comme en l’état il n’y a qu’à conserver, qu’il n’y a
aucune pièce de sculpture à changer, il serait inutile
d’appeler un sculpteur. M. Bronze, conservateur du
Musée, qui possède des connaissances requises pour
ce genre de travail, pourrait être chargé de diriger
la restauration dont il est question, c’est-à-dire qu’il
s’acquitterait avec connaissance de cause des raccor-
dements à faire et de la pose de l’enduit qui serait
préféré.

Mais, avant tout, il faut que le balcon ne retienne
plus les eaux pluviales, et que les engins qui ont servi
à supporter les tentes soient enlevés.

R est urgent que M. le Maire donne des ordres dans
le plus bref délai possible, car le moment est venu où
il y a danger à laisser ces choses en l’état.

Toulon, le 17 décembre 1866.

M. Malcor père,

Membre de la commission des Beaux-Arts.

Le rapport de M. Malcor fut approuvé. Que
penser d’une commission qui, pour conserver
des sculptures qu’elle sait être des chefs-d’œu-
vre, demande avis à des ingénieurs de la marine
et croit inutile de consulter des architectes et
des sculpteurs; qui pense qu’on peut indifférem-
ment nettoyer des œuvres de Puget avec du sili-
cate de potasse et les couvrir d’un enduit gras
ou d’une bonne peinture à l’huile qu’on renou-
vellerait tous les dix ans?

Heureusement que dans le conseil municipal
se trouvait alors un homme qui savait avec
quelle facilité on peut, en nettoyant une statue,

en altérer l’épiderme, et en la couvrant d’un en-
duit faire disparaître toutes les finesses et les
accents qui donnent tant de charme aux œuvres
traitées par le maître lui-même. M. Allègre s’é-
leva énergiquement contre le projet, et il eut
gain de cause auprès de ses collègues.

Mais depuis, le conseil municipal a été changé,
et il est probable qu’il s’est recruté d’hommes
plus au fait des choses de propreté que des
choses d’art. Un beau jour la ville de Toulon, au
grand désespoir de ceux qui sentent et compren-
nent le beau, put voir un ouvrier épousseter,
brosser, laver les cariatides et en fouiller, avec
un couteau à boucher, les cavités pour en extraire
les amas de terre. Après une toilette aussi com-
plète, nul peut-être ne pourra dire quelles dé-
gradations nouvelles ont été ajoutées aux dé-
gradations anciennes; mais nul aussi n’osera cer-
tifier que, sous l’action d’un couteau grossier
manié par une main brutale, la pierre friable n’a
pas çà et là volé en éclats !

En regard de cet acte commis sous la respon-
sabilité d’hommes qui, ne connaissant pas, ne
voulurent point s’éclairer auprès des gens du
métier, plaçons la lettre que H ubac, un sculpteur,
toulonnais, écrivit en 1829 à l’architecte de la
ville, lorsqu’il eut appris que le conseil municipal
l’avait désigné pour restaurer ces mêmes caria-
tides de Puget :

« Je suis bien flatté, dit-il, de l’opinion que le
conseil municipal et le préfet ont de moi, en
daignant confier à mes débiles mains ce travail
délicat. Mon respect pour cet admirable ouvrage
ne me permet de promettre d’y porter la main
qu’en me bornant à l’unique office de joindre,
le mieux qu’il me sera possible, avec du stuc,
tous les morceaux qui manquent, de remplir
tous les vides. Tel est l’état regrettable de ce
chef-d’œuvre de Puget, que le bronze devrait
garantir de la courte durée que lui réserve la
matière molle dont il est formé; j’ai souvent dé-
siré qu’on le fit mouler par un bon ouvrier de ce
genre, afin d’en conserver une fidèle empreinte
qui pourrait servir un jour à le jeter en matière
immortelle. »

Dans cette lettre, où un sculpteur habile
accepte la réparation des cariatides et la déclare
un travail délicat qui l’honore, se trouve l’indi-
cation de ce que les Toulonnais ont à faire pour
 
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